Marketing ethnique
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«Le marketing ethnique consiste à segmenter le marché en s’appuyant sur l’homogénéité d’une souche ethnique de consommateurs (…) et de leur proposer des produits adaptés à leurs caractéristiques physiques et culturelles».(B.Cova et O Badot).
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[modifier] Les opportunités marketing de «l’ethnicité»
La diversité culturelle au sein de beaucoup de pays industrialisés se développe. Bon nombre de ces pays tentent de mesurer cette diversité. Les classifications statistiques des minorités ethniques varient énormément d’un pays à l’autre. Certains pays comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont récemment développé un système sophistiqué de classification des groupes ethniques tandis que les Etats-Unis recensent les individus en fonction de leur origine raciale depuis plusieurs années. Le challenge pour les marketers est de traduire ces statistiques en terme d’opportunités de marché et d’atteindre des individus qui s’identifient à un groupe ethnique particulier et qui ont des comportements de consommation homogènes. Or les études démographiques montrent que dans le futur, la population dominante va tendre à se réduire au profit des groupes minoritaires. Par exemple, en Australie, le groupe dominant Anglophone est sensé représenter 66% de la population en 2030 tandis que les populations asiatiques auront augmenté de 13%. Aux Etats-Unis, les projections montrent que la population blanche atteindra 62% de la population en 2025 contre 72% en 2000, et ce au profit des groupes hispaniques et asiatiques qui auront augmenté respectivement de 18 et 7% . Au regard de ces évolutions, on comprend que les approches marketing standardisées qui ignorent les différences culturelles existant au sein d’une même économie nationale ont peu de chance d’atteindre efficacement les groupes ethniques ayant un fort sens d’identité. Il serait d’autant moins pertinent d’ignorer ces groupes de consommateurs que les indicateurs économiques montrent que ces derniers voient leur pouvoir d’achat et leur influence dans leur pays d’accueil augmenter. C’est par exemple le cas aux Etats-Unis avec la puissance des groupes asiatiques en Californie et particulièrement dans la Silicon Valley, l’influence des groupes afro-américains dans les nouvelles tendances de consommation par l’intermédiaire de leurs acteurs, de leurs hommes d’affaires médiatiques mais aussi de leurs stars du Hip Hop. Enfin, il y a l’apparition de l’espagnol comme première langue parlée dans certains Etats comme la Floride. Notons par exemple l’élection d’un maire hispanique, Antonio Villaraygosa, à Los Angeles en Mai 2005.
[modifier] La place du Marketing ethnique en France
[modifier] Le Marketing ethnique
De nombreuses recherches ont été menées outre atlantique depuis 1932 montrant les différences de comportement de consommation (Cui, 2001) entre les minorités ethniques et la population dite majoritaire. En France, les recherches se font plus rares de par l’existence du principe républicain.
Le pluriethnisme est encore peu visible dans les publicités. En 1994 seules six publicités françaises mettaient des afro-français à l’honneur. Erik Vervroegen, directeur de création de TBWA déclare en 2004 : « il y a encore aujourd’hui des marques qui refusent la présence de noirs dans leur publicité ». Pourtant, en 2003, on compte 59 publicités françaises mettant des noirs à l’honneur (Stratégie 28 octobre 2004). Allant dans ce sens, Marionnaud fait appel à Sonia Rolland pour répondre aux attentes des individus couleur «chocolat, caramel, miel » ou encore SFR et RTL mettent en avant des noirs dans leurs publicités.
Se pose ainsi la problématique suivante : les origines ethniques déterminent ou interviennent-elles dans l’acte d’achat et dans le choix des marques ?
En effet, certains annonceurs mais aussi certains publicitaires refusent une approche segmentée de la population selon l’appartenance ethnique. Pour certains, le marketing ethnique porte en lui les germes du communautarisme. Robert Rochefort, directeur du Credoc, confirme « que les industriels hésitent car la segmentation par l’ethnie ressemble à une ségrégation et peut être interprétée comme l’exclusion de la majorité ». Pourtant, Juergen Schwoerer, Directeur de Sociovision affirme « le propre du marketing est la recherche de critères de différenciation et la segmentation ». En ce sens, il parait légitime de segmenter la population s’il existe un nouveau critère de différenciation pertinent et évident.
Notons par exemple l’importance du marché de l’ethnocosmétique, destinés aux peaux noires et métissées et aux cheveux crépus, frisés et défrisés. Soft Sheen-Carson, la filiale « ethnique » de L’Oréal estime que sa cliente potentielle dépense trois fois plus, hors coiffure, que la cliente caucasienne (blanche). On estime par ailleurs qu’une femme « noire » utilise neuf fois plus de produits capillaires, sept fois plus de maquillage et cinq fois plus de produits de soin qu’une femme blanche dans les mêmes conditions (selon les études menées par ak-a, institut d'étude spécialisé sur la population afro-française). On comprend donc toute l’ampleur des opportunités marketing s’offrant aux entreprises.
