Slaves
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Le nom de Slaves est mentionné pour la première fois en 500 après J.-C. : il désigne des peuples indo-européens, voisins sur le plan ethnolinguistique et survenus tardivement dans l'Histoire. Avant cette date, ils étaient très faiblement en contact avec l'Europe méditerranéenne et ils étaient probablement ce peuple lointain cité par Pline (donc durant l'Empire Romain)comme les vénèdes, connus ensuite sous le nom de Wendes.[1] Leur attestation est très rare avant qu'ils soient connus sous le nom des slaves.
Au Moyen Âge, les Slaves constituèrent des principautés et des royaumes puissants en Europe centrale et en Europe orientale, dont certains survivent sous une autre forme aujourd'hui :
- la Grande-Moravie
- la Russie kiévienne
- le royaume de Pologne
- le grand-duché de Lituanie
- le royaume de Serbie
[modifier] Origines : les protoslaves
L'origine exacte et l'étymologie du nom des Slaves demeurent incertaines : les sources historiques à leur sujet ne sont abondantes qu'à partir des Xe et XIe siècles.
Concernant leurs ancêtres, le terme de Protoslaves est employé pour désigner les populations à caractère slave qui auraient été prises dans le tourment des migrations barbares. La plupart des historiens s'accordent à penser que les premiers d'entre eux auraient été enrôlés dans des confédérations de peuples allogènes. Ainsi, il aurait pu y avoir des Protoslaves parmi les Scythes et parmi les Sarmates du Ve au Ier siècle av. J.-C., parmi les Huns et les Alains (IVe-Ve siècle), enfin parmi les Goths (Ve siècle) puis parmi les Avars aux VIe et au VIIe siècle.
Le berceau originel des Protoslaves, si l'on en croit les témoignages archéologiques qu'ont laissés des populations non germaniques, pourrait se situer dans les régions comprises entre les sources de la Vistule au nord-ouest, de la Dniestr au sud-ouest, et le cours de la Dniepr à l'est. Ces régions de plaine, situées en Ukraine et en Pologne orientale au nord de la mer Noire, sont celles qui portent les témoignages les plus anciens d'une présence slave.
Les autres populations en mouvement de la fin de l'Antiquité auraient finalement entraîné une partie des Slaves jusqu'à l'Elbe et jusqu'au Danube à l'ouest. Dans le même temps, d'autres Slaves faisaient irruption au sud des Carpates.
Atteignant l'Empire romain d'Orient, ceux-là accompagnent et suivent les Avars, arrivés en 567. Ils pénètrent dans les Balkans et atteignent l'Adriatique. Vers 548, ils sont en Illyrie (en Carinthie, en Istrie et en Albanie) et repoussent les autochtones dans les montagnes.
C'est dans les Balkans dépeuplés en partie par les invasions d'autres peuples migrateurs que les premiers Slaves font souche, en fondant des colonies (ou « sclavenies », du nom des Sclavènes), d'abord sans – puis avec – l'autorisation de Byzance. Les bergers Valaques, population à parler roman, se retirèrent eux aussi dans les montagnes.
D'autres Slaves, enfin, mènent des incursions en Grèce dès la fin du règne de Justinien, profitant de l'abandon du limes oriental. Entre 586 et 610 ils ravagent le pays et s'en rendent maîtres.
Au final, les raisons exactes du mouvement des Slaves vers l'ouest et vers le sud sont inconnues : celui-ci, longtemps attribué à la pression des Mongols aux confins de l'Asie, pourrait s'expliquer plus simplement par la démographie.
[modifier] À propos du nom
Deux hypothèses sont généralement retenues pour expliquer le mot slave. Reste à savoir laquelle est la bonne et s'il n'y en aurait pas éventuellement une troisième :
- la plus évidente et la plus simple consiste à rattacher le nom au vieux slave slava, avec le sens de renommée, gloire. Autrement dit, les Slaves se seraient eux-mêmes qualifiés de glorieux.
- L'autre hypothèse part du vieux slave slovo (= mot, parole), les Slaves se définissant entre eux comme ceux qui savent parler, dont le langage est compréhensible. Cette hypothèse s'appuie notamment sur le fait que dans les langues slaves le terme désignant un Allemand est dérivé d'un adjectif signifiant muet : en polonais et en tchèque, les mots niemy / němý signifient muet, et Niemiec / Němec signifient Allemand.
Toujours est-il que le mot slave est à l'origine de la Slavonie, de la Slovaquie et de la Slovénie. C'est également lui qui a donné le français esclave (latin médiéval slavus, sclavus), de nombreux Slaves des Balkans ayant été réduits en esclavage durant le haut Moyen Âge.
