Genre dans le Proche-Orient ancien
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Les études sur le genre (Gender Studies) ont investi le champ des études assyriologiques plus tardivement que d'autres, et y ont encore une place assez réduite, même si elles prennent de plus en plus de place, avant tout en Amérique du Nord.
La position respective des deux sexes dans les sociétés du Proche-Orient ancien, et avant tout de la Mésopotamie, ont pourtant fait l'objet d'études depuis longtemps, notamment à partir de recueils de lois dont le plus célèbre est le Code d'Hammurabi. La place de la femme a toujours été aux périodes historiques celle d'une « éternelle mineure » : c'est l'homme qui dispose de l'autorité. Les sphères masculine et féminine sont bien définies, que ce soit au niveau des rapports sociaux, ou bien des activités économiques, et cela se retrouve dans les diverses institutions de ces sociétés. Sur un espace aussi vaste et sur une période aussi longue, on trouve cependant des variations.
Dans ce contexte, ce sont avant tout les hommes qui ont eu droit à la parole. Peu de femmes ont occupé des fonctions qui leur ont permi de transmettre un message à la postérité (scribes, personnages de rang politique ou religieux important, entrepreneurs), et sont donc confinées à une place secondaire. L'éclosion récente des Gender Studies a néanmoins tenté de remédier à cela, même si la tâche se révèle parfois ardue en raison du nombre réduit de sources.
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[modifier] Évolution chronologique
Il est généralement admis que la situation des femmes se dégrade au cours du temps dans le Proche-Orient ancien. En Mésopotamie, les Sumériens ne paraissent pas trop favoriser les hommes par rapport aux femmes. Cela se voit aussi dans leur mythologie, qui fait plus de place aux déesses que celle des périodes plus tardives. Par la suite, une société patriarcale se met véritablement en place, comme on le voit dans les codes de lois du IIe millénaire, le Code d'Hammurabi et surtout les Lois assyriennes. Dans les sociétés du Ier millénaire, telle celle des Hébreux décrite dans l'Ancien Testament, la place de la femme est encore plus réduite, jusqu'à sa propre sexualité qui n'est plus conçue qu'au profit de l'homme (pour les besoins de la reproduction).
Quelle explication donner à ce phénomène ? On a parfois voulu y voir une influence des peuples sémites, chez qui la place de la femme serait peu enviable. Il faut pourtant se méfier de ce type de raisonnement, influencé par la place de la femme dans les sociétés des peuples sémites du Proche-Orient actuel. Le rapport entre les sexes varie d'ailleurs d'une région, d'un peuple à un autre.
En poussant plus loin le fait que la place de la femme se réduit au profit de celle de l'homme au cours du temps, on a parfois cherché à repérer jusque dans les sociétés néolithiques (avec notamment la figure de la déesse-mère attestée en autres à Çatal Höyük) la trace d'un ancien matriarcat, qui aurait finalement disparu au profit du patriarcat de l'époque historique[1].
[modifier] L'autorité patriarcale
La base de la société mésopotamienne est la « maison » (sumérien É, akkadien bītu(m)), que l'on peut dans ce cas comprendre comme la « maisonnée ». A sa tête se trouve le père de famille. Il dirige tous ceux qui résident sous son toît. Ses fils occupent à ses côtés une position importante, puisqu'ils le secondent, notamment dans le travail. Les hommes de la famille sont donc considérés comme les détenteurs de l'autorité. On se succède de père en fils, que ce soit un système où l'aîné prime, ou bien ou les frères sont sur un pied d'égalité. C'est aussi le maître de maison qui s'occupe du culte des ancêtres.
Les femmes sont quant à elles considérées comme représentant la pureté, trait qui s'accentue avec le temps, avant tout dans les sociétés sémites. Elle reste généralement dans la maison familiale, qu'elle soit épouse (chez son mari), ou fille (chez son père). Elle doit éviter les contacts illicites, et à partir du IIe millénaire il est courant qu'une femme mariée soit voilée. L'épouse principale a aussi la fonction de maîtresse de maison, c'est elle qui gère les activités domestiques au quotidien, et l'éducation des enfants en bas-âge et de ses filles. Les positions autoritaires de la famille sont rarement dévolues aux femmes, mais on connaît quelques cas où des femmes sont désignées comme héritières principales par leur père. Il arrivait aussi qu'elles aient des possessions qui leurs soient propres.
[modifier] Le mariage
Le mariage est basé sur un contrat, il fonctionne comme une transaction. Le père donne sa fille à un homme d'une autre famille, en l'accompagnant d'une dot, sa part de l'héritage familial. En échange, il reçoit une contre-dot qui constitue ce que l'on appelle le « prix de la mariée ». La femme n'est donc pas amenée à rester dans sa famille, et passe de l'autorité de son père ou de son (ses) frère(s) à celle de son époux. En Assyrie, on pratiquait le lévirat : si son mari mourrait prématurément, l'épouse était mariée à un des frères cadets de celui-ci. Peu de cas de mariages en gendre (où c'est l'époux qui va vivre chez sa belle-famille) sont attestés : on en trouve quelques-uns chez les Hittites.