[modifier] Face au principe républicain français
La France, de par son histoire, est un des pays européens où l’on dénombre le plus d’individus appartenant à une minorité ethnique en proportion de sa population totale. C’est par exemple le pays où l’on trouve la population musulmane la plus large en Europe. Les vagues d’immigrants qui se sont succédées depuis le début du vingtième siècle ont été intégrées par un système ne ressemblant pas au Melting-Pot. Ce système refuse en effet de reconnaître de distinction ethnique, raciale ou religieuse, quelle qu’elle soit, du fait de ses valeurs républicaines qui confèrent l’égalité à tous ses citoyens.
[modifier] Comment la France recense-t-elle ses minorités ethniques ?
La population est répartie en deux grands groupes : les Français et les étrangers. Dans certains tableaux de l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques), la distinction est faite parmi les Français entre les Français de naissance (y compris par réintégration), et les Français par acquisition (personnes devenues françaises par naturalisation, mariage, déclaration ou à leur majorité). La population étrangère est définie en fonction d’un critère de nationalité : « est étrangère toute personne résidant en France qui n’a pas la nationalité française. Un étranger peut acquérir la nationalité française au cours de sa vie, en fonction des possibilités offertes par la législation. Il devient alors français par acquisition ». Combiné au critère de nationalité, le critère du lieu de naissance permet de définir la population immigrée : « est immigrée toute personne née étrangère, dans un pays étranger, qui vit en France. Cette population se compose pour la plus grande partie d’étrangers mais aussi de personnes qui ont acquis la nationalité française. Tout étranger n’est pas nécessairement un immigré, et tout immigré n’est pas forcément un étranger » . Selon le dernier recensement de 1999, la France compte donc 52 902 209 millions de Français de naissance et par exemple 725 782 Marocains, 685 558 Algériens, 448 018 originaires d’Afrique Noire etc.…Cependant le recensement ne permet pas de comptabiliser :
- Les individus originaires de pays étrangers et naturalisés ;
- Les enfants d’individus originaires de pays étrangers et de nationalité française.
- Les ultramarins vivant en métropole.
Or il est fort probable que ces derniers présentent les mêmes « caractéristiques dites ethniques » que leurs parents ou grands-parents, bien qu’intégrés à la culture Française.
[modifier] Définition de l’ethnicité
Le terme de « Marketing ethnique » est souvent perçu comme péjoratif. En effet le qualificatif « ethnique », pour les détracteurs du Marketing ethnique, réfère uniquement à la couleur de peau, à un concept de « race » politiquement incorrect en France. Il est donc primordial de donner une définition générale du terme «ethnicité » pour :
- D’une part justifier le nom de ce nouveau courant marketing et montrer qu’il ne se réfère pas uniquement à la couleur de peau ;
- D’autre part montrer que le recensement de l’INSEE ne permet pas de donner un éventail suffisamment exhaustif des différentes minorités ethniques vivant en France.
Au début de la décennie 1990 une polémique se développe sur la prise en compte ou non de «l'ethnicité» dans les enquêtes de l'INED (Institut National des Etudes Démographiques) et de l'INSEE. Le concept même d'ethnie est problématique. Dans le numéro 300 de la revue de l'INED Population et Sociétés (avril 1995), Michèle Tribalat écrit un article intitulé « Appartenance ethnique » . L’auteur tente de segmenter la population française selon l’origine ethnique et utilise pour cela des caractéristiques objectives : le lieu de naissance des parents, la langue etc. Elle peut ainsi catégoriser plusieurs « ethnies » comme « l’ethnie espagnole », « l’ethnie kabyle »… Mais de nombreux détracteurs considèrent sa terminologie aberrante. Ils considèrent que les catégories «ethniques» de Michèle Tribalat sont assez douteuses et peu pertinentes. Certains détracteurs pensent qu’elle «[se contente] d'appliquer des instruments mathématiques à des catégories de populations sans se poser de question sur la pertinence scientifique de ces catégories». La problématique repose sur le fait que l’on peut définir l’ethnicité de deux manières :
- une manière objective utilisée par Michèle Tribalat ;
- et une manière subjective
[modifier] Définition objective de l’ethnicité
Le terme ethnie, qu’il soit de dimension nationale ou transnationale, implique plusieurs dimensions qu’évoque par ailleurs Max Weber en 1961 : entraide, solidarité politique vis à vis des autres groupes, coutumes communes, langues, religions, valeurs, morales, étiquettes. Depuis 1980, aux Etats Unis, l’identification des groupes hispaniques se base sur un nombre déterminé de critères socioculturels tels que le nom d’origine espagnole (Mirowsky et Ross 1980), le pays d’origine (Gurak et Fitzpatrick 1982 ; Massey, 1981), l’ancêtre paternel (Alba et Moore, 1982), et l’utilisation de la langue espagnole à la maison (Massey et Mullan 1984) . L’Australian Standard Classification of Cultural and Ethnic Groups (ASCCEG) donne en 2000 la définition suivante de l’ethnicité: « le terme d’ethnicité (au sens objectif du terme) se réfère à une identité ou similarité partagée par un groupe de personne sur la base d’une ou de plusieurs caractéristiques incluant :
- une longue histoire partagée, sa mémoire étant toujours vive ;
- une tradition culturelle, incluant des coutumes familiales et sociales, et parfois religieuses ;
- une origine géographique commune ;
- un langage commun ;
- une littérature commune, orale et parlée ;
- une religion commune ;
- être une minorité (dans le sens d’être ou d’avoir été opprimée) et ;
- avoir une couleur de peau différente. »
Selon cette définition, on peut donc voir qu’un français d’origine africaine, comptabilisé comme français par le recensement de l’INSEE fait partie d’une communauté ethnique de par son histoire, ses coutumes etc. Cependant, cette définition est à « prendre avec des pincettes ». En effet, en raisonnant à l’extrême, cette définition consacre les habitants du Pays-Basque ou de la Corse comme des membres de minorités ethniques, ce que dénoncent les démographes. Cette méthode de classification peut en effet paraître limitative et arbitraire du fait de l’étiquetage des individus. Il s’agit donc d’énoncer la définition subjective de l’ethnicité.