[modifier] Structures politiques
Outre le fait qu'ils grossissaient les rangs d'autres peuples d'origine iranienne (les Sarmates), turco-mongole (les Bulgares) ou encore germanique (les Goths), les anciens Slaves ne devaient pas former, au départ, de « nations » (au sens médiéval du terme).
Á l'origine répartis en de nombreuses tribus, sans doute de taille modeste, les Slaves semblent avoir surtout été pacifiques. L'unité de base était probablement la famille, et au-delà de celle-ci, le regroupement en communautés villageoises agro-pastorales.
C'est probablement au contact des peuples étrangers que les Slaves découvrirent et adoptèrent leurs structures politiques du Moyen Âge.
[modifier] Formation des premiers « États » slaves (VIIe-XIe siècles)
Au Xe siècle, suite aux première et deuxième vagues d'invasions barbares, le « domaine » slave atteint son apogée : les Slaves commencent alors à se regrouper, ayant acquis au cours des invasions les caractères permettant de distinguer parmi eux tribus occidentales, méridionales et orientales (sur le plan ethnolinguistique).
La pression des peuples germaniques au nord et à l'ouest (à l'époque carolingienne, les Francs les arrêtent sur l'Elbe ; à l'époque ottonienne, les Saxons commencent à s'étendre vers l'est), et celle des peuples des steppes à l'est et au sud semble avoir mis un terme à l'expansion des Slaves et les avoir fixés dans l'espace.
[modifier] Le rôle de l'évangélisation des Slaves dans la formation de leur identité
Initiée à la fois depuis Byzance au sud, et depuis Rome à l'ouest, l'évangélisation des Slaves s'étend également du début du IXe siècle jusque vers la fin du XIe siècle pour l'essentiel d'entre eux, du moins.
L'action de Cyrille et Méthode – le premier ayant achevé d'apporter aux Slaves une écriture dérivée du grec avec l'alphabet cyrillique – surtout, fut celle qui eut le plus de conséquences.
Dès lors, les Slaves de l'ouest, qui avaient embrassé le christianisme catholique romain, et les Slaves de l'est et du sud (sauf parmi ces derniers les plus occidentaux : Croates, Slovènes et Dalmates), qui avaient embrassé la religion chrétienne venue de Byzance, eurent un rôle politique très distinct.
[modifier] Les établissements et les « États » slaves du haut Moyen Âge
Dans les structures politiques mises en place au haut Moyen Âge par les Slaves, ou plus souvent par les peuples qui les encadraient, ne durèrent pas longtemps et sont assez peu connues.
Comme pour la majorité des peuples qui participèrent aux invasions, le terme d'État est également très contestable dans la mesure où les structures politiques établies : khanats, royaumes et principautés, étaient bien éloignées de la res publica antique, confondant sous un même terme les territoires, la dépendance des hommes à l'égard d'un pouvoir personnel et les biens de ce pouvoir.
[modifier] Le royaume des Antes sur le Don : un « État » protoslave
Selon Procope de Césarée, Jordanès et Maurice le stratège, les premiers Slaves comptaient les Vénètes, les Wendes, les Slovènes et les Antes. Ces derniers, échappant à la domination des Goths aux IIIe et IVe siècles grâce à l'arrivée des Huns auraient finalement constitué un premier État entre le Don et le bas Danube de 523 à 602. Celui-ci fut écrasé par les Avars, peuple des steppes nouveau venu dans les invasions barbares.
[modifier] Les Slaves des Balkans
Les débuts de la présence slave dans l'Empire d'orient datent probablement de la fin du Ve siècle, alors que les Antes sont établis en Valachie et les Slovènes dans l'Illyrie et la Dalmatie romaines.
Leurs incursions dans l'empire furent probablement nombreuses mais espacées. Les Antes finirent par accepter le statut de fédérés et les Slovènes durent commencer à s'helléniser.
Entre la fin du VIe siècle et le début du VIIe siècle, l'irruption des Avars vient bouleverser cette relative stabilité, mais il semble que les Slaves avaient recommencé leurs mouvements auparavant : les chroniques syriennes datent de 551 une seconde vague d'invasion qui atteint la mer Égée. Á la fin du VIe siècle, Jean d'Éphèse écrit que toute la Grèce est occupée par les Slaves.
En tous cas, c'est sans doute à cause de l'invasion des Avars que le limes danubien est franchi à nouveau par les Slaves au début du VIIe siècle : en 609, 617 et 619. En 617, les faubourgs même de Constantinople sont menacés.
Mais, c'est surtout dans les Balkans que ces derniers vont laisser une empreinte particulière. Leur division en une myriade d'ethnies présentes dès cette époque, en effet, persiste jusqu'à nos jours.
