Polynôme cyclotomique
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En mathématiques et plus particulièrement en algèbre, on appelle polynôme cyclotomique tout polynôme minimal d'une racine de l'unité et à coefficients dans un corps premier. Un corps premier est un corps engendré par l'unité de la multiplication. Les polynômes ainsi obtenus sont aussi ceux qui apparaissent dans la décomposition des polynômes Xn − 1 en produit de facteurs irréductibles.
Sur le corps des rationnels un polynôme cyclotomique possède des propriétés fortes, c'est un polynôme à coefficients entiers, de degré égal à φ(n) si la racine considérée est une racine primitive n-ième de l'unité, où φ désigne la fonction indicatrice d'Euler. Les racines du polynôme cyclotomique sont toutes les racines primitives n-ièmes de l'unité.
Dans le contexte des corps de caractéristique finie, il est nécessaire de faire appel à la théorie de Galois, ils apparaissent essentiels car tout polynôme irréductible est un polynôme cyclotomique (à l'exception du monôme unitaire de degré un).
D'une manière générale, le corps de décomposition encore appelé extension cyclotomique associé est une extension abélienne dont le groupe de Galois est cyclique.
L'analyse de ces polynômes permet la résolution de nombreux problèmes. Historiquement, la construction des polygones réguliers à la règle et au compas est celui qui a amené le développement du concept. Ils sont largement utilisés dans la théorie de Galois, pour la résolution d'équations algébriques et la compréhension de la structure des extensions abéliennes. Ils sont aussi au cœur de la cryptographie pour la conception de codes correcteurs.
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[modifier] Histoire
[modifier] Naissance de la notion
Carl Friedrich Gauss (1777 - 1855) utilise dans ses Disquisitiones arithmeticae, parues en 1801, les polynômes cylotomiques. Il apporte une contribution majeure à un problème ouvert depuis l'Antiquité: celui de la construction à la règle et au compas de polygones réguliers. Ces travaux servent de référence durant tout le siècle. Dans ce texte, Gauss détermine avec exactitude la liste des polygones constructibles, et donne une méthode effective pour leur construction jusqu'à 256 cotés. La fin de la problématique est traitée par Pierre-Laurent Wantzel (1814 - 1848) dans un article[1] désormais célèbre.
Cette approche est novatrice et, à bien des égards, préfigure l'algèbre moderne:
Un polynôme n'apparaît plus comme un objet à part entière mais comme un élément d'un ensemble structuré. Si la notion d'anneau des polynômes n'est pas encore formalisé, sa structure euclidienne est découverte et représente l'outil de base de l'analyse de Gauss.
La résolution effective de l'équation cyclotomique l'amène à considérer une structure finie: celle des permutations des racines. On les appelle maintenant période de Gauss. Là encore leurs propriétés algébriques permettent de trouver la solution. Cette approche préfigure l'utilisation de la théorie des groupes en algèbre et la théorie de Galois.
De nouvelles structures sont mises à jour. La division euclidienne introduit la notion de reste et leur ensemble possède des propriétés algébriques fortes. Une telle structure est maintenant considérée comme un cas particulier de corps fini si le diviseur est un nombre premier. Gauss met en évidence de tels ensembles et utilise avant l'heure le transport de structure par morphisme entre deux anneaux pour montrer le caractère irréductible des polynômes cyclotomiques. Dans le même livre, il utilise ces mêmes structures pour résoudre un autre problème pressenti par Fermat (1601 - 1685) et formalisé par Euler (1707 - 1783) celui de la loi de réciprocité quadratique.
Les applications trouvées dès cette époque ne manquent pas. L'utilisation de la géométrie ne se limite pas à la construction à la règle et au compas. Le polynôme cyclotomique d'indice quatre permet la construction d'un nouvel ensemble de nombres algébriques celui des entiers de Gauss. Une branche mathématique naît: la théorie algébrique des nombres, elle simplifie la résolution d'équations diophantiennes et permet d'en résoudre de nouvelles.
[modifier] Polynôme cyclotomique et équation algébrique
La recherche de solutions à l'équation polynômiale est un problème qui remonte aux premiers développements sur les polynomes par les mathématiciens de langue arabe. Si l'on cite généralement Al-Khawarizmi (783 850) comme précurseur[2] avec la résolution de six équations canoniques puis Gerolamo Cardano (1501 - 1576) pour la résolution du cas de degré trois[3] et Ludovico Ferrari (1522 - 1565) pour le quatrième degré, le cas général est resté longtemps mystérieux.
