Service d'action civique
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Le SAC (Service d'action civique) a été de 1960 à 1981 une association loi 1901 au service du général De Gaulle puis de ses successeurs gaullistes, mais souvent qualifiée de police parallèle, créée à l'origine pour constituer une "garde de fidèles" dévouée au service inconditionnel du "Général" après son retour aux affaires en 1958. Ses statuts précisent seulement qu'il est une "association ayant pour but de défendre et de faire connaître la pensée et l'action du général de Gaulle". Il a pour ancêtre le service d'ordre du Rassemblement du peuple français, qui s'était déjà illustré dans des affrontements parfois violents face aux communistes.
Parmi les membres de ce service un grand gaillard se distingue : Pierre Debizet qui est un ancien de la France libre (réseau Libération Nord et BCRA). Il y aussi d'autres gaullistes de la première heure comme Jacques Foccart ou Christian Fouchet. Tous se retrouveront dans le SAC.
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[modifier] Historique
Le SAC est officiellement créé le 4 janvier 1960, date de son enregistrement à la préfecture de Paris, dans le but d'apporter un soutien inconditionnel à la politique du général De Gaulle. Il est dirigé par Pierre Debizet mais le vrai patron est certainement Jacques Foccart, confident de De Gaulle.
Il recrute parmi les militants gaullistes mais aussi dans le milieu. Parmi ses fondateurs, on trouve Charles Pasqua mais aussi son ami Étienne Leandri, ancien collaborateur notoire (il a porté l'uniforme de la Gestapo) reconverti dans le trafic de drogue et protégé par la CIA pour ses activités anti-communistes. Beaucoup de voyous de l'époque se sont promenés avec une carte du SAC, tels Jo Attia ou Christian David (dit « Le Beau Serge »), certains éléments de la pègre avaient choisi en 1940/44 la Résistance, voire été déportés ce qui avait créé des liens.
Le SAC a toujours eu une existence indépendante du parti gaulliste. Il incarnait le général et uniquement le général sans l'intermédiaire des partis. C'était le « bon dieu sans les curés » (cf. Rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée Nationale).
Lors du changement de cap du général de Gaulle au sujet de la crise algérienne, beaucoup de membres du SAC favorables ou militants de l'Algérie française démissionnent. En particulier Pierre Debizet laisse la place à Paul Comiti, un garde du corps du général De Gaulle, à la tête du service. Il ne sera, à une ou deux unités près, dans les mouvements armés que les gaullistes vont lancer contre l'O.A.S., en particulier en Algérie.
À partir de cette période où les grognards du gaullisme partent, le recrutement est de moins en moins sérieux, ce qui permet à beaucoup de personnes peu recommandables de rentrer au service. Les « incidents » vont alors se multiplier :
- En 1965, le SAC est soupçonné d'avoir participé à l'enlèvement du chef de l'opposition marocaine Mehdi Ben Barka. Par ailleurs, Jaqueline Hémard et Ali Bourequat, relayé par le réseau Voltaire, ont accusé le SAC de s'être financé par des trafics de stupéfiants au Maroc.
- En mai 1968, les membres du SAC déguisés en ambulanciers ramassent des manifestants pour aller les tabasser au sous sol de leur QG, rue de Solférino. Ils préparent la contre-manifestation en faveur de De Gaulle.
- C'est le SAC qui a expulsé des maisons des Jeunes divers mouvements et associations (Maoiste, Katangais) après les élections de juin 1968.
- Le SAC a créé l'UNI pour contrer la « subversion gauchiste » dans le milieu universitaire. L'organisation de Debizet a aidé jusqu'en 1976 le syndicat étudiant dans toutes ses démarches d'autant plus que beaucoup de militants avaient leurs cartes dans les deux organisations. Après 1976, la double appartenance existe, mais les organisations ont une direction distincte.
- Face à tous ces problèmes, Foccart rappelle Pierre Debizet à la tête du SAC pendant les événements de mai 1968. Il décide de remplacer la carte de membre qui ressemble trop à une carte de police et exige de chaque membre un extrait de casier judiciaire.
- Dans les années 1970, Patrice Chairoff publie dans Libération un plan du SAC prévoyant l’internement de gauchistes dans des stades. Ce document est attribué au marseillais Gérard Kappé, un lieutenant de Charles Pasqua qui hurle au faux[1].
- Le rôle principal mais méconnu du SAC est la surveillance du parti gaulliste : le responsable départemental du SAC est membre de droit du comité départemental de l'UNR, puis de l'UDR et du RPR, qu'il soit ou non adhérent du parti (il ne l'est souvent pas). C'est par ce biais que Jacques Foccart est si bien informé et les notes transmises à Debizet par ses responsables départementaux permettent plusieurs fois la mise en cause préventive de cadres ou d'élus indélicats et de les pousser vers la porte avant que la justice ne s'en mêle. En 1975, Jacques Chirac aurait été président du SAC, selon Daniele Ganser (2005).
