Coup d'État du 23-F
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Le coup d'État du 23 février 1981 en Espagne connu aussi comme le 23-F, fut un coup d'État perpétré par quelques commandements militaires, et dont la partie la plus représentative fut l'assaut du Congrès des Députés, par un groupe important de guardes civils, ayant à leur tête le lieutenant colonel de la Guardia Civil (gendarmerie) Antonio Tejero, pendant le vote du candidat à la présidence du Gouvernement espagnol, Leopoldo Calvo Sotelo, de l'Union de centre démocratique (UCD).
Sommaire |
[modifier] Antécédents
Le coup d'État de 1981 est étroitement relié aux évènements s'étant déroulés pendant la Transition démocratique espagnole. Quatre éléments génèrent une tension permanente, que le gouvernement d'Union de centre démocratique (UCD) ne va pas réussir à contenir : les problèmes dérivés de la crise économique, les difficultés pour mettre en œuvre une nouvelle organisation territoriale de l'État, les actions terroristes de l'ETA et les résistances de certains secteurs de l'armée à accepter un système démocratique.
Les premiers symptômes de malaise au sein de l'armée apparaissent en avril 1977, lorsqu'au motif de la légalisation du PCE, l'amiral Pita da Veiga, ministre de la Marine, démissionne et que le Conseil supérieur de l'armée émet une note où il manifeste son désaccord avec cette décision, bien qu'il s'y soumette. En novembre 1978 a lieu le démembrement de l'Opération Galaxie, une tentative de coup d'état, à la suite de quoi son responsable principal, Antonio Tejero, sera condamné à seulement sept mois de prison.
Alors que s'accroît la volonté putschiste au sein de secteurs de l'armée et de l'extrême droite, le gouvernement évolue au commencement de la décennie vers une crise profonde, qui en 1980 deviendra de plus en plus insupportable. Parmi les principaux évènements émergent la démission du ministre de la culture, Manuel Clavero le 15 janvier, la restructuration du gouvernement le 3 mai, la motion de censure présentée contre Adolfo Suárez par le PSOE le 28-30 mai, la démission le 22 juillet du vice-président du gouvernement, Fernando Abril Martorell, qui donne lieu à une nouvelle modification du gouvernement en septembre, et l'élection en octobre de Miguel Herrero Rodríguez de Miñón, candidat fortement soutenu par Suárez, à la présidence du groupe parlementaire centriste .
La faiblesse croissante de Suárez au sein de son propre parti, rend de plus en plus probable sa démission comme président du Gouvernement et de l'UCD. C'est le 29 janvier 1981, lors d'une intervention télévisée, que les évènements vont se précipiter. Le 1er février, le collectif "Almendros" publie dans El Alcázar (España) un article clairement putschiste; du 2 au 4 février, le couple royal voyage au Pays basque, où les députés de Batasuna les recoivent sous les huées; le 6 février est découvert assassiné l'ingénieur de la centrale nucléaire de Lemóniz, séquestré quelques jours auparavant, alors qu'on demeure sans nouvelles d'un autre industriel séquestré, Luís Suñer.
Au milieu de ce climat tendu, la succession de Suárez se met en marche. Entre les journées du 6 et 9 février se déroule le 2ème Congrès de l'UCD à Majorque, où le parti apparaît divisé et Agustín Rodríguez Sahagún est élu président de circonstance; le 10 Leopoldo Calvo Sotelo est choisi comme candidat à la présidence du Gouvernement.
Les tensions s'accroissent lorsque le 13 février, est rendue publique la mort, dans la prison madrilène de Carabanchel, du militant etarra Jose Ignacio Arregui, victime des tortures infligées par la Direction Générale de la Sûreté. Cela engendrent au Pays basque une grève générale et au Congrès un débat âpre entre les groupes parlementaires. A la suite de quoi, le gouvernement destitue différents dirigeants policiers, tandis qu'ont lieu au ministère de l'Intérieur des démissions en signe de solidarité avec les torturés. L'Alcázar juge que l'action gouvernementale est un signe de faiblesse qui doit être enrayée.
C'est dans ce cadre que le 18, Calvo Sotelo présente son gouvernement, mais lors du vote du 20 il n'obtient pas la majorité nécessaire pour l'investiture, moyennant quoi il doit y avoir un nouveau vote le 23, jour que choisissent les putschistes pour leur tentative de coup d'État. Une tentative au cours de laquelle va converger les volontés d'un coup dur, promu par Tejero et le capitaine général Jaime Milans del Bosch et un coup mou promu par le général Alfonso Armada, homme de confiance du roi.
