Calcul de marée
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Le calcul de marée est la méthode utilisée en navigation maritime pour estimer la hauteur d'eau, dans un lieu et à un instant donné, en prenant en compte l'influence de la marée.
Les marées sont le résultat de l'attraction de la lune et du soleil sur les mers et océans.
Cette attraction varie avec le déplacement relatif du soleil et de la lune par rapport à la terre. Elle est au plus fort quand le soleil et la lune sont en conjonction ou en opposition c'est à dire au moment de la pleine lune et de la nouvelle lune. Du fait de l'inertie des océans, il s'écoule, selon les lieux, entre 1 et 5 jours avant que la variation de l'attraction fasse effet sur la force de la marée. Ainsi sur les côtes francaises, les marées les plus fortes (vives eaux) ont lieu 36 heures après les syzygies : conjonctions ou oppositions de la lune et du soleil.
Sommaire |
[modifier] Un peu de théorie
[modifier] Le potentiel de générateur
La présence de la Lune et du Soleil, et leur mouvement, sont à l'origine de forces de gravitation qui génèrent la marée. La force génératrice de la marée dérive d'un potentiel que nous allons décrire ici.
La distance de la terre à la lune est d'environ 300 000 km alors que le rayon de la terre est d'environ 6000 km. La terre peut donc être représentée par un point matériel placé au centre de notre globe et affecté de toute la masse terrestre. Cependant l'attraction que subit une particule en un point quelconque du globe diffère en amplitude et en phase.
Notons Π, le potentiel dont dérive la force génératrice de la marée. Dans un repère géocentrique on écrit ce potentiel appliqué à un point P de la surface du globe, affecté des coordonnées (a,λ,φ) sous la forme :
(eq : 1.1)
avec :
- G, la constante de gravitation
- MLune, la masse de l'astre perturbateur
- d, la distance entre le point P(a,λ,φ) et l'astre perturbateur
- RLune, la distance entre le centre de la terre et l'astre perturbateur
- a, le rayon de la terre
- ψ, l'angle zénithal de l'astre perturbateur au point P(a,λ,φ)
On peut exprimer d en fonction de a, RLune et ψ par la relation de Pythagore (voir figure représentation Terre - Lune) :
(eq : 1.2)
si on exprime 1/d, l'équation précédente (eq 1.2) devient :
(eq : 1.3)
La lune et le soleil sont les seuls astres dont l'influence est notable dans la génération des marées, l'un en raison de sa proximité, l'autre en raison de sa masse.
Le terme a / RLune vaut environ 1 / 60 pour la lune et 1 / 2,5.104 pour le soleil. On peut donc estimer que :

Il devient donc possible, avec cette supposition de décomposer (eq 1.3) sous la forme d'une somme de polynômes de Legendre.

avec les polynômes de Legendre définis par :
Si on se limite à l'ordre 2 qui représente déjà 98% du signal [Thèse de LeProvost 1973], on peut écrire le potentiel (eq 1.1) sous la forme :
(eq : 1.4)
On donne les coordonnées (RLune,λLune,φLune) à l'astre et les coordonnées (RP,λP,φP) au point du globe P, on peut donc exprimer cos(ψ) sous la forme :

L'équation (eq 1.4) devient alors :


![+\cos (2\phi_{Lune})\cos (2\phi_{P}) \cos2(\lambda_{P}-\lambda_{Lune}) \Big]](../../../math/c/7/3/c73b3ed2bb54daeed60d3af6a9af61dd.png)
Si on détaille chacun des trois termes de l'équation (eq 1.5), et que l'on ne considère que le mouvement de rotation de la Terre en un jour, nous pouvons obtenir les termes de génération des premières ondes de marée.
En effet :
- Le terme
effectue deux périodes lors d'une rotation de l'angle (λP − λLune) de 2π (rotation de la terre en 1 jour), il décrit donc une fonction semi-diurne.
- Le terme
n'effectue qu'une période lors d'une rotation, il décrit donc une formule diurne.
- Enfin le terme
ne dépend pas de la longitude mais uniquement de la latitude de l'astre et du point de mesure, ce terme varie en fonction du mouvement de déclinaison de l'astre (période > > 24h), il décrit donc une fonction longue période.
Nous ne développerons pas d'avantage ici le potentiel en fonction de tous les mouvements orbitaux des deux astres perturbateurs. Nous ne citerons que les travaux de Darwin :
- En 1883, il a effectué ce précédent calcul et a extrait 59 termes solaires et 32 termes lunaires. Ce travail est repris par Doodson qui a déduit près de 400 termes et plus récemment par bien d'autres chercheurs notamment Schureman en 1958.
Ce sont Darwin et Doodson qui ont nommé les termes du développement du potentiel, ces noms sont toujours utilisés pour nommer les ondes. Les noms correspondent à un assemblage d'informations, ainsi M2 vient de M (Moon) un terme lunaire et 2 un terme semi-diurne, il en est de même pour l'onde solaire S2.