En cas d'adultère, c'est la femme qui est considéré comme fautive. Dans le Code d'Hammurabi, son mari a le droit de la faire tuer ou de l'épargner, son amant ayant droit au même sort. L'adultère est considéré comme une cause d'impureté, et il s'accompagne souvent d'une accusation de sorcellerie contre la fautive.
Les hommes se mariant généralement avec des femmes plus jeunes qu'eux, il arrive souvent qu'ils meurent avant elles, et qu'elles se retrouvent veuves. Si elles sont trop vieilles pour se remarier, elles ont droit à bénéficier d'une partie des possessions de leur défunt mari à titre d'usufruit, qui revient à ses héritiers lors qu'elle meurt à son tour. On ne lui reconnaît donc pas la possession de ces biens.
[modifier] Différenciation sexuelle des activités
Les hommes accomplissaient avant tout à des activités extérieures à la maison (artisanat, guerre, commerce, etc.). Ce sont eux qui vont à la guerre. Les femmes se consacrent en priorité aux travaux domestiques. L'activité textile était féminine, que ce soit dans le cadre de la maisonnée ou dans des fabriques de grande taille (notamment dans le cadre palatial). Les scribes sont généralement des hommes, mais quelques femmes ont exercé cette fonction. On trouve des prêtres des deux sexes (bien que le masculin prime encore en nombre), les femmes étant alors vouées à l'abstinence. Le monde agricole étant mal connu, on a du mal à identifier une division sexuelle des tâches en son sein, bien qu'il soit fort probable que tout le monde y ait participé. Il arrive que les femmes secondent leurs maris dans leur métier : il en va ainsi des épouses des marchands d'Assur qui font du commerce en Anatolie aux XIXe-XVIIIe siècles avant J.-C., les femmes restant à Assur et y confectionnant les étoffes que leurs maris revendent à l'étranger.
[modifier] Rois et reines
Les rois du Proche-Orient ancien sont polygames, et les plus puissant ont pu se constituer de très grands harems, où se mêlent épouses de premier rang, de second rang, concubines et servantes. Il y a néanmoins toujours une épouse principale qui exerce une fonction pré-éminente, et donne naissance à l'héritier légitime. La reine-mère exerce aussi une fonction importante. Elles ont aussi à assumer une charge politique, qui peut être lourde. Rares sont cependant les reines ayant joué un rôle politique majeur : Puduhepa chez les Hittites, Sammuramat (Sémiramis) et Zakutu en Assyrie sont des cas exceptionnels.
[modifier] Les relations hommes-femmes dans la mythologie et la littérature
Dans la mythologie sumérienne, les déesses sont nombreuses et occupent une place importante. Cette place décline à partir de 2000, peut-être sous l'influence des Sémites (ce qui est peu assuré : ainsi la religion ougaritique, typiquement sémite, laisse une belle part aux déesses). La déesse Ishtar tend à concentrer toutes les caractéristiques des autres déesses, et garde une place de premier plan, de même que ses équivalents hors de Mésopotamie (Astarté, Shaushga). Les divinités qui dirigent les panthéons proche-orientaux sont masculines, la seule exception étant la Déesse-soleil d'Arinna chez les Hittites, qui tend néanmoins à être subordonnée à son parèdre le dieu de l'Orage.
Une littérature nombreuse tourne autour des amours de divinités : Enlil et Ninlil, les récits consacrés à Inanna et Dumuzi, tantôt heureux, tantôt malheureux (comme la Descente d'Inanna aux Enfers), ou encore Nergal et Ereshkigal. Dans l'Épopée de Gilgamesh, plusieurs femmes jouent un rôle primordial à un moment de l'histoire. Il faut aussi mentionner l'existence d'un texte (en état fragmentaire) de la littérature humoristique, qui rapporte une dispute conjugale.
[modifier] Notes
- ↑ G. Lerner, The Creation of Patriarchy, Oxford, 1986
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens externes
- (en)[1] et [2] : articles sur certains aspects des relations hommes-femmes dans le Proche-Orient ancien
[modifier] Bibliographie
- J. Bottéro, « La femme en Mésopotamie », dans P. Grimal (dir.), Histoire mondiale de la femme, Paris, 1974 ;
- J.-M. Durand (dir.), La Femme dans le Proche-Orient antique, Compte rendu de la XXXIIIe Rencontre assyriologique internationale, ERC, Paris, 1987 ;
- (en) M. Stol, "Private Life in Ancient Mesopotamia", in J. M. Sasson (dir.), The Civilizations of the Ancient Near East, vol. I, 1995, p. 485-501 ;
- (en) M. Van De Mieroop, Cuneiform Texts and the Writing of History, Routledge, 1999 (ISBN 0415195330) ;
- (en) Z. Bahrani, Women of Babylon: Gender and representation in Mesopotamia, Routledge, 2001 ;
- (en) R. Harris, Gender and Aging in Mesopotamia: The Gilgamesh Epic and other ancient Literature, University of Okahoma Press, 2000 ;
- S. Lafont, Femmes, droit et justice dans l'Antiquité orientale, contribution à l'étude du droit pénal au Proche-Orient ancien, OBO 165, Fribourg-Göttingen, 1999.
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