Révolte d'esclaves de Saint-Leu
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La révolte d'esclaves de Saint-Leu eut lieu à l'île Bourbon entre le 5 et le 11 novembre 1811 à Saint-Leu. Elle fut l'unique révolte d'esclaves de l'île, sévèrement réprimée par les Britanniques, alors maîtres des Mascareignes.
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[modifier] Le contexte
[modifier] L'île Bourbon à l'époque
Les Français de l'île Bourbon capitulèrent face aux Anglais le 8 juillet 1809 après l'arrivée de renforts depuis l'Angleterre la veille. L'île était donc sous l'autorité de Sir Robert Townsend Farquhar, premier gouverneur général des Mascareignes à l'époque de la révolte[1].
En 1793, il y avait 35 000 esclaves pour 10 000 libres. En 1825, c'est-à-dire 14 ans après la révolte, il y en avait désormais respectivement 71 000 pour 25 000[2]. On peut donc estimer qu'il y avait environ 50 000 esclaves sur l'île en 1811, dont 5 000 dans les environs de Saint-Leu, capitale du café Bourbon où demeuraient seulement 500 personnes libres[3].
Pourtant, c'est une capitale en déclin : de très forts cyclones ont frappé l'île en 1806 et en 1807, détruisant deux années de récolte et causant des dommages irréversibles aux terres agricoles, les rongeant jusqu'au roc même. Comme si ce n'était pas assez de malheur, une maladie ravagea les "bois noirs" qui protégeaient les délicats caféiers du vent. L'industrie du café s'effondra, et d'autres pays ou colonies réussirent à dépasser l'île en la matière, la plongeant encore plus dans une crise économique.
Pour remplacer les précieux caféiers presque complètement détruits, les propriétaires choisirent la canne à sucre, plus robuste et facile à exploiter et en faire un rapide profit... avec le travail forcé des esclaves, bien sûr.
[modifier] La situation des esclaves et des maîtres
Bien sûr, l'époque fut beaucoup plus dure pour les esclaves que pour les maîtres de ceux-ci. Ayant moins d'argent à dépenser, les propriétaires, généralement avares avec leurs esclaves, dépensèrent moins que d'habitude sur eux. Et soudain, les esclaves se retrouvèrent sur les champs de canne, davantage exposés au soleil ingrat qu'aux temps des caféiers, et coupant les dures cannes à la hache. Non habitués à cette plante, les journées furent d'autant plus dures.
Aussi, les rapports entre esclaves et maîtres dégénèrent, peut-être aidés en cela par la défaite des Français face aux Anglais : les Français, maîtres longtemps craints, battirent la retraite ! Les esclaves eurent donc moins peur de l'autorité, et ceci d'autant moins que la garnison anglaise la plus proche de Saint-Leu était à Saint-Paul, soit assez loin, même à cheval : les Anglais avaient dissout les gardes nationales et ne les avaient pas remplacées par des policiers[3].
[modifier] La révolte
Les esclaves désirant prendre partie à une révolte, quelques dizaines, se regroupèrent dans une ravine la nuit. Ils y planifièrent leur revanche contre les Blancs. L'un d'eux, Figaro[3][4], courra jusqu'à Saint-Louis tout raconter à sa maîtresse, Mademoiselle Legrand, à laquelle il restait fidèle. Legrand en parla aux autorités, qui ne firent rien si ce n'est donner à Figaro l'îlet à Cordes, à Cilaos, en récompense, mais il ne l'occupera jamais. L'absence de réaction coûta cher à tout le monde, aux esclaves comme aux maîtres.
La nuit du 5 novembre, c'est parti. Les esclaves se réunirent, encore que plusieurs dizaines, et se mirent à marcher. Le premier Blanc qu'ils rencontrèrent fut Maricourt Adams[3]. Il était à cheval et se croyait sûr, mais il fut délesté de son fusil, battu et abandonné, puisque les esclaves le croyèrent mort. Il ne l'était pas ; il survécut assez longtemps pour crier l'alerte dans une maison proche. Les maîtres commencèrent enfin à avoir peur, mais les autorités restèrent fermes et ne réagirent pas davantage.
Le premier chef de la révolte fut un esclave appelé Jean, mis au fer quand la révolte ne faisait que commencer[4]. On n'en sait pas davantage sur lui ; en tout cas, il fut vite éclipsé par trois frères, esclaves du propriétaire Célestin Hibon : Élie, le leader, Gilles et Prudent[4].
La nuit du 7 novembre, environ cent hommes[3] arpentèrent ensemble les chemins de Saint-Leu. Ils prirent tout ce qui pouvait s'utiliser comme arme et taillirent même des sagaies dans du bois. La première maison qu'ils virent était vide ; Célestin Hibon, son propriétaire, était absent. Le bâtiment fut pillé et les révoltés partirent avec des pics, des bâtons et même des pilons... à café.
Arrivant à la maison suivante, ils rencontrèrent le gendre de Hibon, Jean Macé. Il fut assassiné devant sa femme et son enfant, qui, eux, s'échappèrent grâce à une esclave fidèle. Euphoriques, les révoltés essayèrent ensuite d'attaquer Pierre Hibon chez lui, mais il était armé et tira, aidé par ses esclaves. Les insurgés battirent vite la retraite et se regroupèrent devant la maison d'Armel Macé, frère du Jean qui vient d'être tué à sang froid. Prévenu par le bruit des tirs depuis la maison de Pierre Hibon, il était prêt et lui aussi tira sur les Noirs, mais fut dominé et tué à coups de pilon. Pourtant, son esclave Paulin profitera de la confusion pour aller à Saint-Leu prévenir tout le monde[3].
Se rendant compte que les Anglais ne pourraient pas les aider à temps, les maîtres s'armèrent et arrangèrent une embuscade à la route du Portail, par laquelle s'approchaient les esclaves furieux. Les esclaves fidèles restèrent sur la route en pleine vue de tout le monde tandis que leurs maîtres attendirent les révoltés dans la forêt à côté. Les révoltés arrivèrent enfin et s'approchent des esclaves, croyant trouver plus de volontaires pour leur campagne.
[modifier] La conclusion et le bilan final
Vingt d'entre eux tombèrent immédiatement, et beaucoup furent grièvement blessés. La justice condamnera trente à la peine de mort. Au final :
- 20 esclaves furent tués dans l'embuscade,
- 30 condamnés à mort et
- 2 Blancs assassinés.
Plus tard, Saint-Leu vendra tous ses esclaves pour payer la construction de ses écoles[5].
[modifier] Notes
- ↑ http://www.interpc.fr/mapage/fe.hoarau/perso/histoire/gouverneur/010507farquar.htm
- ↑ http://coi.intnet.mu/francais/pays_pres.asp?pays_code=2
- ↑ 3,0 3,1 3,2 3,3 3,4 3,5 http://reunion.rfo.fr/imprimer.php3?id_article=76
- ↑ 4,0 4,1 4,2 http://www.temoignages.re/article.php3?id_article=18524
- ↑ http://ile-bourbon.net/gouverneur/010807scubillon.htm
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens internes
[modifier] Liens externes
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