Paix clémentine
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En plein milieu de la querelle janséniste, Alexandre VII mourut le 22 mai 1667. Son successeur Clément IX voulut d'abord continuer le procès et il confirma dans tous leurs pouvoirs les juges qui avaient été nommés. Cependant Louis XIV, qui avait d'abord affiché un grand désir de seconder le Saint-Siège dans l'affaire, semblait être rafraîchi dans son ardeur. Rome n'avait pas jugé expédient de se plier à tous ses désirs concernant la formation du tribunal ecclésiastique. En accord avec ses conseillers il commençait de craindre qu'un coup ne soit porté aux « « libertés » de l'Église gallicane. Les Jansénistes eurent l'adresse de faire tourner ces appréhensions à leur profit. Ils avaient déjà convaincu plusieurs ministres d'État, notamment Lyonne, et ils réussirent à gagner à leur cause dix-neuf membres de l'épiscopat, qui écrivirent au souverain pontife et au roi. Dans leur pétition au pape ces évêques, tout en protestant de leur profond respect et de leur entière obéissance, faisaient remarquer que l'infaillibilité de l'Église ne s'étendait pas aux faits extérieurs à la révélation. Ils confondaient par là les faits purement humains ou purement personnels avec les faits concernant la doctrine, c'est-à-dire qui étaient impliqués dans un dogme ou étaient en connexion nécessaire avec lui, et grâce à cette confusion, ils concluaient en affirmant que leur doctrine, celle des quatre évêques accusés, était la doctrine commune des théologiens les plus dévoués au Saint-Siège, Baronius, Bellarmin, Pallavicini, etc. Les mêmes idées étaient répétées dans une forme encore plus audacieuse dans l'adresse au roi : ils y parlaient également de la nécessité de prendre garde à des théories qui étaient nouvelles et « nuisibles aux intérêts et à la sécurité de l'État ». Les circonstances rendaient la situation très délicate et il y avait lieu de craindre qu'une trop grande sévérité provoquât des résultats désastreux. Dans ces conditions le nouveau nonce, Bargellini, penchait, pour un arrangement pacifique, et il obtint le consentement du pape. D'Estrées, évêque de Laon, fut choisi comme médiateur et à sa demande on lui associa de Gondren, archevêque de Sens, et Vialar, évêque de Châlons, comme deux d'entre eux avaient signé les deux pétitions dont on vient de parler, ils étaient donc favorables aux quatre prélats accusés. Il fut convenu que ces derniers devraient souscrire sans restriction au Formulaire et le faire signer de la même manière par leur clergé dans les synodes diocésains et que ces signatures devraient prendre place dans une rétractation exprès envoyées par les évêques. Conformément à cet arrangement ils convoquèrent leurs synodes, mais, comme on l'apprit plus tard tous les quatre donnèrent oralement des explications qui autorisaient le silence respectueux sur la question de fait et il semblerait qu'ils agirent ainsi avec l'accord tacite des médiateurs, sans pourtant que le nonce, et peut-être d'Estrées, se doutassent de rien. Mais cela ne les empêcha pas d'affirmer, dans une adresse commune au souverain pontife, qu'eux-mêmes et leur clergé avaient signé le formulaire, comme on l'avait fait dans les autres diocèses de France.
D'Estrées pour sa partie écrivit alors : « Les quatre évêques viennent de se conformer, par une signature nouvelle et sincère, à l'attitude des autres évêques ». Les deux lettres furent transmises par le nonce à Rome, où Lyonne, alléguant lui aussi que les signatures étaient absolument régulières, exigé que l'affaire fut enterrée. Aussi le pape, qui avait reçu ces documents le 24 septembre, en informa-t-il Louis XIV le 28 septembre, en exprimant sa joie pour cette "signature pure et simple" qui avait été obtenue, en annonçant son intention de se réconcilier avec les évêques en question et en demandant au roi de faire de même. Pourtant, avant que les brefs de réconciliation annoncés eussent été envoyés à chacun des quatre prélats, les rumeurs qui avaient d'abord couru sur leur manque de sincérité se firent plus précises et prirent la forme de dénonciations formelles et réitérées. Dorénavant, selon l'ordre de Clément IX, Bargellini a dû faire une nouvelle enquête à Paris. En conséquence il envoya à Rome un rapport établi par Vialar et où l'on disait des quatre évêques : « Ils ont condamné de façon explicite les cinq propositions avec toutes les marques de la sincérité, sans y apporter d'exception ou de restriction, dans tous les sens où l'Église les a condamnés »; mais il ajoutait que les explications concernant la question de fait n'étaient pas entièrement dépourvues d'ambiguïté. Le pape, non moins perplexe qu'auparavant, nomma une commission de douze cardinaux pour obtenir des renseignements. Ceux-ci se rendirent compte, semble-t-il, du double langage tenu par les évêques dans leurs synodes, mais, tenant compte des difficultés très graves qui proviendraient si on rouvrait le dossier, la majorité de la commission estima qu'on pouvait et qu'on devait se contenter du témoignage des documents officiels, et en particulier de celui du ministre Lyonne, concernant la réalité de la « signature pure et simple », et on soulignait à nouveau en même temps que c'était le fondement essentiel et la condition sine qua non de la paix.
Les quatre brefs de réconciliation furent alors établis et envoyés; ils portaient la date du le 19 janvier 1669. Clément IX y rappelait l'assurance qu'il avait reçue « concernant la soumission réelle et entière avec laquelle ils avaient sincèrement souscrit au Formulaire, en condamnant les cinq propositions sans la moindre exception ni restriction, et selon le sens même suivant lequel ils avaient été condamnés par le Saint-Siège ». Il faisait remarquer ensuite qu'étant « encore plus fermement résolu à maintenir les constitutions de ses prédécesseurs, il n'aurait jamais admis la moindre restriction ni exception ». De tels préambules étaient aussi explicites et formels que possible. Ils montraient, surtout si on les compare aux termes et à l'objet du formulaire d'Alexandre VII, combien les Jansénistes se trompaient en célébrant la fin de cette affaire comme le triomphe de leur théorie, comme l'acceptation par le pape lui-même de la distinction entre le droit et le fait. D'autre part tout le cours des négociations montre clairement que la loyauté de ces champions d'un code moral ferme et irréprochable était plus que douteuse. De toute façon, la secte tira profit de la confusion que ces manœuvres avaient créée pour étendre encore son influence et recevoir un soutien renforcé e plusieurs congrégations religieuses. Tout cela fut favorisé par les circonstances qui ne cessaient de changer, en particulier avec la faveur croissante pour ce qu'on appelait les Libertés de l'Église gallicane, avec pour conséquence une certaine attitude de défi, ou au moins d'indocilité, envers l'autorité suprême ; de là la Déclaration de 1682 et, finalement, l'affaire malheureuse de la Régale. Il est à remarquer que, dans ce dernier conflit, ce furent deux évêques jansénistes bon teint qui soutinrent le plus énergiquement les droits de l'Église et du Saint-Siège, tandis que le plus grand nombre de leurs collègues s'inclinait sans trop d'hésitation devant les prétentions du pouvoir civil.
- Cet article, traduit de l'anglais, renferme des portions du chapitre IV de l'article « Jansenius and Jansenismus » de la Catholic Encyclopedia (domaine public)
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