Klaus Mann
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Klaus Heinrich Thomas Mann (né le 18 novembre 1906 à Munich, décédé le 21 mai 1949 à Cannes d'un suicide) est un écrivain allemand. Il est le fils de l'écrivain Thomas Mann, le neveu de Heinrich Mann et le frère, entre autres, d'Erika et Golo Mann.
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[modifier] Vie
[modifier] La jeunesse
Né à Munich, Klaus Mann est le fils de Thomas Mann et de son épouse Katia Pringsheim, dont les parents étaient des juifs sécularisés. En 1915, il souffre d'une appendicite aiguë et passe plusieurs mois dans une clinique. « Cela m'a certainement marqué à vie d'avoir approché la mort de si près à cet âge. En me frôlant, l'ombre de la mort m'a laissé son empreinte. », écrit-il à ce sujet, dans sa première autobiographie Je suis de mon temps. Par ailleurs, Klaus et sa sœur aînée Erika créent un petit théâtre pour enfants, le « Laienbund Deutscher Mimiker » (l'« Union des mimes allemands amateurs »). En 1922, après un bulletin scolaire désastreux, Erika et Klaus, qui ont aussi une mauvaise note de conduite, sont envoyés dans un foyer à la campagne, à Hochwaldhausen. Erika revient bientôt à Munich, tandis que Klaus entre dans un internat progressiste, la « Odenwaldschule ». Toutefois, il s'éprend d'un camarade de classe et doit quitter l'internat, l'année suivante. « Il avait le visage que j'aimais. Pour certains visages, on peut éprouver de la tendresse si l'on vit assez longtemps et que le cœur est sensible. Mais il n'y a qu'un visage qu’on aime. C'est toujours le même, on le reconnaît entre mille. » écrit-il, à propos de ce garçon, dans sa deuxième autobiographie Le Tournant. En 1924, avant son baccalauréat, Erika entre dans la troupe de Max Reinhardt au « Deutsches Theater » de Berlin. Klaus se fiance avec Pamela Wedekind, fille du dramaturge Frank Wedekind. En septembre, le couple improbable s'installe à Berlin, où Klaus devient critique dramatique, l'année suivante, pour une revue berlinoise. Il publie ses premières nouvelles dans divers journaux et périodiques.
[modifier] L'esthète
En 1925, à dix-huit ans, Klaus publie sa première pièce de théâtre et un recueil de nouvelles. La même année, il fait son premier grand voyage à l'étranger, qui le conduit en Angleterre, à Paris, Marseille, en Tunisie, à Palerme, Naples et Rome. Son premier roman paraît en 1926. La même année, Erika se marie avec le comédien Gustaf Gründgens, qui serait, à cette époque, l'amant de son frère, alors qu'elle tombe amoureuse de Pamela Wedekind. En 1927, Klaus part sur un coup de tête pour les États-Unis, avec Erika, et voyage à travers le monde pendant neuf mois, visitant le Japon, la Corée et la Sibérie. Aux États-Unis, où il rencontre son futur ami Thomas Quinn Curtiss. À leur retour, Klaus et Erika écrivent ensemble Tout autour. L'aventure d'un voyage autour du monde, un carnet de voyage humoristique. À Paris, Klaus fait la connaissance, en 1928, d'André Gide, de Jean Cocteau et de René Crevel, dont il devient l'ami.
Les premières années de Klaus Mann sont troublées ; son homosexualité en fait souvent la cible des bigots et des bien-pensants, et il a des difficultés relationnelles avec son père, qui est assez sévère sur son travail d'écrivain.
Fasciné, dans ses premières années, par l'esthétisme fin de siècle et le raffinement artistique, il développe, dans ses essais des années 1930 à 1933, la figure de l'artiste, selon la formule qu'il emploie à propos de Gottfried Benn, comme un "Moi radicalement solitaire, dans un isolement tragique". Tout engagement politique lui semble alors exclu. En tant que citoyen, l'écrivain peut avoir des idées politiques, mais sa "passion créatrice" doit disposer d'un espace autonome. Si Klaus Mann admire tant Cocteau, c'est qu'à ses yeux, il représente le "fanatique de la forme pure", celui qui oriente toute son activité sur sa position d'artiste. Pourtant, à la même époque, influencé par la figure de Gide, il évolue de l'esthétisme vers l'engagement du moraliste et se détache de Gottfried Benn.