Joseph-Louis Lagrange (1736 - 1813) comprend que la résolution de ce problème général est intimement liée aux propriétés des permutations des racines[4]. Le cas particulier des polynômes cyclotomiques l'illustre. Le groupe des bonnes permutations, aujourd'hui appelé groupe de Galois, est non seulement commutatif mais de plus cyclique. Cette propriété, utilisée à travers le concept des périodes de Gauss, permet une résolution effective pour ce cas particulier.
Une analyse plus profonde par Paolo Ruffini[5] (1765 - 1822), Niels Henrik Abel[6] (1802 - 1829) et surtout par Evariste Galois[7] (1811 - 1832) montre que l'aspect commutatif du groupe est en fait une condition suffisante. Pour être précis, la condition indique que le groupe doit être décomposable en une suite de groupes emboîtés commutatifs. La question naturelle qui se pose alors est de déterminer les extensions du corps des rationnels dont le groupe de Galois est commutatif. Ces extensions sont appelées extensions abéliennes. La structure de corps associée au polynôme cyclotomique, appelée extension cyclotomique, en est un exemple. Qu'elle soit unique signifie que toute équation algébrique résoluble par radicaux se ramène d'une manière ou d'une autre à un polynôme cyclotomique. La réponse est positive : toute extension abélienne du corps des rationnels est un sous-corps d'une extension cyclotomique. Ce résultat a demandé presque un demi-siècle d'effort pour pouvoir être démontré[8]. Les artisans principaux sont Leopold Kronecker (1823 - 1891) et Heinrich Weber (1842 - 1913).
Si l'analyse des extensions abéliennes finies se termine avec le XIXe siècle, elle laisse ouvert un large champ de questions, par exemple en arithmétique. Il apparaît alors nécessaire de généraliser la notion de corps cyclotomique sur les extensions infinies. Le sujet est ouvert[9] par David Hilbert (1862 - 1943). Cet axe de recherche est appelé la théorie des corps de classe. Cette théorie est l'une des plus fructueuses au XXe siècle. On peut citer par exemple le théorème de réciprocité[10] d'Emil Artin (1898 - 1962) qui résout le neuvième des problèmes de Hilbert, ou plus récemment, deux lauréats de la médaille Fields pour leurs travaux sur des généralisations de la théorie : Vladimir Drinfeld en 1990 ou Laurent Lafforgue en 2002.
[modifier] Corps fini
Le développement de l'ébauche de la théorie des corps finis initié par Gauss demande plus de temps. À la fin du XIXe siècle la théorie des groupes fait apparaître la nécessité de travailler sur d'autres extensions que celle des nombres rationnels. La représentations des groupes[11] impose à Frobenius (1849 - 1917) l'étude des corps de caractéristique finie. Ce sont les corps où la somme itérée de l'unité finit par être égale à zéro. Une analyse, à l'aide de la théorie de Galois montre que, dans ce contexte, la théorie des corps finis est essentielle. Sa connaissance suffit pour la compéhension de la structure des polynômes cyclotomiques dans le cas de la caractéristique finie.
L'analyse de ces corps est rapide, notamment grace à l'apport de l'école américaine. Au début du XXe siècle, les travaux de Leonard Dickson (1874, 1954) puis de Joseph Wedderburn (1882, 1948) mettent en évidence leur structure. Dickson publie[12] la première étude systématique et Wedderburn démontre en 1905 son théorème stipulant que tout corps fini est abélien. Les polynômes cyclotomiques sont essentiels car ils forment l'ensemble des polynômes irréductibles (à l'exception du monôme unitaire de degré un: X). Sur tous les corps de caractéristique finie, toutes les extensions finies sont cyclotomiques.
Durant la deuxième moitié du XXe siècle un nouveau champs d'investigation utilise les corps finis, la cryptographie. Si la sécurité d'un code ne nécessite pas l'utilisation des polynômes cyclotomiques, en revanche la fiabilité, c'est à dire la capacité à corriger les erreurs utilise les polynômes, on parle alors de code correcteur. Ce type de code, pour être optimal, utilise les corps finis et les polynômes cyclotomiques. On peut citer par exemple le code de Hamming ou dans un cas plus général les codes permettant un contrôle de redondance cyclique. La dimension algorithmique est aussi largement étudiée.
