Charles de Saint-Évremond
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Charles Marguetel de Saint-Denis, seigneur de Saint-Évremond, né vers 1614 à Saint-Denis-le-Gast et décédé en 1703 à Londres, est un moraliste et critique libertin français.
[modifier] Vie
Ce soldat lettré et homme du monde connut tout d’abord une brillante carrière militaire dans l’état-major du prince de Condé sous le duc d’Enghien et sous le maréchal d’Hocquincourt jusqu’à la Fronde. Ayant pris le parti de la Cour, dont il devint maréchal de camp en 1652, c’est à la suite de la découverte en 1661 de sa Lettre au marquis de Créqui sur la paix des Pyrénées (1659) critiquant Mazarin, qu’il est disgracié puis obligé de s’exiler. Il se réfugie en Hollande, puis en Angleterre où la cour et la ville lui firent très bon accueil. Il y mena une vie d’épicurien, fréquentant l’élite de l’aristocratie et des gens de lettres. L’usage du français était si répandu à l’époque en Angleterre que Saint-Évremond ne se donna la peine d’apprendre de l’anglais que ce dont il avait besoin pour la vie quotidienne et les relations avec les paysans, lorsqu’il résidait à la campagne. Ses mœurs n’étaient peut-être pas étrangères non plus à sa disgrâce. Il aurait été le destinataire d’une des Lettres de Cyrano de Bergerac adressée sous le nom « Mademoiselle de Saint-Denis ». Lui-même a fait allusion à la raison pour laquelle le séjour de l’Angleterre lui paraissait désormais préférable à celui de la France :
- J’ai vu le temps de la bonne Régence,
- Temps où régnait une heureuse abondance
- Temps où la ville aussi bien que la cour
- Ne respiraient que les jeux et l’amour.
- Une politique indulgente
- De notre nature innocente
- Favorisait tous les désirs
- Tout goût paraissait légitime
- La douce erreur ne s’appelait point crime.
- Les vices délicats se nommaient des plaisirs.
Lorsque Louis XIV l’autorisera enfin à rentrer en France en 1689, il préférera finir sa vie à Londres.
[modifier] Œuvre
À l’exception de sa Comédie des académistes raillant les suppressions effectuées sur la langue par l’Académie française, ses œuvres furent, de son vivant, diffusées clandestinement. Elles ne furent éditées qu’après sa mort. Par bien des aspects, l’incrédulité et le scepticisme qui transparaissent chez celui qui se définit lui-même comme « un philosophe également éloigné du superstitieux et de l’impie ; un voluptueux qui n’a pas moins d’aversion pour la débauche que d’inclination pour les plaisirs » laissent présager les tendances philosophiques qui caractériseront les Lumières au siècle suivant. Ses écrits dénotent une tolérance et une indépendance d’esprit qui en font l’un des principaux représentants du courant libertin du XVIIe siècle. Saint-Évremond y apparaît comme le type même de l’idéal de l’« honnête homme » recherché par son siècle. L’incrédulité religieuse caractérisa cet épicurien bien moins convaincu de l’immortalité de l’âme que de l’authenticité de la bonne chère et ses savantes beuveries. La meilleure de ses œuvres est la « Conversation du maréchal d’Hocquincourt avec le père Canaye » qui est une merveille d’esprit et de raillerie. Son œuvre historique, les Réflexions sur les divers génies du peuple romain (1663) inspira les théories de Montesquieu. Dans ses opuscules, Saint-Évremond a abordé divers thèmes allant de la littérature dans Sur nos comédies, De quelques livres espagnols, italiens et français, Réflexions sur la tragédie ancienne et moderne et Défense de quelques pièces de Corneille, à l’histoire contemporaine dans Parallèle de M. le Prince et de M. de Turenne. C’est sans conteste dans son abondante correspondance que celui-ci a livré le meilleur d’une pensée marquée au sceau de l’indépendance, du scepticisme, parfois de l’ironie qui refusait tout esprit de système. L’écriture resta néanmoins un divertissement pour Saint-Évremond qui ne se préoccupa jamais de faire publier ses œuvres. Il s’éteindra à plus de quatre-vingt-dix ans sans se départir de la philosophie qui l’avait toujours caractérisé en refusant à plusieurs reprises la visite tant des prêtres que des pasteurs. Il sera malgré tout inhumé à l’abbaye de Westminster.
