État de nature
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L'État de nature est un terme de philosophie politique utilisé dans les théories du contrat social pour décrire la condition hypothétique de l'humanité avant la fondation de l'état et de son monopole sur l'utilisation de la force physique légitime. Dans un sens général, l'état de nature est la condition des hommes avant l'instauration de la règle de loi positive, c'est alors un synonyme d'anarchie.
Dans certaines versions de la théorie du contrat social, il n'existe aucune règle dans l'état de nature, seules existent les libertés, c'est le contrat qui instaure les règles et obligations. Dans d'autres versions, c'est l'inverse : le contrat impose des restrictions sur les individus qui restreignent alors leurs droits naturels.
Sommaire |
[modifier] Hobbes
Hobbes est un des premiers philosophes à introduire la notion d’état de nature : il tente d’imaginer ce que serait l’homme en l’absence de toute détermination sociale et donc de toute loi. Cet Etat, qui n’a jamais existé, a pour principal intérêt philosophique de comprendre l’étendue de ce que la société apporte à l’homme.
Pour Hobbes, l’État de nature est un état de guerre permanente de chacun contre chacun. Tout homme cherche à se conserver. Or à l'état de nature, l'homme est libre d'utiliser tous les moyens que bon lui semble pour assurer cette conservation. Cette liberté illimitée conduit à la guerre universelle : l'homme devient un loup pour l'homme (De cive). L'état de nature est donc contradictoire : la lutte de chacun pour sa survie met incessamment en danger la vie de tous.
Dans ces conditions, les hommes choississent de passer entre eux un contrat, par lequel ils se désaisissent de leur liberté, de leur autonomie (pouvoir de se donner à soi-même sa propre loi), pour la transférer à un tiers, le souverain — qui peut être un homme, un groupe d'hommes, une assemblée — chargé d'assurer leur sécurité. Le contrat social hobbesien n'est donc pas un contrat passé entre le souverain et les sujets, mais entre les sujets eux-mêmes : le souverain, lui, n'est pas obligé par le contrat. En revanche, le pouvoir souverain est ordonné à sa fonction : chacun est libre de lui désobéir dès lors que sa sécurité est en péril.
[modifier] Locke
Locke est, comme Hobbes, un théoricien du contrat social. Mais contrairement à Hobbes, il imagine l’état de nature comme un état d’égalité et de paix, où les hommes se portent mutuellement secours en cas de besoin. En effet, les hommes sont doués de raison, et leur raison les porte à ne pas faire de mal à autrui. Il existe donc pour Locke un « droit naturel », une exigence morale qui est déjà présente dans l’état de nature.
[modifier] Rousseau
Comme Hobbes, Rousseau suppose l’existence d’un « état de nature » avant l’instauration de l’état social. Ceci est uniquement une supposition théorique qui lui permet d’étayer sa réflexion philosophique et, surtout, de comprendre ce qu’est l’ « homme naturel », dénué de tout ce que la société a fait de lui. En d’autres termes, il veut remonter à l’homme individuel, hors de l’homme social.
[modifier] L'homme naturel n'est pas bon au sens moral du mot
Pour Rousseau, l’homme naturel est animé de deux passions : l’amour de soi et la pitié. L’amour de soi, c’est l’instinct de conservation, ce qui fait que l’homme cherche à se préserver et à se conserver. La pitié incite quant à elle l’homme à avoir une « répugnance naturelle à voir périr ou souffrir tout être sensible et principalement nos semblables ». De là l’idée maîtresse de Rousseau : l’homme est bon, c’est la société qui le corrompt. Mais attention : si l’homme naturel est bon, il n’en est pas pour autant moral, car il ignore ce qu’est la morale, cette dernière étant une création sociale.
[modifier] Le pacte social fait de l'homme naturel un homme authentique
Il existe une méprise sur la pensée de Rousseau à propos de l'état de nature qui a amené certains commentateurs de sa pensée à dire qu'il se contredisait du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, présentant l'homme comme corrompu par la société au Contrat social où l'on peut lire : Ce passage de l'état de nature à l'état civil produit dans l'homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l'instinct, et donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant. C'est alors seulement que la voix du devoir succédant à l'impulsion physique et le droit à l'appétit, l'homme, qui jusque-là n'avait regardé que lui-même, se voit forcé d'agir sur d'autres principes, et de consulter sa raison avant d'écouter ses penchants. Quoiqu'il se prive dans cet état de plusieurs avantages qu'il tient de la nature, il en regagne de si grands, ses facultés s'exercent et se développent, ses idées s'étendent, ses sentiments s'ennoblissent, son âme tout entière s'élève à tel point que si les abus de cette nouvelle condition ne le dégradaient souvent au-dessous de celle dont il est sorti, il devrait bénir sans cesse l'instant heureux qui l'en arracha pour jamais, et qui, d'un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme. [Livre Premier Chapitre VIII [1].
En réalité, la contradiction n'existe pas comme l'a montré Victor Goldschmidt dans Anthropologie et politique. Les principes du système de Russeau, Paris, Vrin, 1974: la bonté de l'homme naturel est en réalité, d'un point de vue moral ou éthique, en-deçà du Bien et du Mal. C'est parce que le passage à l'état civil se passe très mal que la société corrompt l'homme. Ce que Rousseau signale d'ailleurs dans la citation ci-dessus (si les abus de cette nouvelle condition ne le dégradaient souvent au)-dessous de celle dont il est sorti). On pourrait même se risquer à proposer une formule intellectuellement provocatrice: La société est née bonne, c'est l'homme qui l'a corrompu. étant bien entendu que l'on veut souligner par là l'échec - de fait - du passage de l'état de nature à l'état civil dans le Second Discours. Mais cet échec de fait, le Contrat social suggère qu'il ne devait pas nécessairement se produire.
[modifier] La critique marxiste
[modifier] Citation
« Pour faire fonctionner selon la pure théorie les droits et les lois, les juristes se mettaient imaginairement dans l’état de nature ; pour voir fonctionner les disciplines parfaites, les gouvernants rêvaient de l’état de peste » Michel Foucault, Surveiller et punir.
[modifier] Liens internes
- Théories du contrat social
- Léviathan, de Thomas Hobbes
- Traité du gouvernement civil, de John Locke
- Du contrat social, de Jean-Jacques Rousseau
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