Malgré l'épuration effectuée en 1968-1969, de 1968 à 1981, ses membres auront des ennuis avec la justice pour :
- « coups et blessures volontaires, port d'armes, escroqueries, agressions armées, faux monnayage, proxénétisme, racket, incendie volontaire, chantage, trafic de drogue, hold-up, abus de confiance, attentats, vols et recels, association de malfaiteurs, dégradation de véhicules, utilisation de chèques volés, outrages aux bonnes mœurs. » (François Audigier, Histoire du SAC, p. 462).
L'observation du mouvement laisse à penser que la théorie des "deux SAC" developpée en manière de défense par certains adhérents pourrait avoir une part de vérité, la coexistence sous une même étiquette d'une part de groupes gaullistes très droitiers et activistes, recrutant des personnes souvent honorables (un magistrat de l'Est de la France, un certain nombre de militants ouvriers souvent liés aux syndicats indépendants (CGSI, CFT, CSL) et d'autre part une série d'individus aux franges du renseignement, du banditisme et de l'extrême-droite (voire des trois), utilisés pour des "coups" peu recommandables.
[modifier] La fin du SAC : la tuerie d'Auriol
Pierre Debizet, responsable du SAC arrive à Marseille en mai 1981 car il s'inquiète des rivalités entre les membres locaux de son organisation. Jacques Massié, inspecteur de police et responsable local du SAC est accusé de détournement de fonds par ceux qui l'ont assassiné. Il était en réalité un policier de bon niveau et devait prendre la tête du SAC des Bouches-du-Rhône avec le soutien de Pierre Debizet. Quelques temps plus tard, Massié et toute sa famille furent assassinés. Au bout de seulement quelques semaines, les meurtriers furent arrêtés. Pierre Debizet est inquiété par la justice mais sans suite pénale. Les assassins sont en revanche condamnés à de lourdes peines. Une commission d'enquête parlementaire (uniquement composée de membres de la majorité de gauche, la droite ayant refusé d'y siéger) est constituée mais ne décide pas de demander la dissolution du SAC. Cette question est cependant abordée par le parlement. Elle est obtenue en 1982.
[modifier] Ses "successeurs"
Quand le SAC est dissous par la gauche en 1982, de nouvelles structures apparaissent.
[modifier] Solidarité et défense des libertés
Certains, lors de la période de flottement du SAC, voulurent récupérer cette organisation qui a toujours existé de façon autonome par rapport aux différents partis gaullistes. Charles Pasqua est l'un d'eux.
Le futur ministre de l'Intérieur créa à cette occasion « Solidarité et défense des libertés » qui rassemblait des membres du RPR, de l'UDF, des anciens du SAC et même de certains mouvements très à droite comme le Parti des forces nouvelles (PFN).
Ce descendant du SAC n'a pas eu une existence très importante. À la suite de l'attentat de la rue Marbœuf, le mouvement pasquaien précité organisera une manifestation où des militants du Centre national des indépendants et paysans (CNIP) et du PFN se distingueront. Ce mouvement sera vite dissous.
Il ne faut pas oublier que Charles Pasqua avait été exclu du SAC sur ordre de Jacques Foccart au début de 1969 pour avoir tenté d'en prendre le contrôle à la faveur des événements de mai 1968. Contrairement à la légende, Pasqua était généralement mal vu du SAC.
[modifier] Le MIL
Le MIL a été créé par Pierre Debizet après l'élection présidentielle de 1981 mais avant la dissolution du Service d'action civique, ce n'est donc pas une résurgence directe du SAC mais une structure créée en marge de l'UNI, afin de permettre à ses anciens entrés dans la vie professionnelle d'avoir une structure d'accueil qui soit plus proche des milieux universitaires que le SAC.
[modifier] Références
-Le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur le SAC, en deux volumes, éditions Alain Moreau, 1982
- Daniele Ganser, Operation Gladio and Terrorism in Western Europe (Franck Cass, London, 2005).
- ↑ cité par Le Nouvel Observateur, 15 octobre 2005
[modifier] Livres et Films concernant le SAC
- S.A.C., des hommes dans l'ombre diffusé sur Canal+.
- François Audigier, Histoire du SAC, la part d'ombre du gaullisme, Stock, 2003
- Alex Panzani, La tuerie d'Auriol, J'ai lu, Crimes et enquètes.
- J'ai vu tuer Ben Barka, film de Serge Le Peron, 2005
- Benjamin Biale, "Le service d'action civique : 1958-1968.", Mémoire IEP Aix-en-Provence 1997