[modifier] Les Slovènes, les Serbes et les Croates d'Illyrie et de Dalmatie
Rapidement majoritaires sur le plan démographique – si l'on excepte l'Albanie –, les Slaves avaient transformé l'Illyrie et la Dalmatie antique au VIe siècle.
Les plus occidentaux d'entre eux, des Slovènes, qui donnèrent leur nom à la Slovénie actuelle, furent confrontés aux Bavarois. Ces derniers durent arrêter l'expansion slave vers l'ouest. Les même Slovènes tombèrent ensuite sous la domination des Avars au VIIe siècle.
De 610 à 641, ils se libérèrent des Avars avec l'aide de leurs voisins, Serbes et Croates :
- les Croates, dont l'origine exacte est mystérieuse (probablement non-slave et peut-être irano-caucasienne), étaient établis au sud de la Save. Ils ne constituèrent un État portant leur nom qu'au IXe siècle.
- les Serbes, quant à eux, étaient établis au centre et à l'est de l'Illyrie, occupant des enclaves aux côtés des Slovènes jusqu'en Grèce orientale.
D'autres peuples, pour la plupart disparus, se partageaient le reste des ancienne provinces romaines : les Bosniates, les Carantaniens, les Doukliènes et les Narentanes sur la côte dalmate.
[modifier] Le premier royaume bulgare (681-1018)
En 642, les Bulgares – furent attaqués à l'est par les Khazars, un peuple établi le long de la Volga. Ayant reflué vers l'Empire d'Orient et vaincu l'Empereur Constantin IV Porphyrogénète, ils s'installèrent en Mésie orientale sur la mer Noire (près de Varna, en Bulgarie). Là, ils soumirent la population déjà majoritairement slave.
Sous le « règne » de leur khan, Asparuch, les Bulgares constituèrent un premier royaume, slave par sa population (681). La fusion qui s'opèra entre Slaves et Bulgares se fit donc au profit de la culture des premiers, même si des témoignages épigraphiques montrent que de nombreux éléments culturels bulgares survécurent au moins jusqu'au Xe siècle. En tous cas, les cadres du pouvoir demeurèrent bulgares, les chefs des tribus slaves (knias) possédant une certaine autonomie mais devant reconnaître l'autorité du Khan.
Le nouvel Empire ainsi constitué fut en tous cas l'un des plus redoutables rivaux de Byzance. Au IXe siècle, deux de ses souverains, Boris Ier qui reçut le baptême et prit le nom de Michel, puis Siméon le Grand tentèrent même de prendre le titre de Basileus. Ils échouèrent, non sans avoir conquis la majeure partie de la péninsule balkanique. Finalement, l'Empereur Basile II écrasa les Bulgares et prit le titre de Bulgaroctone. En 1018, l'Empire bulgare disparut malgré les efforts de son dernier souverain, le czar Samuel.
[modifier] Les Slaves de Thessalie et l'Empire
Les Slaves qui avaient « slavisé » la Grèce au début du VIIe siècle, parmi lesquels se trouvaient notamment des Slovènes et des Serbes se heurtèrent à la résistance des Vlahi latins (Roumains) et des Illyriens (Albanais).
Sous Justinien II, puis sous ses successeurs de la dynastie isaurienne (717-775), les Grecs regagnèrent le terrain perdu. Appliquant une politique draconienne, ils déportèrent des populations entières en Asie mineure afin de résorber les « enclaves » (« sclavinies ») qui s'étaient établies entre les villes fortifiées demeurées grecques. La christianisation, souvent forcée, accompagna cette reconquête.
Néanmoins, les tentatives de Byzance pour helléniser par la force les Slaves s'accompagnèrent de la mise en place de nouvelles structures administratives à caractère défensif. Ces structurent mirent fin à celles héritées de l'Antiquité : il s'agit des « thèmes », circonscriptions gouvernées par des « stratèges ».
Ainsi, en partie sous l'action indirecte des Slaves et paradoxalement, l'Empire romain d'Orient se transforma en Empire byzantin, c'est-à-dire essentiellement grec.
[modifier] Les Slaves d'Europe centrale
Les Slaves occidentaux atteignirent la région de Dresde avec les Sorabes sans doute au VIe siècle : à l'époque de la RDA, ces derniers siègeaient encore au parlement.
À leurs côtés se trouvaient alors :
Les Polanes (les futurs Polonais) les suivaient, eux-même talonnés par les Drezvlianes (futurs Biélorussiens) et les « grands Russes » (les Vyatiches, établis près de Moscou).
Des agglomérations modestes, nommées gorods, grods ou grads, furent fondées en grand nombre partout où ils se trouvaient et sont connues pour la période kiévienne.