[modifier] Définition et exemples
[modifier] Définition
Soit n un entier strictement positif alors le polynôme cyclotomique d'indice n est le polynôme minimal sur un corps premier d'une racine primitive n-ième de l'unité. On le note en général Φn[X].
Un corps est dit premier s'il ne contient pas de sous-corps autre que {0} et lui même. C'est le plus petit sous-corps contenant 1 et tous ses itérés par l'addition. Le cas le plus connu est celui des nombres rationnels.
Dans le cas des rationnels, si la séquence finie (zk) décrit les racines primitives n-ièmes de l'unité dans le corps des complexes et φ la fonction indicatrice d'Euler, le polynôme Φn est donné par:
Il est à noter que les polynômes cyclotomiques sont des polynômes unitaires à coefficients entiers. De plus, il est possible d'appliquer à Φn le morphisme d'anneau de Z[X] dans Z/pZ[X]. En particulier, si p est un nombre premier, Z/pZ est un corps fini. Une telle approche est utilisée pour démontrer le caractère irréductible du polynôme précédent.
On appelle corps cyclotomique ou extension cyclotomique le plus petit sous-corps du corps des nombres complexes contenant tous les nombres rationnels et une racine primitive n-ième de l'unité. Au lieu de se placer dans le corps des complexes, on aurait pu considérer les racines primitives n-ièmes de l'unité dans n'importe quelle extension (finie ou infinie) du corps des rationnels dans laquelle au moins une telle racine primitive existe. une telle extension contient une copie du corps cyclotomique.
Dans le cas où le corps n'est pas celui des rationnels, alors il est de cardinal fini p et p est un nombre premier. Il correspond à la structure Z/pZ et il est noté Fp. La théorie de Galois assure l'existence d'un plus petit sur-corps de Fp contenant une racine primitive n-ième de l'unité, on l'appelle aussi extension cyclotomique. Une fois encore, tout corps de caractéristique p (c'est à dire contenant Fp) et possèdant une racine primitive n-ième de l'unité contient une copie de l'extension cyclotomique.
Remarque: Les propriétés associées à la définition sont démontrées à la suite dans cet article.
[modifier] Premiers polynômes cyclotomiques
Les premiers polynômes cyclotomiques dans le cas des nombres rationnels sont :
Il faut noter que, contrairement aux apparences, tous les coefficients des polynômes cyclotomiques ne sont pas 1, -1 ou 0 ; le premier polynôme cyclotomique pour lequel un coefficient entier distinct de 0, 1, -1 apparait est Φ105. 105 = 3×5×7 est le premier produit de trois nombres premiers impairs.
En effet :
Φ105[X] = X48 + X47 + X46 − X43 − X42 − 2X41 − X40 − X39 + X36 + X35 + X34 + X33 + X32 + X31 − X28 − X26 − X24 − X22 − X20 + X17 + X16 + X15 + X14 + X13 + X12 − X9 − X8 − 2X7 − X6 − X5 + X2 + X + 1
Dans le cas de la caractéristique fini, les polynômes précédents ne sont pas toujours irréductibles. On peut ainsi considérer le corps à deux éléments {0,1} noté F2. Il possède les tables d'opérations suivantes:
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Le polynôme à coefficient dans Z φ7[X] a pour image par le morphisme canonique dans F2[X] (qui aux coefficients pairs associe 0 et aux impairs 1) un polynôme qui possède bien les racines septièmes primitives de l'unité, mais ce polynôme n'est pas irréductible, en effet:
D'autres exemples sont donnés dans l'article le paragraphe Polynôme irréductible de l'article sur les corps finis.
[modifier] Propriétés remarquables
[modifier] Cas du corps des nombres rationnels
Sans utiliser les outils sophistiqués que représente la théorie de Galois, il est possible de démontrer des propriétés fortes sur les polynômes cyclotomiques. Ce sont celles présentées dans ce paragraphe. Elles ont toutes été démontrées par Gauss dans son traité de 1801.