[modifier] L'engagement
Opposant de la première heure au nazisme, il quitte l'Allemagne dès le 13 mars 1933 et passe les années suivantes entre Amsterdam, la France et la Suisse, où s'est installée sa famille. En exil, il fonde à Amsterdam une revue littéraire de combat contre les nazis, éditée par les éditions amstellodamoises Querido, Die Sammlung, qui paraît d'août 1933 à août 1935. Parmi les collaborateurs, on trouve Ernst Bloch, Bertolt Brecht, Albert Einstein, Trotski, Hemingway, Boris Pasternak et Joseph Roth. Toutefois, plusieurs se retirent bientôt devant la menace de Berlin d'interdire leurs livres en Allemagne, notamment Alfred Döblin, l'autrichien Stefan Zweig et son propre père. Au début de l'année 1935, il est déchu de la nationalité allemande ; mais, grâce à l'intervention du président Beneš, la famille Mann obtient la citoyenneté tchécoslovaque. Comme Gide et Heinrich Mann, Klaus Mann participe, en 1935, à Paris, au Congrès international pour la défense de la culture. En 1936, il part pour quatre mois de conférences aux Etats-Unis. Il devient de plus en plus dépendant à la drogue, qu'il a découverte dans les années vingt, et sombre dans la dépression. Après une cure de désintoxication, lui et Erika participent, en 1938, à la guerre d’Espagne comme correspondants. En 1939, ils publient un livre sur l'émigration allemande Escape to Life, retraçant l'histoire d'Einstein, Brecht, Carl Zuckmayer, Ernst Toller, Max Reinhardt et George Grosz ; le livre est encensé par le public et la critique. De même, Le Volcan, l'œuvre la plus importante et la plus ambitieuse de Klaus Mann, paraît après deux années de travail aux éditions Querido. Klaus Mann y développe sa vision utopique d’un humanisme socialiste où chacun trouve sa place, « même les toxicomanes, les homosexuels, les anarchistes ». Son père lui écrit : « Je l'ai lu de bout en bout, avec émoi et amusement... Plus personne ne contestera que tu es meilleur que la plupart – ce qui explique ma satisfaction en te lisant... »
Après son installation aux États-Unis, en septembre 1938, il vit entre Princeton, dans le New Jersey et New York, où il fonde une nouvelle revue littéraire, Decision, destinée à promouvoir une pensée cosmopolite, qui ne paraît que de janvier 1941 à février 1942, malgré un bon accueil du public, faute d'un financement satisfaisant. Dégoûté par la langue allemande, pervertie par les nazis, il se met à écrire en anglais, ce qui lui cause d'infinies souffrances. Victime d'un syndrome dépressif que la fougue de son engagement intellectuel ne parvient pas à compenser, se sentant de plus en plus seul, il tente de se suicider, en s'ouvrant les veines. En 1942, il fait paraître à New York, une autobiographie en anglais, The Turning Point (Le Tournant), qu'il reprendra, après la guerre, en allemand, et Speed, un récit poignant sur la solitude, la nostalgie et le désespoir. En 1943, il écrit l'essai André Gide et la crise de la pensée européenne. Engagé dans l'armée américaine, il passe six mois à Fort Dix, dans l'Arkansas, de janvier à juillet 1943, puis est muté comme public relations au Station Complement (compagnie de l'Etat-Major). Le 25 septembre 1943, il est officiellement naturalisé américain. Envoyé fin 1943 à Casablanca et en Italie pour participer à la « guerre psychologique », il rédige des tracts et des textes de propagande destinés aux stations de radio et aux haut-parleurs des tranchées, avant de participer à la campagne d'Allemagne. Puis, il quitte l’armée, séjourne à Rome et Amsterdam, avant de partir pour New York et la Californie.
[modifier] Le difficile après-guerre
Après la guerre, il se propose, en tant que journaliste, de participer à la rééducation des allemands, mais il s'aperçoit bientôt, avec tristesse et dégoût, que les écrivains de l'exil sont méconnus dans leur pays, et presque sans avenir. À cette époque, ses livres sont refusés par les éditeurs de la République fédérale d'Allemagne. Lucide sur la crise de la conscience européenne, il exprime de sérieux doutes sur la dénazification de l'Allemagne. En proie à de graves difficultés matérielles, désespéré par le suicide de son ami Stefan Zweig, après René Crevel et Ernst Toller, sentant sa sœur Erika, avec laquelle il a toujours eu des liens très forts, s'éloigner de lui, Klaus sombre à nouveau dans la drogue, dont il avait réussi à se débarrasser en 1938, après des années de dépendance, alternant périodes de sevrage et rechutes. Après une tentative de suicide manquée en 1948, il peine à écrire son nouveau roman The Last Day. Il n'arrive pratiquement plus à écrire que sous l'emprise de la drogue. Le 21 mai 1949, il meurt d'une forte dose de somnifères, à Cannes, dans sa chambre d'hôtel.