[modifier] Le coup d'état
Lors du coup d'état du 23 divers complots putschistes distincts qui se trament depuis le commencement de la transition convergent de façon coordonnée. A 18h30, un groupe d'une dizaine de gardes civils mitraillette au poing, font irruption dans l'hémicycle du Congrès des Députés, avec à leur tête le lieutenant-colonel Tejero, lequel depuis la tribune ordonne que tout le monde se tienne tranquille et attende la venue de l'autorité compétente, ajoutant que ce sera un militaire qui d'ailleurs ne viendra pas.
Un opérateur de télévision enregistre une demi-heure de cette action, apportant au monde un document audiovisuel sur l'événement. La réplique vient du général Manuel Gutiérrez Mellado, ministre de la Défense, qui ordonne aux factieux de déposer les armes, il est alors agressé par les militaires et il s'en suit une rafale de mitraillette dirigée vers le plafond de l'hémicycle. Avec la prise de l'hémicycle et la séquestration des pouvoirs exécutif et législatif, est mis en œuvre le "vide du pouvoir", sur lequel un nouveau pouvoir politique prétendait se créer. En outre, quatre députés sont séparés des autres : le président du Gouvernement en place à ce moment, Adolfo Suárez González, le dirigeant de l'opposition, Felipe González Márquez, son adjoint à la direction du PSOE, Alfonso Guerra González, et le dirigeant du Parti communiste d'Espagne (PCE), Santiago Carrillo.
Peu après, se souleva à Valence (Espagne) le Capitaine Général de la 3e Région militaire, Jaime Milans del Bosch, il fit sortir les chars en ville, et déclara l'état d' exception et il tenta de convaincre les autres militaires de seconder l'action. A 21h00 , un communiqué du ministère de l'Intérieur informait de la constitution d' un gouvernement provisoire avec des sous-secrétariats de différentes instances ministérielles, sous les instructions du roi, pour assurer la direction de l'État et en étroit contact avec la Junte des Chefs de l'État Major. Entre temps, un autre général putschiste, Torres Rojas, échouait dans son essai de supplanter à la División Acorazada Brunete le général Juste, chef de celle-ci, et ce fut l'échec de la tentative d'occupation des points stratégiques de la capitale, parmi eux le siège de la radio et de la télévision, et la diffusion d'un communiqué relatant le succès du coup.
Le refus du roi de soutenir le coup d'état le fait avorter dans la nuit. Le monarche lui-même s'assure par sa gestion personnelle et celle de ses collaborateurs de la fidélité des commandants militaires. L'attitude du président de la Généralité de Catalogne, Jordi Pujol est remarquable aussi; peu avant 22h00, il diffuse à toute l'Espagne sur Radio Nacional et Radio Exterior une allocution où il appelle au calme. Jusqu'à 01h00 des négociations se tiennent aux alentours du Congrès, négociations auxquelles participent le gouvernement d'urgence et le général Alfonso Armada lui-même, ce dernier est cependant relevé de son mandat car il est soupçonné de participer au coup d'État.
Vers 01h00 le 24 février, le roi intervint à la télévision, vêtu de l'uniforme de Capitaine Général des Armées pour se positionner contre les putschistes, défendre la constitution espagnole et défaire de son autorité Milans del Bosch. À partir de ce moment le coup est considéré échoué. Au milieu de la nuit, Alfonso Armada se présentait au Congrès avec un objectif double : convaincre le lieutenant-colonel Tejero de se démettre de son attitude et pour assumer lui même le rôle de chef du gouvernement aux ordres du roi, en attitude clairement anticonstitutionnelle. Mais Armada n'était pas l'"autorité compétente" attendue et Tejero l'expédia violemment. Pour sa part, Milans del Bosch, isolé, annula ses plans vers 05h00 et fut arrêté, pendant que Tejero résistait jusqu'en mi-journée du 24. Cependant c'est pendant la matinée du 24 que les députés seront libérés.
[modifier] Réactions internationales
Peu après l'assaut du Congrès, le coup fut condamné avec force par les pays de la CEE, avec qui l'Espagne était en négociations pour une adhésion qui se produisit finalement en 1986. Parmi tous les états membres il convient de distinguer par son énergie la protestation du Royaume-Uni et spécialement l'alors Premier Ministre, Margaret Thatcher, qui qualifia le soulèvement militaire de " acte terroriste".