[modifier] Définition subjective de l’ethnicité
Dans la méthode subjective, l’appartenance à un groupe ethnique est générée par l’individu lui-même sur simple déclaration d’appartenance (Barth, 1969). Cette perspective rejoint le concept d’ethnicité (ou de groupe ethnique) qui se définit en trois caractéristiques :
- Perception par les autres que le groupe est différent (unique) ;
- Perception par les membres du groupe, d’être différent des autres, d’être un groupe unique ;
- Ceux qui se définissent comme appartenant à un même groupe, à une même identité, partagent des activités basées sur les similarités perçues, que ces dernières soient réels ou imaginaires.
Cette manière de définir l’ethnicité permet donc de palier les lacunes de la définition objective.
[modifier] La mesure de l’ethnicité d’un individu
Une méthode combinant les définitions objectives et subjectives s’est développée (Handleman 1977) permettant de mesurer le degré d’intensité d’affiliation à un groupe ethnique à travers des critères mesurables et prédéterminés (Hirshmann 1981 et Yankelovich, Skelly et White 1984) . Il s’agit en premier lieu de recenser les membres d’une communauté ethnique de manière objective (en fonction des critères de langues, de valeurs, de couleur de peau…) puis d’administrer un questionnaire comportant des items permettant de quantifier le degré d’identification de l’individu à cette communauté. Cette méthode permet donc de ne pas considérer la cible ethnique comme un groupe parfaitement homogène. En effet, tous les individus ne présentent pas des degrés d’engagement d’adoption de valeurs communes identiques. Une hiérarchisation s’installe autour d’un noyau central ayant une forte implication des valeurs initiatiques (Ponthier 1997). L’identité ethnique est un aspect de l’acculturation qui se concentre sur le fait de savoir à quel degré un groupe ethnique est lié à son propre groupe en tant que sous groupe d’une plus large société d’accueil (Berry 1980 ). Le degré d’affiliation à son groupe peut varier selon les individus à l’intérieur même de la culture minoritaire ce qui peut donc entraîner des différences de comportement d’achat. Les individus influencés par la culture dominante du pays auraient donc des comportements différents de ceux dont le degré d’identification à la culture minoritaire est fort.
Par cette méthode, l’individu se définira lui même comme appartenant ou non à un « groupe ethnique ». Il définira son degré d’implication dans ce dernier ce qui permet en agrégeant au niveau de la population totale de déterminer si ladite communauté existe «bel et bien».
[modifier] Sources
- Pires Guilherme D. et Stanton P.John, Ethnic Marketing, p 13, 1ère éd., Thomson 2005
- Cui, G. (2001) “Marketing to ethnic minority consumers: a historical journey (1932-1997)”, Journal of Macromarketing, 21 (1): 23-31.
- Le Monde - 21 février 2004 : « Le pluriethnisme reste peu présent dans la publicité en France »
- Le Monde 2 – 4 septembre 2004 : Dossier « Noire beauté » p 24-25
- http://www.recensement.insee.fr/FR/RUB_MOT/ACC_MOT.htm#nationalite
- Tréguer, Jean-Paul et Segati, Jean-Marc, Les nouveaux marketings, 1ère éd, Dunod 2003
- http://www.ined.fr/publications/pop_et_soc/pes300/pes3003.html
- Berry, John W.(1980), »Acculturation as varieties of adaptation » in Acculturation ; Theory, Models and some New Findings, Amado M. Padilla, ed ., Boulder, CO: Westview, 9-26
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens externes
- http://www.ak-a.fr (Agence de marketing ethnique spécialisée sur la population afro française avec documents gratuits)
- http://ethno-marketing.blogspirit.com/ (Blog dédié au marketing ethnique avec articles d'actualité de différents pays)
- http://www.communautarisme.net/ (Observatoire indépendant d'information et de réflexion sur le communautarisme, la laïcité, les discriminations et le racisme)
- http://www.lewebmulticulturel.fr/ (Blog effectuant une revue des approches ethniques de différents marques, et initiatives sur Internet et dans les autres médias)