Dans son journal, Thomas Mann écrit à Stockholm, le 22 mai 1949: «Il n'aurait pas dû faire ça. L'acte s'est visiblement produit alors qu'il ne s'y attendait pas lui-même, avec des somnifères qu'il avait achetés dans une droguerie à New York. Son séjour à Paris a été lourd de conséquences (morphine).» Un mois et demi plus tard, il écrit à Hermann Hesse : « Mes rapports avec lui étaient difficiles et point exempts d'un sentiment de culpabilité puisque mon existence projetait par avance une ombre sur la sienne [...]. Il travaillait trop vite et trop facilement. »
Sur sa tombe, au cimetière du Grand Jas, sa sœur, Erika, a fait graver une phrase de l'évangile selon Luc, qui devait servir d'exergue à The Last Day, le roman politique auquel Klaus Mann travaillait juste avant sa mort : « Celui qui cherche à sauver sa vie la perdra, mais celui qui perd sa vie, celui-là la sauvera ».
[modifier] Écrivain
Klaus Mann est l'auteur de textes politiques (Escape to Life, en collaboration avec Erika Mann, sa sœur), mais aussi d'articles de presse, de pièces de théâtre (Anja et Esther en 1925) et de romans, tels La Danse pieuse, premier roman allemand ouvertement homosexuel, Fuite au Nord (1934), histoire d'une militante communiste, Johanna, réfugiée en Finlande, où elle va devoir choisir entre son amour pour un homme, Ragnar, et son engagement, auquel elle choisit finalement de tout sacrifier, qui renvoie à la nécessité des intellectuels de renoncer à leur tour d'ivoire pour s'engager dans le combat politique (en quoi il s'oppose à Stefan George, tenant de l'art pour l'art et l'un de ses maîtres en littérature avec Frank Wedekind), Symphonie pathétique (1935), sur Tchaïkovski, Mephisto (1936), le plus célèbre de ses livres, le premier publié à Amsterdam, considéré comme l'un des meilleurs romans du XXe siècle, ou Le Volcan (1939), chronique des exilés allemands entre 1933 et 1939.
Après une première autobiographie, Je suis de mon temps (parue en 1932), Le Tournant (édité d'abord en anglais, avant d'être réécrit en allemand après la guerre et publié en 1952) est un témoignage d'un intérêt exceptionnel, tant sur la vie intellectuelle et littéraire allemande dans les années 1920, que sur la condition des Allemands exilés sous le régime nazi. De même, il laisse un volumineux journal, important témoignage sur un homme, ses rencontres, ses convictions, ses doutes, sa fascination de la mort, dont la rédaction couvre la période qui va de 1931 à 1949.
En 1968, le Tribunal constitutionnel fédéral allemand interdit la publication de Mephisto au motif qu'il faut attendre que se dissipe le souvenir du défunt. En 1981, bravant une interdiction formelle, les éditions Rowohlt décident d'éditer le roman, qui devient immédiatement un bestseller. Plus largement, dans les années 1970-80, Klaus Mann, qui n'était guère considéré jusque-là que comme le fils de Thomas Mann, connaît enfin la reconnaissance pour son œuvre, regardée à présent, avec la réédition de ses livres, comme l'une des plus originales de sa génération.
[modifier] Œuvres
- Anja et Esther (Anja und Esther, 1925), théâtre ;
- La Danse pieuse (Der fromme Tanz, 1926), roman ;
- Le Cinquième Enfant (Kindernovelle, 1927), nouvelle ;
- Alexandre. Roman de l’utopie (Alexander: Roman der Utopie, 1929), roman ;
- Je suis de mon temps (Kinder dieser Zeit, 1932), autobiographie ;
- Fuite au nord (Flucht in den Norden, 1934), roman ;
- La Symphonie pathétique (Symphonie pathétique: Ein Tschaikowsky-Roman, 1935), roman ;
- Mephisto. Histoire d’une carrière (Mephisto: Roman einer Karriere, 1936), roman ;
- Ludwig. Nouvelle sur la mort du roi Louis II de Bavière (Vergittertes Fenster, 1937), nouvelle ;
- Le Volcan. Un roman de l’émigration allemande (1933–1939) (Der Vulkan: Roman unter Emigranten, 1939), roman ;
- Le Tournant. Histoire d’une vie (The Turning Point, 1942, Der Wendepunkt, ein Lebensbericht, publication posthume 1952), autobiographie.
- André Gide et la crise de la pensée moderne, 1943
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