[modifier] Le Royaume de Samo (623-658)
Les Slaves établis sur les territoires des actuelles Moravie, Slovaquie et Autriche, en particulier, souffrirent au VIIe siècle de la domination des Avars sur la région et de la proximité des Francs à l'ouest : en 623, ils se révoltèrent et élirent un commerçant franc nommé Samo comme leur chef. Ce quasi-état disparut à la mort de ce dernier, vers 658, non sans avoir compris depuis les années 630 la Bohême et la Lusace.
[modifier] La Grande-Moravie (833- 907)
Après que les Avars furent écrasés par les Francs (à l'ouest), par les Bulgares (à l'est) et par les Moraves et les Slovaques (au nord), la principauté de Moravie (en Moravie et Slovaquie de l'Ouest actuelles) conquit la principauté de Nitra (qui comprenait la Slovaquie, la Hongrie du nord, et l'Ukraine subcarpathique de l'Ouest). C'est ainsi que se forma la Grande-Moravie en 833, qui devait englober la Moravie et la Slovaquie, plus tard aussi la Bohême (890-894) et le sud de la Pologne actuelle. Cet état devait apparaître « hérissé de villes fortifiées et de châteaux forts » (Denise Eckaute). Pressée sur ses frontières par les Saxons au nord et par les Bavarois au sud, la Grande-Moravie dura moins d'un siècle sous cette forme. L'empire, dirigé par Mojmir I, Ratislav, Slavomir, Svatopluk (871-894) et Mojmir II, disparut en effet en 907, pour cause de querelles internes et sous les coups des tribus hongroises, les Magyars, récemment arrivés dans la région depuis l'est des Carpates.
C'est notamment à l'initiative de Ratislav que les missionnaires Cyrille et Méthode furent dépêchés en 863 par l'Empereur Michel III pour évangéliser les Slaves.
[modifier] La Principauté de Bohême (fin du IXe siècle-XIe siècle)
Le royaume de Bohême se constitua autour de Prague à la fin du IXe siècle. La région, qui avait été rattachée à la Grande Moravie en 888/890 - 894 sous le règne de Svatopluk, devint un État tributaire de la Francie Orientale en 895.
Au Xe siècle, la dynastie des Premyslides y affirma son pouvoir sous le règne de Venceslas Ier de Bohême (921-935). Venceslas, confronté à la puissante Saxe, devint le vassal d'Henri l'Oiseleur et se plaça sous la protection du pape afin de consolider son pouvoir. Se heurtant à l'opposition des nobles et de son frère en raison de cette politique qui renforçait l'autorité centrale, il fut tué par ce dernier en 935 et devint martyre à la fin du siècle.
Le fratricide Boleslav et ses successeurs, notamment Boleslav II (972-999), continuèrent avec moins de succès l'œuvre de Venceslas, limités par le Saint Empire romain, auquel la principauté appartenait, et par la puissance polonaise. Prague devint un évêché en 973, la Moravie actuelle fut conquise en 1019 et c'est finalement sous le règne de Vratislav II (1061-1092) que la dynastie obtint en 1089 la couronne des mains de l'Empereur Henri IV pour avoir pris son parti au moment de la querelle des investitures (1075-1122) avec le Pape.
[modifier] Le royaume de Gniezno (Xe siècle)
Peu après le milieu du Xe siècle se forma également le premier « État » polonais autour de Gniezno, sous le règne de Miesko Ier (ou Mieszko, 920-992) qui prit le titre de roi, reçut le baptême et épousa la sœur du duc de Bohême, Boleslas Ier, en 966. Ainsi, il choisit d'épouser le Christianisme directement de Rome pour éviter de tomber sous la domination saxonne.
Miezko s'était entendu avec le margrave saxon Gero (mort en 965) pour soumettre les Slaves de la Baltique. Ayant unifié les Slaves de la Vistule, il sut profiter successivement de l'écrasement des Magyars par Otton Ier au Lechfeld (955), puis de la défaite italienne d'Otton II au cap Colonne (982), tout comme ses successeurs profiteraient de l'affaiblissement des Hohenstaufen au XIe siècle, pour faire reconnaître sa royauté par l'Empereur et pour constituer un royaume polonais qui allait s'étendre de Gdańsk à Cracovie.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Bibliographie
- Francis Conte, Les Slaves, Albin Michel, coll. « Bibliothèque de l'évolution de l'humanité », Paris, 1996.
[modifier] Lien externe
- Les Slaves, des origines aux premières principautés par Michel Kazanski, Chargé de recherche au CNRS au Centre d’histoire et civilisation de Byzance.