Conspiration des prisons
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La Conspiration des prisons désigne une série d'exécutions lors des derniers jours de la Terreur, les 19, 21, 22, 25 messidor et les 5 ,6 ,8 thermidor an II (7, 9 - 10, 13, 23 - 24 et 26 juillet 1794).
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[modifier] Contexte
Le Comité de Salut public et le Comité de sûreté générale se livrent à un effroyable assaut de patriotiques exterminations et ce sont des malheureux suspects qui en font les frais ; c'est avec les têtes de ces derniers que se marqueront les points de celui qui gagnera ou perdra la partie.
À l'affaire de Bicêtre, organisée par le Comité de sûreté générale, les Robespierristes du Comité de salut public ripostent par l'affaire du Luxembourg ; au chiffre de 74, ils pourront opposer celui de 154 ; des hommes flétris par des condamnations antérieures vénérables magistrats, des nobles, des prêtres, des grands seigneurs, de véritables aristocrates enfin.
Ce fut Armand Herman qui se chargea de mener à bien la conspiration.
[modifier] Mise en place de la conspiration
Un des administrateurs de la Prison du Luxembourg, Wiltcherich, qui n'était pas à son premier coup d'essai, qui déjà avait fabriqué le grand complot d'Arthur de Dillon et de la femme de Camille Desmoulins (Lucile Desmoulins) (5 au 13 avril 1794), l'aida beaucoup dans sa tâche ; Wiltcherich s'assura de collaborateurs subalternes ; un capitaine, Pierre Joseph Boyenval que l'armée révolutionnaire avait trouvé indigne d'elle ; Beaussire, pamphlétaire, dont l'épouse – Nicole Leguay, soi-disante baronne d'Oliva – était surtout célèbre pour avoir été mêlée à l'Affaire du collier de la reine (1784-1785) ; un guichetier nommé Vernay ; un ancien aide de camp du général Jean-François Carteaux, nommé Amans, un voleur « bon pour le gibet ». Réunis en concile, les quatre « brigands » font leur choix ; ils se consultent, ils trient, ils épurent. Ce ne sont pas seulement les titres qui désignent les coupables à la dénonciation vengeresse de ces honnêtes citoyens, ce sont des rancunes, des caprices ou d'amoureuses fantaisies. Tel a conspiré parce qu'il avait refusé de laisser un des quatre hommes se servir dans sa tabatière, tel autre parce qu'il n'était pas généreux avec le guichetier, un troisième parce qu'il était le mari d'une femme que Boyenval daignait trouver agréable (il avait inscrit sur la liste des condamnés un nommé Gant dont l'épouse était également enfermée à la prison du Luxembourg. Il déposa contre Gant et le soir il était aux pieds de la femme apeurée ; deux jours après on le voyait donner le bras à celle dont il venait d'envoyer le mari à la guillotine).
Lorsque le nombre de conspirateurs eut atteint le nombre de 154, on s'arrêta. La liste fut expédiée au nom du Comité de salut public, du bureau de police générale que présidait Armand Herman à Fouquier-Tinville sans avoir été soumise au Comité de salut public. Fouquier-Tinville conclut qu'il jugera d'un seul coup les 154.
[modifier] Jugement des conspirateurs de la prison du Luxembourg
Les conspirateurs de la prison du Luxembourg furent partagés par Armand Herman en trois catégories qui durent être jugées en trois séances.
[modifier] Première séance - 19 messidor (7 juillet 1794)
Jamais même devant le Tribunal révolutionnaire procédure n'avait été conduite avec un tel mépris de la plus vulgaire équité. Cinquante-neuf accusés étaient sur les bancs. Cinquante-neuf furent guillotinés – et, parmi eux, un homme de quatre-vingt ans : Jean-Baptiste-Augustin de Salignac Fénelon. Parmi les accusés figuraient notamment Denis-Pierre-Jean de Papillon dit « de la Ferté », Guillaume-Joseph Dupleix de Banquourt ci-devant intendant de Bourgogne, Antoine-François-Marie Randon de la Tour (administrateur du Trésor public), Louis-Joachim-Paris Potier de Gesvres (duc et pair) et (compatriote de Louis-Antoine-Léon Saint-Just), Charles-Alexandre-Marc-Marcellin de Boussu de Chimay, prince d'Hénin, Aymar-Charles- Nicolaï (ex-premier président de la Chambre des Comptes) et Florent-Alexandre-Melchior de La Baume, comte de Montrevel.
[modifier] Deuxième séance - 21 messidor an II (9 juillet 1794)
Cette séance se composait de cinquante accusés. Elle eut cette chose de remarquable que deux des prévenus furent acquittés ; l'un d'eux, il est vrai, était un enfant de 14 ans.
