Fernanda Fernández
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En 1755 naquit à Zújar, un village de l'abbaye de Baza, évêché de Guadiz, une petite fille qu'on appela Fernanda Fernández. Éduquée par des parents honnêtes et chrétiens, et portant en elle les inclinations les plus pieuses, elle prit l'habit de religieuse capucine dans un monastère de Grenade le 10 avril 1774, à l'âge de 18 ans, et elle fit profession. Dès le début de sa jeunesse, elle avait remarqué que, lorsqu'elle éternuait, toussait, ou faisait quelque effort anormal, il se détachait d'entre les lèvres de son sexe un corps charnu d'un pouce de longueur ou un peu plus et qu'il se cachait à nouveau rapidement sans lui causer d'ennuis. Sa pudeur ne lui permit pas de réfléchir à ce phénomène, du moins n'en parla-t-elle pas à ses consœurs. Il en fut ainsi jusqu'à ce qu'elle eût 32 ans, moment à partir duquel elle commença à se sentir des penchants vers le beau sexe, des émissions fréquentes de ce corps étranger et des pulsions involontaires.
Elle informa alors son confesseur des nouveaux sentiments et des nouveaux mouvements qu'elle remarquait, en le suppliant qu'il la tirât de ce monastère où elle jugeait ne pas devoir rester, puisqu'elle appartenait à l'autre sexe. Mais ce directeur, et les autres qu'elle eut pendant les cinq années qui suivirent, ne prêtèrent pas attention à sa demande, attribuant à des crises d’hystérie les stimulations charnelles qu'elle sentait, et à un relâchement de l'utérus ou du vagin le corps étranger qui se présentait en elle. Enfin son dernier confesseur, le père Esteban Garrido, dès qu'il fut informé de ce qui lui arrivait, après avoir réfléchi attentivement et consulté les meilleurs théologiens et les meilleurs savants, demanda à la supérieure du monastère de séparer la sœur Fernanda des autres religieuses et de la garder sous clef, jusqu'à la décision de l'archevêque, don Juan Manuel Moscoso y Peralta.
Instruit par le père Garrido, ce prélat fit entrer dans le monastère une sage-femme, pour visiter la religieuse et faire son rapport. L'examen fut pratiqué, et la sage-femme certifia que la personne examinée était bien un homme, celui-ci fut donc retiré du monastère le 21 janvier 1792 sous un costume de femme laïque. Installée dans un lieu sûr, elle fut de nouveau visitée par deux médecins, deux chirurgiens et une sage-femme, lesquels, unanimement, attestèrent avoir trouvé chez la personne examinée entre autres particularités celles qui suivent :
- Nous avons découvert sous la région hypogastrique deux lèvres réunies dans leur partie supérieure au mont de Vénus, et leur partie inférieure au périnée, formant la rima mayor. Si l'on sépare les lèvres on ne trouve ni ninfas ni clitoris ; mais à l'endroit que celui-ci devrait occuper, se trouve le conduit urinaire fonctionnel. Deux « lignes » plus bas nous n'avons pas trouvé l'orifice externe du vagin mais à la place un pénis parfait avec son gland délimité dans la partie supérieure par une ligne membraneuse, qui le circonscrivait, et qui se terminait par l'urètre d'où sortait chaque mois, depuis 14 à 15 ans, une petite quantité de sang, le même conduit expulsant aussi un liquide séminal, quand la personne examinée était sujette à une érection ou une stimulation vénérienne. Le pénis était dépourvu de prépuce ; lors de l'observation, il avait un pouce et demi de long, et, en érection, pouvait atteindre trois pouces. À la base de ce membre se trouvaient deux saillies collatérales rondes en forme de testicules, couverts par la même peau qui couvre intérieurement les parties charnues des lèvres.
En conclusion les médecins affirmaient unanimement que les organes principaux qui prévalaient chez cette personne étaient ceux qui caractérisent le sexe masculin, elle devait donc être considérée comme un vrai homme et, comme tel, adopter le costume qui lui correspondait. Se fondant sur cet avis le prélat annula la profession religieuse de sœur Fernanda Fernandez, la fit s'habiller en homme et, le 11 février 1792, l'expédia chez ses parents au village de Zújar; toute la procédure est conservée à la curie ecclésiastique de Grenade.
Cet article, signé par le docteur Tomás Romay a paru dans le Diario del Gobierno de la Habana (Quotidien du Gouvernement de la Havane) le 8 mai 1813. On le retrouvera plus détaillé et avec d'autres récits dans La Habana elegante, numéro de l'été 2002. Les faits relatés dataient d'un peu plus de vingt ans, l'ex-soeur Fernanda n'avait pas atteint la soixantaine mais on ne sait ce qu'elle est devenue.