[modifier] L'onde de marée
L'attraction de la lune et du soleil crée une onde de marée qui, en se propageant, crée le phénomène de marée. La vitesse de propagation est élevée dans les eaux profondes (400 nœuds en Atlantique), beaucoup plus faible dans les eaux peu profondes (30 nœuds en Manche). Cette vitesse détermine le décalage des horaires de haute mer en différents lieux.
[modifier] La forme de la marée
L'ampleur et la périodicité de la marée dépendent du lieu : ils sont déterminés par de nombreux facteurs dont la taille du bassin maritime, sa profondeur, le profil des fonds marins, l'existence de bras de mer, la latitude, etc. Dans certaines mers, comme la Méditerrannée, tous ces facteurs sont à l'origine d'une marée tellement faible qu'elle peut être négligée. Ailleurs les marées peuvent atteindre plus de 10 mètres de marnage.
Selon le lieu, du fait des caractéristiques ci-dessus, on distingue des marées de 3 types :
- semi-diurne : 2 pleines mers et 2 basses mer ont lieu chaque jour. Il existe 2 variantes, les 2 marées peuvent être d'ampleur identique ou différente.
- diurne : 1 pleine mer et 1 basse mer par jour
- mixte : en fonction de la position de la lune, la marée est de type semi-diurne ou diurne dans ce lieu.
[modifier] La prédiction des marées
La marée peut être calculée longtemps à l'avance puisqu'elle dépend uniquement de caractéristiques constantes :
- les trajectoires respectives de la Terre, de la Lune et du Soleil,
- la configuration de la mer et des côtes.
Par des observations répétées, les services chargés de prédire les marées (en France, le SHOM), ont mis au point des modèles permettant de calculer à l'avance les horaires et les hauteurs des marées futures.
[modifier] Les caractéristiques d'une marée
Une marée, en un lieu et à une date et une heure données, est définie par :
- son marnage, c'est-à-dire la différence de hauteur d'eau entre la Pleine Mer et la Basse Mer exprimée en mètres,
- l'heure de la Pleine Mer (abrégée en PM) et celle de la Basse Mer (abrégée en BM).
[modifier] Effectuer le calcul d'une marée dans les eaux de l'Atlantique et de la Manche en France
[modifier] Les marées en France
Les marées en France sont de type semi-diurne, ce qui signifie qu'il y a deux marées hautes et deux marées basses en 24 heures (en réalité, 25 heures en moyenne). Les deux marées qui se succèdent dans la journée ont une amplitude similaire.
Par exemple, le 4 février, les horaires des marées à Saint-Malo sont les suivants :
- Marée basse : 5h53 : 2,25 m,
- Marée haute : 11h16 : 11,30 m,
- Marée basse : 18h16 : 2,40 m,
- Marée haute : 23h35 : 10,65 m.
Les coefficients de ces marées sont respectivement de 74 et 69.
[modifier] Le coefficient de marée
En France, l'ampleur de la marée par rapport à sa valeur moyenne est indiquée par le coefficient de la marée qui prend une valeur comprise entre 20 et 120. La valeur 100 est associée à une amplitude d'une marée fixée arbitrairement par le SHOM.
- Une marée de coefficient supérieur à 90 est qualifiée de marée de vives eaux.
- Une marée de coefficient inférieur à 50 est qualifiée de marée de mortes eaux.
Remarque : le coefficient de marée est identique dans un bassin donné à une date donnée (par exemple, les côtes de la Manche et de l'Atlantique) car elles sont touchées par la même onde de marée alors que le marnage varie car il dépend de la configuration de la zone côtière.
[modifier] Le référentiel utilisé pour les hauteurs de marée
Les hauteurs de marée sont indiquées en France par rapport au 0 des basses mers qui est le niveau le plus bas que peut atteindre théoriquement la mer, soit la hauteur d'eau à la marée basse d'une marée de coefficient 120 (coefficient de marée le plus élevé).
[modifier] La règle des douzièmes
Le niveau de la mer varie lentement au début de la marée, est au plus fort à mi marée et se réduit en fin de marée.
On peut simuler cette évolution sinusoïdale en appliquant la règle des douzièmes :
Si on divise en 6 unités de temps la période qui s'écoule entre marée basse et marée haute la variation relative du niveau des eaux est approximativement de 1/12 durant la première unité de temps, 2/12 la deuxième unité de temps, puis 3/12, 3/12, 2/12, 1/12 (soit 1/12, 3/12, 6/12, 9/12, 11/12, 12/12).