Pour un souci d'exposition, la définition initiale du polynôme cylotomique Φn[X] utilisée ici est, avec les notations de la définition:
Les propriétés suivantes sont vérifiées:
-
- Le polynôme Xn-1 se factorise comme suit, où le produit porte sur l'ensemble des entiers strictements positifs qui divisent n:
- L'identité sur les degrés fournit immédiatement :
- Cette identité peut aussi s'obtenir par des considérations sur les fonctions multiplicatives ou par un raisonnement direct de dénombrement des éléments de l'anneau Z/n Z (lire indicatrice d'Euler).
- Si p est un nombre premier, alors toutes les racines p-ièmes de l'unité sauf 1 sont des racines primitives p-ièmes primitives de l'unité, et l'égalité est vérifiée.
-
- Un polynôme cyclotomique ne possède que des coefficients entiers et son monôme dominant possède un coefficient égal à un.
- Un polynôme cyclotomique est irréductible dans l'algèbre des polynomes à coefficients rationnels et dans l'algèbre des polynômes à coefficients entiers.
La figure de droite illustre ces propriétés. Le groupe des racines d'ordre six est décrit par quatre polynômes cyclotomiques, deux racines associées à des polynômes de degré un: un et deux, et quatre de degré deux avec les deux valeurs troisièmes et les deux valeurs sixièmes.
[modifier] Cas de la caractéristique finie
[modifier] Corps de décomposition
Soit p la caractéristique du corps premier, ce corps est celui de l'arithmétique modulaire isomorphe à Z/p.Z. On peut considérer dans un tel corps un polynôme du type Xn - 1, par exemple dans F2[X] le polynôme X3 - 1. Dans le cas de Q, il existe une extension de corps celui des nombres complexes contenant les racines du polynôme. La théorie de Galois, à l'aide des exenstions algébriques permet de trouver une extension dans lequel le polynôme est scindé, c'est à dire que l'extension contient toutes ses racines. Un tel corps est appelé corps de décomposition. Dans l'exemple cité, le corps est celui noté en général F4 contenant quatre éléments. Sa table est la suivante:
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Dans ce corps, t et 1 + t sont les deux racines supplémentaires du polynôme X3 - 1. L'étude des extensions algébriques montre que tout corps contenant les racines d'un polynôme contient un sous corps isomorphe à F4. En conséquence tout corps de caractéristique deux contenant les racines possède une copie exacte de F4. Les solutions trouvées et leur comportement algébrique sont donc toujours les mêmes. Ce résulat est général à toute extension finie et donc à tout polynôme cyclotomique.
La théorie des corps finis permet d'aller plus loin. Les seuls extensions d'un corps premier Fp est une extension de cardinal une puissance de p et il existe une et une unique extension de cardinal pm où m est un entier strictement positif. De plus, le groupe multiplicatif d'une tel extension est un groupe cyclique de cardinal pn - 1 (0 n'est pas élément du groupe multiplicatif car il n'a pas d'inverse). La figure de droite l'illustre dans le cas de F4, tout élément autre que 0 apparaît comme une racine de l'unité. La multiplication est représentée graphique comme pour le corps des complexes. En revanche, l'addition n'est pas représentée.
[modifier] Automorphisme de Frobenius
Dans le cas d'un corps fini de caractéristique p et de cardinal pd il existe un automorphisme digne d'intérêt: l'automorphisme de Frobenius. À un élément x du corps il associe xp. Cet automorphisme est un générateur du groupe de Galois et sa d-ième puissance est égale à l'identité. Pour cette raison et dans ce contexte on appelle souvent le groupe de Galois groupe de Frobenius. Cette égalité se traduit en terme polynomial par:
Et tout élément du corps différent de zéro est une racine de l'unité. Un polynôme irréductible autre de X (qui admet pour racine zéro) est un polynôme cyclotomique. La détermination des polynômes cyclotomiques correspond donc à un classement des polynômes irréductibles. On en déduit la proposition suivante:
-
- Tout élément non nul d'un corps fini est une racine de l'unité et tout polynôme irréductible différent que X est un polynôme cyclotomique.
