Rusticiade en Alsace et en Lorraine
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Tandis que luthériens, calvinistes et anglicans organisent leurs Églises en Europe, de nouveaux courants protestants plus radicaux jugent que le protestantisme établi ne va pas assez loin dans la simplicité du christianisme biblique. Plusieurs de ces groupes suscitent des révoltes politiques ou s'attaquent aux églises dont ils détruisent les images, les vitraux, les statues et les orgues.
Ils s'attaquent avec une égale violence aux Églises protestantes établies et à l'Église catholique. Luther désapprouve ce bouleversement radical; cependant, en vue d'aboutir à un règlement pacifique, il exhorte les seigneurs à satisfaire certaines revendications des paysans. Finalement, il fait volte-face et condamne sévèrement leurs recours à la violence dans un pamphlet de 1525 intitulé "Wider die mördischen und räubischen Rotten der Bauern", ("Contre les hordes criminelles et pillardes des paysans").
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[modifier] Le soulèvement en Allemagne
Pour les détails, voir l'article "Révolte des Rustauds"
Les historiens débattent encore des causes du soulèvement. Dans les différentes régions concernées, la condition des paysans était très variable. Des laboureurs aisés participaient à la révolte et la conjoncture économique n’était pas fondamentalement mauvaise. Il ne s’agissait donc pas d’une révolte de la misère, même si le poids des redevances, de la dîme et de la corvée était assez lourd pour contribuer à un réel endettement.
Douze articles rédigés en Souabe et adoptés par toutes les bandes paysannes, contestaient la hiérarchie ecclésiastique et formulaient des exigences, qui comprenaient le droit de choisir leurs propres pasteurs, l'abolition du servage, le droit de pêche et de chasse, l'abolition de nombreux impôts féodaux et la garantie d'être traités justement par les tribunaux seigneuriaux.
Des combats entre les paysans et les serviteurs des nobles éclatèrent en 1524 à Shühlingen, dans ce qui est aujourd'hui le canton de Schaffhouse (nord de la Suisse, Forêt-Noire), et l'insurrection s'étendit rapidement sur la plus grande partie de l'Allemagne centrale, occidentale et méridionale, à l'exception de la Bavière. La révolte fut particulièrement violente en Thuringe, où elle prit un tour religieux sous l'influence de la secte des anabaptistes dirigée par Thomas Münzer.
Pasteur à Zwickau de 1520 à 1521, Münzer soutint la paysannerie dans la lutte qui opposait les guildes de mineurs et les classes supérieures. Il revendiqua l'inspiration divine et se mit à prêcher la suprématie de la lumière intérieure sur l'omnipotence de l'Écriture sainte. Il affirma également que le peuple, dans sa simplicité, pouvait accueillir cette lumière intérieure. Tour à tour expulsé de plusieurs villes, pour avoir poussé les paysans et les ouvriers à se révolter ouvertement, il prit part, pendant une courte durée, à la guerre des Paysans (1524-1525) puis revint à Mühlhausen pour prendre la tête d'une révolte contre les autorités civiles et religieuses locales. Il réussit à renverser le régime féodal et à organiser pendant un temps une communauté de paysans dans laquelle tout était possédé en commun. Battu à Frankenhausen le 15 mai 1525, Münzer fut jeté en prison et exécuté.
À la fin de cette même année, après bien des atrocités commises par les deux parties et la mort de milliers de personnes, les nobles de la ligue de Souabe réussirent à écraser la rébellion dans toute l'Allemagne, mais la révolte se poursuivit en Autriche jusqu'à l'année suivante. Les paysans allemands n'obtinrent en définitive aucune concession, tandis qu'en Autriche les nobles abolirent quelques-unes des injustices qui étaient à l'origine du soulèvement. Paradoxalement, l'opposition de Martin Luther, dont les principes avaient été adoptés par les paysans mécontents et avaient inspiré leur révolte, contribua à la défaite des rebelles.
[modifier] L’insurrection en Alsace et en Lorraine
Ce soulèvement devait être minutieusement préparé car il éclata dans toutes les parties de l’Alsace le même jour, le 14 avril 1525, et bénéficia d’un effet de surprise totale. Les autorités ne purent opposer aucune résistance. Le mouvement gagna très vite la Lorraine. Des paysans révoltés pénétrèrent dans la région de Blâmont, de Saint-Dié. Plus au nord, il gagna Dieuze et le baillage d’Allemagne (la Lorraine germanophone). Les insurgés investirent l’abbaye d’Herbitzheim qui devint un grand centre de rassemblement où 3000 paysans lorrains rejoignirent les révoltés alsaciens, fin avril-début mai. Les autorités étaient ainsi menacées par une dangereuse entreprise de destruction de l’ordre établi. Aussi le duc de Lorraine Antoine se résolut-il fin avril à monter une expédition militaire.
Le 4 mai Antoine rassembla à Nancy des fantassins, des cavaliers et des artilleurs, avec pièces, munitions et vivres, et se mit en marche en direction de Dieuze. Le lendemain il fit étape à Vic-sur-Seille d’où des détachements de cavaliers, d’archers et d’arquebusiers allèrent verrouiller les principaux passages vosgiens (Saint-Dié, Raon-l’Etape, Blâmont) et Sarreguemines. Une troupe commandée par le capitaine de Sarreguemines, Jean de Braubach, tenta ainsi de couper la route à une bande de paysans (dont le nommé Hans Zoller de Rimling). Une rencontre sanglante eut lieu au Wittringerhof. Le combat s’arrêta lorsque Jean de Braubach fut fait prisonnier et les paysans purent rejoindre les insurgés alsaciens à Herbitzheim.
