Linguistique modulaire
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LINGUISTIQUE MODULAIRE / MODULAR LINGUISTICS
Depuis au moins les années 1990, tout confirme la persistance d’un véritable foisonnement méthodologique dans le domaine des formalismes linguistiques. Au-delà des engouements de circonstance et de la concurrence qui s’est accrue entre les équipes universitaires dans le monde, ce phénomène dénonce sans aucun doute, en partie du moins, un moment particulier dans l’histoire de la linguistique formelle, que certains auteurs désignent d’ailleurs quelquefois à travers la locution de linguistic turn. Ce tournant répond en somme à une exigence d’ordre ontologique, heureusement non inédite, mais réaffirmée, qu’il est possible de résumer dans un souci à la fois d’exactitude (accuracy) et de productivité dans la conduite des recherches à caractère empirique. Or, celui-ci témoigne aussi, et peut-être avant tout, d’un élan quasi-unanime vers l’unification des champs disciplinaires de la linguistique contemporaine, laquelle unification réouvre plus concrètement qu’auparavant la voie des généralisations.
C’est ainsi que des disciplines à part entière, comme la phonologie et la syntaxe, se rejoignent dans un regroupement de composantes, à proprement parler des sous-ensembles qui se combinent avec plus ou moins d’appropriété (adequacy) dans les formalismes en question.
Dans ce cadre, une approche (multi)modulaire renvoie à une méthodologie qui part de sous-systèmes qu’on peut appeler des modules, et qui permettent de traiter une à une des problématiques restreintes (Nølke 1999, Torterat 2005). Ces derniers répondent à des règles locales (local rules), lesquelles sont subsumées dans le système par des métarègles (metarules) qui les relient entre elles. Cette formalisation consiste donc à traiter des phénomènes distincts, mais aussi délimités, à l’intérieur de paradigmes d’une valeur explicative plus grande et plus effective. Si nous tentons de traiter un phénomène local, par exemple la clitisation dans le syntagme verbal ou encore la subordination dans la phrase, nous approchons ces phénomènes à travers un module qui s’attachera à cette problématique en particulier. Ce n’est qu’ensuite que l’on intègrera les conclusions de la recherche menée dans un système explicatif, descriptif et éventuellement prédictif plus général.
Comment, effectivement, rapprocher la forme du sens ? Question rebattue, poncive, mais à laquelle il est toujours difficile de donner la réplique. L’approche syntagmatique et celle de l’organisation textuelle semblent comporter dans cette vue les modules les plus significatifs à l’occasion de ce rapprochement, mais la phrase et le texte sont encore des matériaux trop peu typifiés en eux-mêmes pour combiner favorablement des problématisations locales. Nølke op. cit. et Roulet 1998 parlent alors de supermodules, intermédiaires, comme on l’aura compris, des modules restreints et des systèmes étendus, ce qui est aussi la démarche de Culioli 1989, 1990 en linguistique énonciative, de Weinrich 1993 en linguistique textuelle, ou de Fontanille et Zilberberg 1998 en sémiotique tensive, pour ne citer que ces exemples.