Soit z1 une racine primitive n-ième de l'unité. La théorie de Galois démontre que son polynôme minimal admet pour racines les images de z1 par le groupe de Frobenius, car un corps fini est une extension galoisienne du corps premier. Ce qui se traduit en termes mathématiques
-
- L'ensemble des racines du polynôme cyclotomique de z1 est l'orbite de z1 par l'action du groupe de Frobenius notée Orb (z1). La formule du polynôme est la suivante:
L'image par un automorphisme d'une racine n-ième primitive de l'unité est une racine primitive n-ième de l'unité, et:
-
- Un polynôme cyclotomique d'indice n divise l'image du polynôme cyclotomique à coefficients entiers par le morphisme canonique de Z[X] dans Fp[X].
Il reste à savoir si les deux polynômes sont égaux, c'est à dire si l'orbite de z1 contient toutes les racines primitives n-ième de l'unité. L'exemple donné sur F2 montre que ce n'est pas toujours le cas. La théorie de Galois permet d'affirmer que le degré du polynôme cyclotomique de z1 est la dimension δ du corps de décomposition, considéré comme un espace vectoriel sur le corps primitif. Le corps de décomposition est un ensemble de cardinal pδ. Son groupe multiplicatif est un groupe cyclique d'ordre pδ -1. La théorie des groupes abéliens de type fini, démontrée pour la première fois par Frobenius, montre que ce groupe contient les racines n-ième de l'unité si et seulement si son cardinal est un multiple de n. En conséquence δ est égal à l'ordre multiplicatif de p modulo n, c'est à dire le plus petit entier δ tel que pδ-1 soit un multiple de n.
-
- Un polynôme cyclotomique d'indice n sur Fp est de degré l'ordre multiplicatif de p modulo n.
Le théorème d'Euler montre que:
Cependant, l'ordre multiplicatif de p modulo n est égal à φ(n) si et seulement si n - 1 n'est pas un multiple de p. Dans l'exemple précédent, p est égal à 2, n à sept, φ(n) égale six, un multiple de p. Le théorème d'Euler est bien vérifié car soixante quatre est congru à un modulo sept, mais l'ordre multiplicatif est égal à trois car huit est congru à un modulo sept.
-
- Si δ désigne l'ordre multiplicatif de p modulo n, il existe φ(n)/δ polynômes cyclotomiques d'indice n sur Fp. Leur degré est égal à δ et leur produit est l'image du polynôme cyclotomique d'indice n à coefficients dans Z par le morphisme canonique de Z[X] dans Fp[X].
Des exemples sont donnés dans l'article corps fini.
[modifier] Extension cyclotomique
L'extension cyclotomique est par définition le corps de rupture d'un polynôme cyclotomique, c'est à dire le plus petit corps contenant une racine primitive n-ième d'un polynôme cyclotomique. (Rappelons qu'un corps de rupture d'un polynôme est une extension de corps permettant une factorisation de ce polynôme.) Il possède des propriétés fortes, à l'origine de nombreuses applications:
-
- L'extension cyclotomique est un espace vectoriel sur le corps des nombres rationnels de dimension φ(n).
Cette propriété est générale aux corps de ruptures. La démonstration est donnée dans l'article Extension algébrique.
-
- L'extension cyclotomique est aussi le corps de décomposition du polynôme. Elle est donc galoisienne.
Cela signifie que le plus petit corps contenant une racine du polynôme contient aussi toutes les racines du polynôme. Dire que ce corps est une extension galoisienne signifie deux choses: d'une part, les polynômes minimaux de ce corps n'ont pas de racines multiples (ce qui est toujours vraie pour les extensions sur les nombres rationnels) ; et d'autre part, tous les morphismes de ce corps dans les nombres complexes ont pour image le corps lui-même. Ce sont donc des automorphismes. Ils forment une structure de groupe appelé groupe de Galois. La théorie de Galois indique que c'est la bonne structure pour rechercher une expression des racines par radicaux.
-
- L'extension cyclotomique est abélienne.
Cela signifie que le groupe de Galois est commutatif (ou abélien). L'équation polynomiale cyclotomique est alors résoluble par radicaux. Autrement dit, les solutions s'expriment à l'aide des uniques quatre opérations (additionner, soustraire, diviser et multiplier) et des racines p-ième appliquées un nombre fini de fois sur des nombres rationnels et l'imaginaire pure i. Ce résultat est connu sous le nom de théorème d'Abel. Il est ainsi possible par exemple de résoudre par radicaux l'équation cyclotomique donnant la racine dix-septième de l'unité. C'est une condition nécessaire pour la résolution de la construction par la règle et le compas du polygone régulier à dix-sept cotés (voir ci-dessous).