A Vic-sur-Seille, l’armée ducale comptait entre 12000 et 15000 hommes: nobles de Lorraine, de Champagne, de Brie et leurs soldats; cavaliers de diverses origines; lansquenets venus des Pays-Bas et d’Allemagne du nord; fantassins espagnols. Le 11 mai elle fit mouvement sur Dieuze où elle fut renforcée par les cavaliers du comte de Guise, frère du duc et gouverneur de Champagne, et par les lansquenets d’un autre frère d’Antoine, Louis de Vaudémont (qui avait rassemblé sa troupe à Pont-à-Mousson).
Le 14 Mai, l’armée fut encore complétée à Sarrebourg par le comte de Nassau-Sarrebrück et par des gentilshommes français.
[modifier] Saverne et Lupstein
Un parti favorable au soulèvement existait à Saverne et les autorités de la ville décidèrent d’abandonner la place. Le 13 mai au soir des milliers d’insurgés pénétrèrent dans la ville sans avoir à livrer combat. Ceux de Herbitzheim (qui s’étaient mis en marche par Diemeringen, Graufthal, Dossenheim) les rejoignirent le lendemain, avec leur otage Braubach. Une autre bande arriva encore de Neuwiller. Puis le commandant en chef des paysans alsaciens, Erasme Gerber, originaire de Molsheim, se rendit en personne à Saverne. Mais dans le même temps des cavaliers du duc de Antoine avaient investi le château de Haut-Barr, qui dominait la ville. Le gros de l’armée, qui avait quitté Sarrebourg pendant la nuit du 14 au 15 mai, s’installa devant les remparts de Saverne et décida d’attendre le lendemain.
Le 16 mai un drame survint à une douzaine de kilomètres de là, à Lüpstein, où s’étaient regroupés trois à quatre mille paysans. On ne sait pas précisément quels événements déclenchèrent le drame, mais il semble qu’une escarmouche dégénéra et provoqua un massacre et l’incendie de la localité. Devant l’évolution des choses, les Rustauds proposèrent d’évacuer Saverne et de partir. Mais Antoine refusa. Il exigea la reddition totale, la livraison de 100 otages et obtint la libération de Braubach.
Le lendemain 17 mai un nouvel incident déclencha à nouveau un massacre, à Saverne cette fois. Une bagarre dégénéra et on tua sans discernement dans les rues et les maisons. Il semble qu’Antoine et le comte de Vaudémont ne contrôlaient plus leurs soldats, qui mirent à sac toutes les habitations, l’Hôtel de Ville, l’église. Erasme Gerber fut capturé et pendu. Pendant ce temps Neuwiller fut aussi occupé et il y eut là-auusi des exactions.
On a estimé à environ 20 000 le nombre des tués à Lupstein, Saverne et Neuwiller.
[modifier] Scherwiller
L’armée quitta Saverne le 18 mai pour Marmoutier en direction du sud où les bandes de l’Alsace centrale (Barr, Ebermunster, Ribeauvillé, Sélestat) aspiraient à venger les morts et à continuer à défendre leur cause, tandis qu’une troupe d’insurgés s’était aussi formée dans les territoires mêmes du duc de Lorraine, à Saint-Hippolyte et Val-de-Liepvre.
La plus importante de ces troupes, celle d’Ebermunster, commandée par Wolf WAGNER, prit place à l’ouest de Scherwiller, où d’autres vinrent la rejoindre. Cette armée n’était pas dépourvue de moyens: elle disposait d’arquebuses et d’une artillerie capturée dans les places qu’elle avait occupées. Elle bénéficiait de l’appoint de soldats de métier, Suisses notamment. Elle avait enfin choisi pour se battre un terrain favorable qu’elle connaissait bien.
Le 12 mai, la bataille fut âpre: 500 (?) tués dans l’armée ducale et 4000 au-moins pour une troupe de 15 à 20 000 insurgés.
[modifier] La fin de la Rusticiade
Battus en Basse et Moyenne Alsace, les révoltés tenaient encore une partie du sud. Les princes allemands supplièrent Antoine de continuer l’expédition. Probablement frappé par l’ampleur de la tuerie, il refusa et préféra regagner Nancy. Les fantassins se regroupèrent à Lunéville et Saint-Nicolas-de-Port où ils purent vendre le produit de leur butin. L’expédition ne mit pas un terme à la guerre. Les insurgés furent impitoyablement traqués dans le sud et dans la région de Wissembourg.
Le 24 mai le duc et sa suite furent accueillis triomphalement à Nancy. L’expédition d’Antoine eut un profond retentissement en Occident. Le mouvement des paysans exprimait à la fois la contestation sociale et une hostilité à l’égard de l’Eglise catholique. Mais les chroniqueurs mirent délibérément l’accent sur l’aspect religieux. Le duc victorieux apparaissait comme un croisé, défenseur impitoyable de la foi catholique menacée.
Le calme revenu, Antoine fit faire une vaste enquête dans le baillage d’Allemagne. Chaque chef de famille fut interrogé et les réponses inscrites sur un registre. Il en ressort que beaucoup reconnurent s’être rendus aux rassemblements de Herbitzheim et de Diemeringen et, parfois, avoir participé ou assisté au pillage des cures. Tous -ou peu s’en faut- déclarèrent avoir quitté les bandes avant l’affrontement de Saverne, à la demande des prévôts. Il ne semble pas que cette enquête ait abouti à une quelconque répression.
