Utilisateur:Ps4/Séquence 3/IEM - Scène 9
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Séquence 3 | Le théâtre, texte et représentation. Un miroir tendu au spectateur. |
Scène IX de l'Îles des Esclaves, de Marivaux |
[modifier] Texte
IPHICRATE − Les dieux te puniront, Arlequin.
ARLEQUIN − Eh ! de quoi veux-tu qu'ils me punissent; d'avoir eu du mal toute ma vie ?
IPHICRATE − De ton audace et de tes mépris envers ton maître; rien ne m'a été aussi sensible, je l'avoue. Tu es né, tu as été élevé avec moi dans la maison de mon père; le tien y est encore; il t'avait recommandé ton devoir en partant; moi-même je t'avais choisi par un sentiment d'amitié pour m'accompagner dans mon voyage; je croyais que tu m'aimais, et cela m'attachait à toi.
ARLEQUIN, pleurant − Eh ! qui est-ce qui te dit que je ne t'aime plus ?
IPHICRATE − Tu m'aimes, et tu me fais mille injures ?
ARLEQUIN − Parce que je me moque un petit brin de toi; cela empêche-t-il que je t'aime ? Tu disais bien que tu m'aimais, toi, quand tu me faisais battre; est-ce que les étrivières sont plus honnêtes que les moqueries ?
IPHICRATE − Je conviens que j'ai pu quelquefois te maltraiter sans trop de sujet.
ARLEQUIN. − C'est la vérité.
IPHICRATE − Mais par combien de bontés ai-je réparé cela !
ARLEQUIN − Cela n'est pas de ma connaissance.
IPHICRATE − D'ailleurs, ne fallait-il pas te corriger de tes défauts ?
ARLEQUIN − J'ai plus pâti des tiens que des miens; mes plus grands défauts, c'était ta mauvaise humeur, ton autorité, et le peu de cas que tu faisais de ton pauvre esclave.
IPHICRATE − Va, tu n'es qu'un ingrat au lieu de me secourir ici, de partager mon affliction, de montrer à tes camarades l'exemple d'un attachement qui les eût touchés, qui les eût engagés peut-être à renoncer à leur coutume ou à m'en affranchir, et qui m'eût pénétré moi-même de la plus vive reconnaissance !
ARLEQUIN − Tu as raison, mon ami; tu me remontres bien mon devoir ici pour toi; mais tu n'as jamais su le tien pour moi, quand nous étions dans Athènes. Tu veux que je partage ton affliction, et jamais tu n'as partagé la mienne. Eh bien ! va, je dois avoir le cœur meilleur que toi; car il y a plus longtemps que je souffre, et que je sais ce que c'est que de la peine. Tu m'as battu par amitié : puisque tu le dis, je te le pardonne; je t'ai raillé par bonne humeur, prends-le en bonne part, et fais-en ton profit. Je parlerai en ta faveur à mes camarades, je les prierai de te renvoyer, et, s'ils ne veulent pas, je te garderai comme mon ami; car je ne te ressemble pas, moi; je n'aurai point le courage d'être heureux à tes dépens.
IPHICRATE, s'approchant d'Arlequin − Mon cher Arlequin, fasse le ciel, après ce que je viens d'entendre, que j'aie la joie de te montrer un jour les sentiments que tu me donnes pour toi ! Va, mon cher enfant, oublie que tu fus mon esclave, et je me ressouviendrai toujours que je ne méritais pas d'être ton maître.
ARLEQUIN − Ne dites donc point comme cela, mon cher patron : si j'avais été votre pareil, je n'aurais peut-être pas mieux valu que vous. C'est à moi à vous demander pardon du mauvais service que je vous ai toujours rendu. Quand vous n'étiez pas raisonnable, c'était ma faute.
IPHICRATE, l'embrassant − Ta générosité me couvre de confusion.
ARLEQUIN − Mon pauvre patron, qu'il y a de plaisir à bien faire ! Après quoi il déshabille son maître.
IPHICRATE − Que fais-tu, mon cher ami ?
ARLEQUIN − Rendez-moi mon habit, et reprenez le vôtre; je ne suis pas digne de le porter.
IPHICRATE − Je ne saurais retenir mes larmes. Fais ce que tu voudras.
[modifier] Analyse
- c'est dur
- très belle analyse...
Romain Nibourel