Charles-Guillaume Le Normant d'Étiolles
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Charles-Guillaume Le Normant d'Étiolles est un financier français né à Paris le 8 mai 1717 et y décédé le 18 mars 1799 qui fut le mari de Madame de Pompadour.
Issu d'une excellente famille de hauts fonctionnaires originaire d'Orléans, Charles-Guillaume Le Normant d'Étiolles était le fils d'Hervé-Guillaume Le Normant du Fort, trésorier général des Monnaies et le neveu d'un riche fermier général, Charles François Paul Le Normant de Tournehem (1684-1751). Charles-Guillaume était un garçon intelligent et instruit : ses études terminées, son oncle, qui n'avait pas de fils, le prit avec lui pour le préparer à une carrière dans le monde de la finance.
Jamais les Le Normant du Fort n'auraient permis à leur fils d'épouser Jeanne Antoinette Poisson, dont le père officiel, mort ruiné, avait été condamné à la potence par contumace en 1726, si celle-ci n'avait très probablement été en réalité la fille que Madame Poisson avait eue d'une liaison de longue durée avec Tournehem durant l'exil du mari. Tournehem, qui avait élevé cette enfant comme la sienne, insista beaucoup auprès de son frère pour conclure ce mariage qui, seul, lui permettait de transmettre à sa fille adultérine, dont il admirait beaucoup la beauté et l'intelligence, à la fois son nom et sa fortune. C'est ce dernier point qui emporta l'affaire auprès de M. du Fort, que cette mésalliance dégoûtait profondément.
Étiolles était un village de l'actuel département de l'Essonne, à trois kilomètres de Corbeil-Essonnes, situé sur un petit ruisseau entre la Seine et la forêt de Sénart. Il comptait, entre autres maisons de plaisance, deux châteaux, appartenant tous deux à Le Normant de Tournehem. Ce dernier installa le jeune couple dans celui qu'il n'occupait pas lui-même, et donna la seigneurie d'Étiolles à son neveu pour agrémenter son nom d'un parfum de noblesse. Il le prit aussi comme assistant dans ses affaires, afin de le préparer à prendre un jour sa succession.
Charles-Guillaume avait tout pour être heureux : un oncle qui faisait sa fortune, un emploi d'avenir, un joli château, une petite Alexandrine née en 1744, et une épouse brillante, parmi les plus belles femmes de Paris, qui faisait sa fierté.
Hélas, au retour d'une tournée d'inspection à Grenoble, son oncle lui apprit que Jeanne partageait désormais la vie du seul concurrent contre lequel le jeune homme ne pouvait rien : le roi Louis XV. Jeanne, d'accord avec son oncle, souhaita conserver le domicile conjugal. Le malheureux, qui ne possédait rien en propre, fut prié de s'effacer et se retrouva à la rue du jour au lendemain et exilé de Paris. Afin de l'éloigner plus encore, on lui fit miroiter un poste d’ambassadeur en Turquie, qu’il refusa.
Au bout d’un an et demi, on rappela Charles-Guillaume pour obtenir son accord à la séparation de corps demandée par sa femme. Il se réinstalla à Paris chez son oncle et s’efforça de rattraper les années perdues en menant joyeuse vie avec son beau-frère Abel Poisson. Tous deux fréquentaient les coulisses de l’Opéra et certains cercles licencieux, comme celui de la Vestris, danseuse et courtisane, dont Charles-Guillaume fut un temps l’amant.