-
- L'extension cyclotomique est une tour d'extension quadratique si et seulement si n est de la forme suivante:
- Où les Fi sont des nombres premiers de Fermat distincts.
Ce résultat est aussi connu sous le nom de Théorème de Gauss-Wantzel. Une tour d'extension quadratique est un corps tel que pour chaque élément x du corps, il existe une suite de sous-corps K0, K1, ..., Kp avec K0 égal au corps de base, ici celui des rationnels, Kp contient x, et, pour tout i entre 1 et p, Ki contient Ki - 1 et est un espace vectoriel de dimension 2 sur Ki - 1.
Dire que Ki contient Ki - 1 et est un espace vectoriel de dimension 2 sur Ki - 1 revient seulement à dire que tout élément de Ki s'exprime comme la somme d'un nombre de Ki - 1 et d'une racine carré d'un nombre de Ki - 1. En particulier, tout élément de Ki s'exprime comme racine d'un polynôme de degré 2 sur Ki-1. Cette propriété est démontrée dans l'article Extension quadratique.
Or l'article sur les nombres constructibles montre qu'un point est constructible si et seulement si il vérifie cette propriété. Cette propriété permet donc de déterminer la liste des polygones constructibles et assure qu'ils le sont effectivement.
Un nombre premier de Fermat est un nombre premier de la forme où k est un entier. Les nombres premiers de Fermat connus sont 3, 5, 17, 257 et 65 537.
[modifier] Applications
[modifier] Théorème de Wedderburn
Le théorème de Wedderburn affirme que tout corps fini K est nécessairement commutatif. La démonstration usuelle est relativement curieuse. Tout d'abord le polynôme cyclotomique utilisé est celui de la caractéristique zéro et non celui du corps. Ensuite, son rôle est celui d'un dénombrement. Le raisonnement est par l'absurde, les cardinaux des classes par l'action par conjugaison sont sommés pour obtenir le cardinal du groupe multiplicatif du corps. Cette égalité s'exprime par une expression du type:
La valeur q est celle du centre du groupe multiplicatif de K plus 1 correspondant au point zéro, F[X] est un polynôme à coefficients entiers. Ce qui implique que F[q] est une valeur entière. La fin de la démonstration quitte le dénombrement pour devenir géométrique. Si l'égalité précédente, est vraie, alors il existe une racine primitive n-ième de l'unité u vérifiant la majoration suivante:
Comme q - 1 est le cardinal du centre du groupe commutatif q est au moins égal à 2. La figure de droite démontre l'impossibilité. La démonstration détaillée est donnée dans l'article associé.
[modifier] Polygône constructible
[modifier] Cas du pentagone
- Article détaillé : Construction du pentagone régulier à la règle et au compas.
Si la théorie de Galois prend un aspect quelque peu abstrait, elle donne néanmoins une méthode de résolution effective de l'équation cyclotomique et en conséquence propose un mode de construction à la règle et au compas des polygones constructibles (cf l'article nombre constructible). Etudions le pentagone à cinq cotés.
A une isométrie directe près du plan euclidien, les sommets du pentagone régulier sont exactement les cinq racines cinquièmes de l'unité. Par identification, ils sont, hormis 1, les racines du cinquième polynôme cyclotomique, soit donc :
.
Si l'équation correspondante est un polynôme du quatrième degré, elle est néanmoins résoluble avec une quantité de calcul faible. Le corps de décomposition, noté traditionnellement F5, est (par oubli de structure) un espace vectoriel rationnel de dimension quatre. Son groupe de Galois G est le groupe cyclique d'ordre quatre. Il admet donc un générateur noté ici m et un sous-groupe non trivial H, contenant deux éléments, l'identité et m2. L'application qui à tout élément de l'extension associe son conjugé est un automorphisme qui laisse F5 stable, Q invariant et est d'ordre deux ; en conséquence m2 est précisément l'application conjuguée. L'objectif est donc de trouver le sous-corps de F5 de dimension deux sur Q, laissé stable par l'application conjuguée. Un jeu de permutation des racines permet alors de ramener la résolution de l'équation à trois équations simples du second degré.