Pour leur part, les États-Unis se maintinrent officiellement neutres au sujet du processus, bien qu'existent divers indices qui semblent indiquer que l'administration Reagan était au courant par avance grâce aux informations de la CIA. Parmi les attitudes douteuses qu'eurent les USA se trouvent la réception de futurs militaires putschistes espagnols à Washington en 1980, l'accroissement des mouvements militaires nord-américains dans le détroit de Gibraltar au cours des jours précédents et l'état d'alerte décrété sur la base aérienne de Torrejón de Ardoz depuis le dimanche antérieur au coup. Tejero lui-même, assis au banc des accusés lors du procès que suivit le coup, affirma sans difficulté que "aussi bien le gouvernement des USA que le Vatican avaient étés sondés par le général Armada". Après l'entrée de Tejero dans l'hémicycle, le Secrétaire d'État nord-américain, le général. Alexander Haig, se limita à déclarer que "L'assaut du Congrès des Députés est une affaire interne concernant les espagnols", ce qui lui valut de sévères critiques internationales; une fois que le coup échoua il changea ses déclarations pour un surprenant "Nous devons nous féliciter qu' en Espagne la démocratie ait triomphé".[1] Pour sa part, le Vatican était réuni le 23 en une Assemblée épiscopale, et il ne produisit de fait pas de déclarations jusqu'au 24, lorsqu'il condamna le coup déjà échoué.
Tout cela a amené divers auteurs à conclure que le coup du 23-F en Espagne n' était rien d'autre que la seconde étape d' une chaîne d'évènements similaires qui, avec la connivence du gouvernement américain, prétendaient au remplacement des gouvernements démocratiques de Turquie (défait en 1980), Espagne et Portugal par des gouvernements militaires assurant la prépondérence nord-américaine en Méditerranée. La perte de celle-ci était considérée catastrophique par Washington depuis l'affaiblissement de son influence au Moyen-Orient après le renversement du Shah Mohammad Reza Pahlavi en Iran et l'invasion soviétique de l'Afghanistan. La méfiance des USA envers le nouveau régime en Espagne augmenta en raison de l'intérêt qui s'était manifesté en son sein envers le mouvement des Pays non-alignés, amenant à envoyer un observateur espagnol à un sommet de cette organisation à La Havane, à inviter Fidel Castro à une visite en Espagne et à recevoir Yasser Arafat avec honneurs de Chef d'État à Madrid, tout cela pendant que l'exécutif espagnol refusait encore et toujours de fixer une date pour l'entrée du pays dans l'OTAN.
D'autre part, 250 portuguais d'extrême droite traversèrent la frontière espagnole le 23 février, avec pour but d'aider au déroulement du coup, afin de, une fois celui-ci réalisé, faire pression sur leur pays pour que s'y produise un soulèvement militaire analogue aux cas turc et espagnol.
[modifier] Le procès et les conséquences du coup.
Après le coup demeurèrent quelques interrogations, spécialement au sujet du rôle que joua chacun des principaux putschistes et particulièrement les intentions et appuis de Armada. Les conséquences les plus notables furent le début du processus d'évolution autonomiste (LOAPA) et puissant renforcement de l'image de la monarchie parmi la population et les médias politiques.
Lors du procès postérieur devant le Conseil suprême de Justice militaire, connu en tant que procès de Campamento furent condamnés à trente ans de reclusion, comme principaux responsables du coup d'État, Milans del Bosch, Alfonso Armada et Antonio Tejero Molina.
La trame civile du coup ne fut jamais instruite de manière rigoureuse, l'unique civil condamné étant l'ex-dirigeante des Syndicats Verticaux franquistes Juan García Carrés.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Références
[modifier] Liens externes
- Edition spéciale du quotidien El Mundo (en espagnol)
- Videos du golpe et du discours du roi Juan Carlos (liens sur les fichiers vidéos rompus)
- Videos du coup et documentaires TVE1, RTVE (dont le discours du roi Juan Carlos)
- SPAIN: King Juan Carlos (plot theories) (en anglais)
[modifier] Ouvrages
- 23-F : El Golpe Que Nunca Existió de Amadeo Martínez Inglés, 2001 - ISBN 849544013X (en espagnol)
- El negocio de la libertad de Jesús Cacho, 1999 - ISBN 8493048194 (en espagnol)
- El Golpe: Anatomía y Claves Del Asalto Al Congreso de Busquets, Julio, Miguel A. Aguilar, y Ignacio Puche, 1981 (en espagnol, écrit quelques jours après le coup)