Le sixième de marée est appelé "heure de marée" ou "heure-marée"
Appliqué à la première marée montante du 4 février à Saint-Malo, on obtient :
- Heure marée basse : 5h53 Marée haute : 11h16 soit 323 minutes; Heure de marée : 54 minutes
- Hauteur d'eau à marée basse : 2,25 m, hauteur à marée haute : 11,3 m; la différence est de 9,05 mètre ==> 1/12 = 75,42 cm
Ce qui donne le tableau suivant des hauteurs d'eau :
Heure | Hauteur | Variation relative | soit une hauteur de | État de la marée |
5h53 | 2,25 m. | marée basse | ||
6h47 | 3 m | +1/12 | 1/12 du marnage | |
7h41 | 4,51 m. | +2/12 | 3/12 = 1/4 du marnage | 1/4 de la marée |
8h35 | 6,78 m. | +3/12 | 6/12 = 1/2 du marnage | mi-marée |
9h29 | 9,04 m. | +3/12 | 9/12 = 3/4 du marnage | 3/4 de la marée |
10h23 | 10m55 | +2/12 | 11/12 = marnage - 1/12 | |
11h16 | 11,30 m. | +1/12 | 12/12 = marnage | marée haute |
[modifier] La méthode graphique du demi-cercle
Sur le même principe que la méthode des douzièmes qui est une approximation d'une courbe sinusoïdale, on peut graphiquement trouver une hauteur d'eau en fonction de l' "heure de marée" et vice-et-versa en dessinant un demi-cercle.
Soit un demi-cercle :
- les 6 heures de marées sont disposées tous les 30°
- le diamètre represente le marnage.
La projection sur le diamètre (le cosinus) correspond à la hauteur d'eau.
- 0° = marée basse
- 30° = une heure de marée
- 60° = deux heures de marée = 1/4 du marnage
- 90° = trois heures de marée = 1/2 du marnage
- 120° = quatre heures de marée = 3/4 du marnage
- 150° = cinq heure de marée
- 180° = marée haute
[modifier] Les corrections
Les horaires, les coefficients et les hauteurs d'eau des marées sont fournis dans l'Annuaire des Marées des guides nautiques pour les ports principaux.
Pour des ports dit rattachés comme Cancale, les heures et les hauteurs des marées se déduisent des caractéristiques de la marée du port principal dont ils sont proches (Saint-Malo) en appliquant des corrections (par exemple +5 minutes et +0,75 cm); ces données sont indiquées pour les marées de vives eaux et de mortes eaux (on interpole pour les marées moyennes).
[modifier] Le calcul
Pour calculer la hauteur d'eau, la démarche est donc la suivante :
- Relever la hauteur indiquée sur la carte. Cette hauteur est celle correspondant au 0 des basses mers. Elle peut être positive ou négative (dans ce dernier cas à marée basse vous êtes susceptible d'être "à sec").
- Rechercher le port principal (au sens de l'annuaire des marées) le plus proche.
- Relever les caractéristiques de la marée dans ce port : hauteur, heures des marées basses et hautes, coefficient
- Calculer la hauteur pour ce port à l'heure souhaitée selon la règle des douzièmes
- Si on est plus près d'un port rattaché, appliquer la correction associé à ce port rattaché
- Modifier le résultat obtenu (en retranchant ou ajoutant) si la pression atmosphérique est sensiblement différente de la pression moyenne (1013 hectopascals).
- Ajouter la hauteur obtenue à la hauteur d'eau lue sur la carte
[modifier] Incidence des conditions météorologiques
Certains phénomènes atmosphériques peuvent avoir une influence sur la hauteur de la marée :
- Lorsque la pression atmosphérique est basse, la hauteur atteinte par la marée est supérieure à celle prévue ; au contraire, lorsque la pression atmosphérique est élevée, elle est inférieure :
- + 0,40 mètre à 973 hectopascals,
- - 0,20 mètre à 1023 hectopascals.
- Un vent très violent et constant soufflant du large peut entraîner une hausse supplémentaire du niveau de la mer pouvant aller jusqu'à 1 mètre. Inversement, un vent de terre abaisse le niveau.
[modifier] Quelques exemples de marée en France
En France, la marée est très faible en Méditerrannée. Elle est maximale dans la région de Saint-Malo / Granville et va décroissant en descendant le long de la côte attlantique. En voici quelques exemples :
Vives Eaux Marée : coefficient 116 (1er mars 2006). 116 est le plus gros coefficient de marée de l'année 2006.
- Port : Saint-Malo :
- Marée Haute : 13,15 m
- Marée Basse : 0,20 m.
- Port : La Rochelle :
- Marée Haute : 8,70 m
- Marée Basse : 0,25 m.
Mortes Eaux : coefficient 28. 28 est le plus petit coefficient de marée de l'année 2006.
- Port : Saint-Malo :
- Marée Haute : 8,30 m
- Marée Basse : 5,20 m.
[modifier] Le courant de marée
- Article détaillé : Courant de marée.
Le déplacement des eaux par la marée génère le long des côtes des courants dont la force dépend du moment de la marée, de l'ampleur locale de la marée et de la configuration des lieux. En France les courants de marée les plus puissants sont rencontrés dans le Raz Blanchard où leur vitesse peut atteindre 12 nœuds en vives eaux.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens externes
- Horaires des Marées, prédictions à 7 jours
- Prédictions de marées avec courbes pour les ports européens.
- [1] Shom calcul des marées
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