Il est alors relativement simple d'obtenir une construction à la règle et au compas. Sur la figure illustrative, il est par exemple immédiat de remarquer que la longueur du segment BI est le quart de la racine carrée de cinq, le radical de la première extension.
[modifier] Cas de l'heptadécagone
Le nombre premier de Fermat suivant est dix-sept. Il correspond à l'heptadécagone, le polygone régulier à dix-sept cotés. Si la logique précédente s'applique avec le même succès, les calculs sont néanmoins plus complexes. Le polynôme à factoriser est maintenant de degré seize. En conséquence, ce cas n'a pas été traité avant une compréhension profonde des polynômes cyclotomiques. L'aspect calculatoire de la résolution du problème est indéniable, en rechange il relativement limité pour une équation de degré seize sans racine évidente ou multiple.
La méthode de résolution proposée ici suit pas à pas la démarche de la théorie de Galois. Ce groupe est le groupe cyclique d'ordre seize. Il contient donc trois sous-goupes non triviaux. H1 est un sous-groupe à huit éléments, il contient les multiples de deux, H2 contient les multiples de quatre et H3 contient deux éléments le neutre et le multiple de huit, la même remarque que celle du paragraphe précédent montre que l'élément non neutre correspond à l'application conjugée. Les sous-corps associés forment une chaîne d'extensions strictement emboitée tel que la dimension d'un corps est deux sur le corps précédent.
L'objectif est alors de trouver un générateur de chaque extension dans la précédente. La technique utilisé dite des périodes de Gauss est toujours la même. Explicitons la pour la première extension. Soit m2 le générateur du premier groupe (on a choisi m générateur du groupe de Galois), Considérons la somme des huit composées successives de z la première racine primitive, et la somme des huit autres racines:
Alors ces deux éléments sont invariant par le générateur m2. De plus, leur somme est égal à -1 car c'est la somme de toutes les racines primitives. Ils sont donc de la forme u1 = a + b.r et u2 = a - b.r où a et b sont des rationnels et r le radical générateur de l'extension, car nous sommes dans une extension quadratique. Leur produit est donc encore rationnel. On en déduit une équation du type P1[X] = 0 avec P1[X] un polynôme du deuxième degré.
Réitérer trois fois cette méthode donne alors la solution.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Notes
- ↑ Pierre-Laurent Wantzel, Recherches sur les moyens de reconnaître si un problème de Géométrie peut se résoudre avec la règle et le compas, 1837
- ↑ Al-Khawarizmi, Abrégé du calcul par restauration et comparaison
- ↑ Gerolamo Cardano, Ars Magna, 1545.
- ↑ Joseph-Louis Lagrange, Réflexions sur la résolution algébrique des équations, 1770
- ↑ Paolo Ruffini, La théorie générale des équations dans laquelle il est démontré qu'il est impossible de donner les solutions générales des équations de degré strictement supérieur à 4, 1799
- ↑ Niels Henrik Abel, Mémoire sur les équations algébriques, où l'on démontre l'impossibilité de la résolution de l'équation générale du cinquième degré, 1824.
- ↑ Evariste Galois, Manuscrit de Galois dans Journal des mathématiques pures et appliquées, 1846
- ↑ Heinrich Weber, Lecture en algèbre, 1895
- ↑ David Hilbert, La théorie des corps de nombres algébriques, 1897.
- ↑ Emil Artin, Beweis des allgemeinen Reziprozitätsgesetzes, 1927
- ↑ Ferdinand Georg Frobenius, Sur le caractère du groupe Accadémie de Berlin 1896
- ↑ Leonard Dickson Linear Groups With an Exposition of the Galois Field Theory 1901
[modifier] Liens externes
- (fr) polynôme cyclotomique à petite dose site homéomath.
- (fr) polynôme cyclotomique niveau licence
- (fr) polynôme cyclotomique par les mathématiques.net
- (en) le site de Saint Andrew pour les références historiques
[modifier] Références
- JP Escofier Théorie de Galois. Cours avec exercices corrigés Masson Paris, 1997
- Serge Lang, Algèbre [détail des éditions]
- Pierre Samuel, Théorie algébrique des nombres [détail des éditions]
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