Autoportrait (Vincent van Gogh)
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Autoportrait (L'Homme à la pipe ou autoportrait à l'oreille bandée), Arles, janvier 1889, huile sur toile Chicago, collection de Mr. et Mrs. Leigh B. Block
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Cet article fait partie de la série Peinture |
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Autoportrait à l'oreille bandée |
Vincent van Gogh, 1889 |
huile sur panneau de bois |
51 × 45 cm |
Chicago |
Sommaire |
[modifier] Introduction
[modifier] Biographie
Van Gogh est né en mars 1853 dans un petit village hollandais. Dès son enfance, il semblait être agité. Adulte, doté d’un tempérament fougueux et passionné, il avait du mal à se trouver une profession stable (employé dans une entreprise de vente de tableau, prédicateur à Londres, étudiant en théologie à Amsterdam, évangéliste auprès de mineurs de charbon). Ce n’est qu’à l’âge de 27 ans que Van Gogh a commencé à peindre ses premières toiles, des natures mortes puis des scènes paysannes sombres et monochromes s’inspirant du milieu où il vivait à l’époque. En 1886, il s’est installé avec son frère Théo dans une petite galerie d’art à Paris ce qui lui a permis de rencontrer de jeunes peintres. Le style de Van Gogh a alors évolué sensiblement, influencé par le style japonais et par le néo-impressionnisme dont la technique picturale est basée sur le pointillisme, les teintes de ses tableaux sont devenues franches et brillantes. En 1888 il s’est installé dans le Sud de la France avec son ami Gauguin. Mais, au bout de deux mois de travail commun, leurs relations se détérioraient. Quelques mois plus tard, il entrait de plein gré dans un asile, où il s’est mis à peindre avec acharnement. Un an plus tard, il rejoignait son frère Théo à Paris où, en juillet 1890, il a tenté de se suicider avec un revolver et est décédé deux jours plus tard.
[modifier] Contexte
Le 23 décembre 1888, dans leur atelier d'Arles, Van Gogh a tenté de blesser Gauguin avant de se trancher l'oreille avec une lame de rasoir. Il a offert le morceau de chair à une prostituée. Rapidement rétabli, Van Gogh a peint une de ses œuvres les plus poignantes : son autoportrait, l’oreille blessée étant pansée par un bandage qui lui entourait le visage. Pour Paul Gauguin, cette nouvelle crise de folie marque la fin de la collaboration des deux peintres dans leur "atelier du Midi" installé à Arles. Van Gogh a réalisé cet autoportrait par deux fois, mais nous étudierons seulement le deuxième.
[modifier] Annonce du plan
Nous allons d’abord décrire la composition, le jeu des couleurs puis nous l’analyserons. Cet autoportrait souligne une opposition entre son contenu, un homme qui semble calme et n’exprime aucune douleur physique, et le contexte dans lequel il a été peint, un homme qui vient de se mutiler.
[modifier] Description du tableau
[modifier] Iconographie
Van Gogh occupe la majeure partie du tableau. Il a le visage légèrement de trois quarts, la tête tournée vers la droite. Il porte une veste épaisse, un bonnet usagé et un bandage lui entourant le visage. Il fume la pipe (la fumée est matérialisée). La pipe noire semble être le pendant du bandage blanc. Le tableau dégage une impression de résignation mais aussi d'apaisement. Il a les traits tirés, la mâchoire crispée, et le regard perdu dans le lointain. Van Gogh n’a que 35 ans mais en paraît 50. Le visage, qui est l'élément dominant, occupe la partie centrale de la toile; les yeux sont à la hauteur de la ligne d'horizon qui partage le tableau en deux parties. L’arrière plan du tableau est un fond bicolore.
[modifier] Couleurs
Si l’on observe les couleurs du tableau, on peut remarquer que le fond est divisé en deux zones équitables : la partie du bas est rouge alors que celle du haut est principalement orange, mis à part des touches plus jaunes observées tout en haut du tableau. Le bonnet est bleu à l’avant (au niveau de la partie en laine) et à l’arrière, violet. La veste qu’il porte est verte. La fumée, sa chemise et son bandage sont blancs tandis que la pipe, ses yeux et ses cheveux sont très foncés, presque noirs. Dans les deux cas, Van Gogh a juxtaposé des couleurs proches sur le cercle chromatique (violet et bleu, rouge et orangé), on parlera d’harmonie d’analogue : les couleurs sont proches les unes des autres et se combinent sans se heurter. Mes ses harmonies d’analogues s’opposent aux harmonies de contraste : les couleurs adjacentes sont complémentaires (les trois couples de couleurs complémentaires étaient à l’époque : vert et rouges, violet et jaune, bleu et orangé). En effet le rouge est interposé entre l’orange et le vert, le bleu et proche du violet et de l’orangé tout comme l’est le violet du bleu et du jaune.