[modifier] Bibliographie non exhaustive
- Œuvres mêlées (1643-1692),
- Les Académistes (1650)
- Retraite de M. le duc de Longueville en Normandie
- Lettre au marquis de Créqui sur la paix des Pyrénées (1659)
- Conversation du maréchal d’Hocquincourt avec le Père Canaye
- Réflexions sur les divers génies du peuple romain (1663)
- Seconde partie des œuvres meslées (1668),
- Sur nos comédies
- De quelques livres espagnols, italiens et français
- Réflexions sur la tragédie ancienne et moderne
- Défense de quelques pièces de Corneille
- Parallèle de M. le Prince et de M. de Turenne
- Discours sur Épicure
- Pensées sur l’honnêteté
- Considérations sur Hannibal
- Jugement sur Tacite et Salluste
- L’idée de la femme qui ne se trouve point
- Jugement sur les sciences où peut s’appliquer un honnête homme
- Dissertation sur la tragédie d’Alexandre
- Fragment d’une lettre écrite de La Haye
- De la seconde guerre punique
- De l’éloquence, tirée de Pétrone
- La matrone d’Éphèse
[modifier] Éditions
- Les Opéra, Éd. Robert Finch et Eugène Joliat, Genève, Droz, 1979
- Œuvres en prose, Éd. René Ternois, Paris, Didier, 1962
- La Comédie des académistes, Éd. Louis d'Espinay Ételan, Paolo Carile et al., Paris, Nizet, 1976
- Entretiens sur toutes choses, Éd. David Bensoussan, Paris, Desjonquères, 1998 ISBN 2843210100
- Écrits philosophiques, Éd. Jean-Pierre Jackson, Paris, Alive, 1996 ISBN 2911737016
- Réflexions sur les divers génies du peuple romain dans les divers temps de la république, Napoli, Jovene, 1982
- Conversations et autres écrits philosophiques, Paris, Aveline, 1926
- Lettres, Éd. intro. René Ternois, Paris, Didier, 1967
- Maximes et œuvres diverses, Paris, Éditions du Monde Moderne, 1900-1965
- Pensées d’Épicure précédées d'un Essai sur la morale d’Épicure Paris, Payot 1900
[modifier] Œuvres en ligne
- Discours sur Épicure, Paris, C. Barbin, 1684
- Œuvres meslées de M. D. *** de S. Evremont Tome I Tome II Tome III Tome IV Tome V Tome VI Tome VII Tome VIII Tome IX Tome X Tome XI, Paris, C. Barbin, 1693
- Les académistes : comédie, Paris, Charavay frères, 1879
[modifier] Références
- Antoine Adam, Les Libertins au XVIIe siècle, Paris, Buchet/Chastel 1964
- Patrick Andrivet, Saint-Évremond et l'histoire romaine, Orléans, Paradigme, 1998 ISBN 2868781845
- H.T. Barnwell, Les Idées morales et critiques de Saint-Évremond : essai d'analyse explicative, Paris, PUF, 1957
- Patrice Bouysse, Essai sur la jeunesse d'un moraliste : Saint-Évremond (1614-1661), Seattle, Papers on French Seventeenth Century Literature, 1987
- Gustave Cohen, Le Séjour de Saint-Évremond en Hollande, Paris, Champion, 1926
- Walter Daniels, Melville Saint-Évremond en Angleterre, Versailles, L. Luce, 1907
- Soûad Guellouz, Entre Baroque et lumières : Saint-Évremond (1614-1703) : colloque de Cerisy-la-Salle (25-27 septembre 1998), Caen : Presses universitaires de Caen, 2000 ISBN 2841331113
- Suzanne Guellouz, Saint-Évremond au miroir du temps : actes du colloque du tricentenaire de sa mort, Caen - Saint-Lô (9-11 octobre 2003), Tübingen, Narr, 2005 ISBN 3823361155
- Célestin Hippeau, Les Écrivains normands au XVIIe siècle : Du Perron, Malherbe, Bois-Robert, Sarasin, P. Du Bosc, Saint-Évremond, Genève, Slatkine Reprints, 1970
- Mario Paul Lafargue, Saint-Évremond ; ou, Le Pétrone du XVIIe siècle, Paris, Société d'éditions extérieures et coloniales, 1945
- Gustave Merlet Saint-Évremond : étude historique morale et littéraire; suivie de fragments en vers et en prose, Paris, A. Sauton, 1870
- (it) Luigi de Nardis, Il Cortegiano e l’eroe, studio su Saint-Évremond, Firenze, La Nuova Italia Editrice, 1964
- Léon Petit, La Fontaine et Évremond : ou, La tentation de l'Angleterre, Toulouse, Privat, 1953
- Jacques Prévot, Libertins du XVIIe siècle, v. 2, Paris, Gallimard, 1998-2004 ISBN 2070115690
- (de) Gottlob Reinhardt, Saint-Évremonds Urteile und Gedanken üer die alten Griechen und Römer, Saalfeld am Saale, 1900
- Léonard A.Rosmarin, Saint-Évremond : artiste de l'euphorie, Birmingham, Summa Publications, 1987 ISBN 0917786521
- Albert-Marie Schmidt, Saint-Évremond ; ou, L'humaniste impur, Paris, Éditions du Cavalier, 1932
- K. Spalatin, Saint-Évremond, Zagreb, Thèse de doctorat de l’Université de Zagreb, 1934
- Claude Taittinger, Saint-Évremond, ou, Le bon usage des plaisirs, Paris, Perrin, 1990 ISBN 2262007659
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