La situation de Charles-Guillaume, le cocu le plus célèbre de France, était d'autant plus désagréable que sa femme, qui avait adopté toute la famille Le Normant, usait de son influence pour favoriser les uns et les autres par l'attribution de charges ou la conclusion de beaux mariages. En octobre 1751, quand elle apprit à Crécy la mort de son beau-père, Hervé-Guillaume Le Normant du Fort, elle interdit un feu d’artifice en signe de deuil. Elle introduisit à la Cour Charlotte-Victoire de Baschi, comtesse de Saint-Estève, la sœur de Charles-Guillaume, épouse d’un conseiller d’État qu'elle fit ambassadeur au Portugal puis à Venise. Elle arrangea le mariage de Mme de Choiseul-Beaupré, une autre parente par les Le Normant, obtint du roi pour l’époux une charge de menin du Dauphin, et pour l’épouse une place de dame pour accompagner Mesdames, filles de Louis XV. Jean Le Normant des Angles, grand archidiacre de Comminge, composa une généalogie de la famille, qu’il offrit à la marquise pour l'aider à accomplir ses bonnes œuvres. Elle fit nommer Tournehem directeur général des Bâtiments royaux, le poste qui se rapprochait le plus de notre actuel ministre de la Culture. Grâce à elle, François Le Normant de Mézy devint en 1758 Intendant général adjoint au ministre de la Marine.
Jamais Charles-Guillaume ne pardonnera la trahison de sa femme, jamais sa blessure ne se refermera. En 1756, la marquise souhaita se réconcilier avec lui pour apaiser des remords de conscience. La réponse écrite qu'il lui fit était empreinte d'aigreur, d'amertume et d'un ressentiment encore intact.
Il ne se priva pas, néanmoins, de s'étourdir dans les plaisirs de la vie parisienne. Il eut d'abord une liaison ruineuse avec Mme de Belvaux, dont il eut deux filles. Dans les années 1750, il eut les faveurs de Mlle Guéan, de la Comédie-Française, un bonheur qu’il partageait avec nombre d’autres hommes. Il lui arrivait d'assister à des assemblées de convulsionnaires, une distraction à la mode, avec la duchesse de Villeroy et le duc de Fronsac : le Père La Barre frappait des femmes avec une bûche pour les exorciser, tandis qu’on donnait à d’autres le « secours » de la crucifixion.
Il se lia à une jeune danseuse, Marie-Aimée Maltha, qui lui donna plusieurs enfants. De son côté, la marquise tenta de fiancer leur petite Alexandrine avec un garçon que le roi avait eu d'une de ses maîtresses ; ainsi Charles-Guillaume se serait retrouvé apparenté à Louis XV ! Hélas, la pauvre enfant mourut d'une crise d'appendicite à l'âge de dix ans. Madame de Pompadour disparut à son tour en 1764, usée par une maladie de cœur. Neuf mois plus tard, Charles-Guillaume épousait discrètement la mère de ses enfants. Elle avait trente ans, lui quarante-sept.
Ils vécurent dans le bonheur d'une union bourgeoise au manoir de Baillon, près de l’abbaye de Royaumont. Le couple y recevait des amis fidèles, comme Jean-François Marmontel, Madame de Genlis ou Beaumarchais, qui y improvisait gaiement des comédies. La seconde Mme Le Normant d'Étiolles eut son portrait par l'artiste à la mode sous Louis XVI, Élisabeth Vigée-Lebrun, tableau aujourd'hui perdu.
On se souvint d'eux à l’époque de la Terreur, lorsque les révolutionnaires décidèrent de jeter au cachot tous les nobles et particulièrement les fonctionnaires des finances. Charles-Guillaume fut accusé de « complot en vue d’une banqueroute générale » en tant que receveur général des finances, « prévenu d’avoir conspiré contre la liberté et la sûreté du peuple français en dilapidant les finances de l’État, notamment dans l’affaire des piastres de La Havane, dont il est question dans le mémoire ci-inclus. » La pièce d'accusation comportait une note de Fouquier-Tinville en personne. Arrêtés en bloc au printemps 1794, ils passèrent plus d'un an derrière les barreaux.
Il est curieux de noter que l'un de leurs fils, Charles-François-Constant Le Normant d’Étiolles, baron de Tournehem, épousa sous le Directoire sa cousine Marguerite-Victoire Le Normant de Flaghac, fille d'une maîtresse de Louis XV.
Charles-Guillaume s'éteignit paisiblement dans sa maison de la rue du Sentier, le 18 mars 1799. Marie-Aimée lui survécut neuf ans avant de s’éteindre à son tour, âgée de soixante-douze ans.