[modifier] Troisième séance - 22 messidor an II (10 juillet 1794)
Dans cette séance était présent Georges-Louis Leclerc de Buffon – le fils du célèbre naturaliste Georges Louis Leclerc, comte de Buffon – qui, lorsqu'il monta à l'échafaud, cria avec reproche : « Je suis le fils de Buffon. » Jacques-Raoul Caradeuc de la Chalotais était dans un état de démence connue. À dater du 25 messidor an II (13 juillet 1794), le chiffre des victimes quotidiennes ne descendit jamais au-dessous de trente et atteignit quelquefois celui de soixante. Tous les noms illustres de l'Ancien Régime figurèrent sur la liste des accusés. Mais, chose surprenante, sur cette liste figurèrent aussi de misérables journaliers, des soldats, des laboureurs qui étaient majoritaires chez les accusés.
[modifier] Jugement des conspirateurs des prisons des Carmes et de Saint-Lazare
On avait « purgé » la prison du Luxembourg, de la même façon on l'appliqua à d'autres maisons de détention. Ce fut encore le bureau d'Armand Herman qui provoqua les dénonciations. Elles amenèrent devant le Tribunal révolutionnaire cinquante et un prisonniers de la Prison des Carmes et soixante-dix-sept de la Prison Saint-Lazare.
[modifier] Séance du 5 thermidor an II - (23 juillet 1794)
Les premiers détenus de la prison des Carmes furent jugés le 5 thermidor an II ; quarante-six ont été condamnés à mort. Parmi eux : André-Jean Boucher d'Argis (ex-lieutenant particulier au Châtelet) ; François-Charles-Antoine d'Autichamps (chanoine à Notre-Dame) et frère du général vendéen ; Louis de Gouy d'Arsy (ancien député à l'Assemblée constituante) ; Le général Alexandre François Marie de Beauharnais ; Joachim-Charles de Soyecourt ; Louis-Armand-Constantin, prince de Rohan-Montbazon ; Gilles de Santerre (banquier) ; et Louis de Champcenetz (collaborateur au journal royaliste Les Actes des Apôtres). Les détenus des Carmes furent accusés d'avoir formé le projet de s'évader.
[modifier] Comparution des détenus de la prison Saint-Lazare
[modifier] Séance du 6 thermidor an II - (24 juillet 1794)
Les détenus de la prison de Saint-Lazare comparaissent à leur tour. Ce fut à cette séance que Fouquier-Tinville fit un affreux jeu de mot resté tristement célèbre. Marie-Louise de Laval-Montmorency âgée de soixante-douze ans était sourde. Jean-Baptiste Coffinhal, qui présidait l'ayant interrogée elle garda le silence et comme Fouquier-Tinville lui adressait la parole à son tour, un des accusés lui fit observer que la prévenue n'entendait pas. Fouquier-Tinville murmura : « C'est bon, c'est bon, nous mettrons sur la sentence qu'elle a conspiré sourdement. » Les écrivains sont aussi assis sur les bancs des accusés. André-Marie Chénier et Jean-Antoine Roucher. Avec ces écrivains comparaissent le baron Frédérik de Trenck, âgé de soixante-dix ans, l'ancien conseiller Louis-Valentin Goesman. Parmi les vingt-quatre condamnés on remarque encore le marquis Gratien de Montalembert et de Roquelaure, le duc Charles-Alexandre de Créqui de Montmorency, le comte Henri-joseph de Bourdeille, le frère Joseph Raoul.
[modifier] Séance du 8 thermidor an II - (26 juillet 1794)
Le 26 juillet 1794 le marquis Louis-Armand-Joseph d'Usson (soixante-quatorze ans) ; le comte de Beausset ; Desfossés (ex-député de l'Assemblée constituante) ; Nicaut (ex-conseiller au parlement de Dijon) ; Athanase-Jean Boucher (secrétaire de Jean-Sylvain Bailly) ; Dorothée de Cambon (femme d'un ex-président du parlement de Toulouse) ; les deux frères Trudaine (Charles-Louis et Charles-Michel) et dix-sept accusés furent condamnés à mort. Une deuxième séance, réunie aux vingt-deux de la conspiration de Saint-Lazare, porte le nombre total des exécutés du 8 thermidor an II à cinquante trois. Ces cinquante trois condamnés firent partie de la célèbre dernière charrette de la Terreur.
Toutes les victimes de la conspiration des prisons furent inhumées au Cimetière de Picpus.
Après la chute de Maximilien de Robespierre le 9 thermidor an II (21 juillet 1794) les prisons furent ouvertes et les prisonniers libérés.