[modifier] Analyse du tableau
[modifier] Iconographie
Si l’on cherche à analyser le tableau, on peut se demander pourquoi Van Gogh a choisi de se représenter ainsi. La première réponse qui vient à l'esprit est qu'il a voulu rassurer ses proches, son frère, bien sûr, sa famille, et ses amis peintres, dont Gauguin, en premier lieu, qui venait de le quitter après avoir appelé Théo à la rescousse. Toutes ses lettres après l'incident de l'oreille et le délire qui l'accompagne vont dans ce sens. Cependant, si Van Gogh cherche à rassurer les autres, on peut penser qu’il cherche aussi à se rassurer lui-même, à se prouver que la crise est désormais terminée et qu'il est à nouveau capable de travailler. On peut alors se demander ensuite comment s'opère cette transformation, cet apaisement, ce travail sur soi au travers de la peinture visant à le tranquilliser comme à tranquilliser les autres, comment fonctionne ce " je ne suis pas fou, puisque, comme vous pouvez le voir, je continue de peindre, je reprends la peinture ". Sur le plan iconographique, l'accessoire de la pipe joue ici un grand rôle. Si le bandeau témoigne du drame, ce qui fait que ce drame est maintenant passé, c'est le présent de la pipe, de la pipe qu'il fume et qui l'aide à retrouver une certaine sérénité d'esprit après l'agitation extrême des semaines précédentes. La pipe s'oppose donc au bandage, comme le présent au passé maintenant révolu, comme la tranquillité retrouvée au drame surmonté. la pipe contribue pour beaucoup à donner l'impression d'une sorte de paix intérieure retrouvée, d'ordinaire associée aux fumeurs de pipe. Si on se concentre sur la composition, on peut voir que l’expression du visage montre une certaine quiétude et fatigue par le regard mais aussi une tension lorsque l’on se concentre sur la mâchoire (crispée). Là encore, on a une opposition entre la tranquillité et l’angoisse. Comme la pipe qui cherche à nous rassurer, la position du visage montre un certain équilibre en étant centrée ainsi que celle des yeux placés dans l’alignement de la frontière orange - rouge en arrière-plan.
[modifier] Couleurs
Si l’on étudie les couleurs du tableau, on peut voir que Van Gogh a réussi à obtenir un grand équilibre dans le jeu des couleurs. D'abord, sa palette est restreinte aux trois primaires du peintre (rouge, bleu, jaune) et aux trois secondaires (vert, violet et orangé), plus le blanc et le noir (la seule exception concerne les quelques touches de brun du fourneau de la pipe). Ensuite, les couleurs contiguës organisées par paires de contrastes, peuvent nous laisser penser que ceci est destiné à produire une idée d’équilibre : entre les couleurs primaires et secondaires, entre le noir et le blanc, entre les couleurs analogues et complémentaires. Ainsi, toutes les couleurs ont été choisies afin de contribuer à l’harmonie du tableau et chacune est assignée à un rôle précis, en opposition à une autre. Si Van Gogh a été si attentif au contraste des couleurs et des éléments, c’est peut-être qu’il se projetait largement dans ces conflits iconographiques et de couleurs formant des contrastes, au sens où il se concevait lui-même comme un être de contraste, de sorte que transformer le choc brutal de deux couleurs complémentaires en un contraste harmonieux et équilibré, c'était d'une certaine façon mener son propre combat contre la maladie, son combat contre son mal-être. Cet homme en mal de vivre est néanmoins un artiste talentueux.
[modifier] Conclusion
En résumé, les différents éléments d'analyse convergent vers l'idée que la signification générale du tableau est celle d'équilibre. L'équilibre est d'abord celui de la composition (le visage, les yeux). L'équilibre est aussi l'idée qui domine l'analyse iconographique, avec la pipe qui fait pendant au bandage. La même idée d'équilibre se retrouve dans l'analyse chromatique : équilibre entre couleurs primaires et secondaires, analogues et complémentaires, ainsi qu'en ce qui concerne la clarté et la saturation des teintes en présence. En ce sens, cet autoportrait est double : il représente le peintre en montrant son visage, certes, mais il le représente aussi au travers de l'usage, de la maîtrise et de la signification des couleurs. En regardant cet autoportrait, nous recevons un double héritage, un témoignage humain d’un homme en souffrance mais sachant nous toucher en dévoilant son monde intérieur et un chef-d’œuvre artistique où le peintre a su jouer harmonieusement de l’usage, de la maîtrise et de la signification des couleurs.