Histoire de Cambrai
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
Grandes Chroniques de France, enluminées par Jean Fouquet, Tours, vers 1455-1460.
Le 22 décembre 1378, l'empereur Charles IV et son fils Wenceslas rencontrent l'évêque et les bourgeois de Cambrai.
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[modifier] Antiquité
On sait peu de choses des origines de Cambrai. La première mention connue de Camaracum (ou Camaraco) est celle de la table de Peutinger (une carte des voies romaines) au milieu du IVe siècle[1]. C'est un bourg rural (vicus) et une étape importante au croisement des voies qui relient Amiens à Bavay et Arras à Vermand. À cette époque, la capitale de la cité des Nerviens, une des tribus belges du nord-est de la Gaule à laquelle appartient Camaracum, est Bavay.
Au milieu du IVe siècle l'avance des Francs vers le sud amène les Romains à construire des forts le long des routes Cologne-Bavay-Cambrai et Cambrai-Boulogne. Cambrai se trouve alors occuper une position stratégique importante et au début du Ve siècle la ville est mentionnée comme chef-lieu civil et religieux de la cité des Nerviens, supplantant Bavay qui était probablement trop exposée aux raids francs et peut-être déjà trop endommagée. C'est à cette époque également que le christianisme arrive dans la région : au milieu du IVe siècle, un évêque des Nerviens, nommé Superior, aurait été signalé à Cambrai ou à Bavay[2].
En 430, commandés par le roi Clodion le Chevelu, les Francs Saliens s'emparent de la ville. Elle devient alors la capitale d'un petit royaume. Au début du VIe siècle, selon une légende non vérifiée, Clovis unifie les royaumes francs en éliminant l'un après l'autre ses parents, parmi lesquels son neveu Ragnacaire (Regnacharius) qui régnait alors à Cambrai. La ville est définitivement rattachée au royaume des Francs.
[modifier] Moyen-Âge
[modifier] L'époque mérovingienne
C'est à l'époque mérovingienne, marquée par une longue période de paix, que Cambrai devient véritablement une ville. Clovis charge (saint) Vaast, son catéchiste, de ré-évangéliser le nord de la Gaule. Celui-ci meurt en 540 après avoir unifié les deux évêchés d'Arras et de Cambrai. L'un des ses successeurs, (saint) Wédulphe, transfère le siège épiscopal à Cambrai. Au cours de son long épiscopat, (saint) Géry, mort vers 625, fonde des églises où il fait déposer des reliques et construit un palais épiscopal. (Saint) Aubert poursuit son oeuvre, si bien qu'à la fin du VIIe siècle le bourg rural a pris l'aspect d'une véritable ville qui comporte plusieurs églises.
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La bataille livrée par Charles Martel contre Rainfroi et Chilpéric II le 21 mars 718 à Vinchy, près de Cambrai, marque la fin de la dynastie mérovingienne.
[modifier] L'époque carolingienne
Le traité de Verdun de 843 qui partage l'empire de Charlemagne marque le début d'une période de troubles pour Cambrai. Le comté de Cambrésis est inclus dans le royaume de Lothaire (Lotharingie). Repris par Charles le Chauve à la mort de Lothaire, il est définitivement rattaché au Saint Empire romain germanique par Henri l'Oiseleur en 925. En conséquence l'Escaut devient pour huit siècles la frontière entre le royaume de France et l'Empire, situation qui fera de Cambrai l'enjeu d'affrontements perpétuels entre ses voisins.
La ville, qui continue à prospérer, est envahie et pillée par les Normands (850 et 880) et assiégée par les Hongrois (953). Elle est aussi le théâtre des rivalités entre le comte et l'évêque, jusqu'à ce qu'un arbitrage d'Otton Ier en 948 fasse de l'évêque le comte de la ville. En 1007 l'empereur Henri II fera de l'évêque le comte de tout le territoire du Cambrésis. Dès lors l'évêque cumule les pouvoirs spirituel et temporel; Cambrai et le Cambrésis deviennent une principauté ecclésiastique, comme celle de Liège, indépendante mais rattachée au Saint-Empire.
En 958, Cambrai voit naître l'une des premières communes en Europe: ses habitants se révoltent contre l'évêque allemand Bérenger en lui refusant l'entrée de la ville. Cette rébellion sera sévèrement réprimée mais l'affrontement entre évèque et bourgeois reprendra au Xe siècle.
[modifier] Essor économique et culturel
[modifier] Les luttes communales
Du XIe au XIIIe siècle les affrontements se succèdent entre la population et l'évêque : la commune proclamée en 1077 est réprimée dans le sang. En 1102 l'évêque concède une nouvelle charte aux habitants, supprimée dès 1107. Toutefois, en fait sinon en droit, la population conserve son organisation communale. En 1226, après une nouvelle période de troubles, les « bourgeois » doivent finalement renoncer à leurs chartes, à leur commune, et détruire leur beffroi. Mais l'évêque Godefroid impose en novembre 1227 une loi qui, tout en faisant la part belle aux droits seigneuriaux, ménage en fait les droits des habitants: loi si équilibrée qu'elle ramène la paix et établit pour longtemps le droit municipal.
[modifier] L'activité économique
Malgré ces commotions la ville prospère et s'agrandit considérablement: dès le XIe siècle ses murailles ont atteint le périmètre qu'elles conserveront jusqu'au XIXe siècle. La production de textiles (draps, guède, toile de lin ou batiste) se développe: Cambrai fait partie de la Hanse des XVII villes visant à faciliter le commerce avec les foires de Champagne et Paris.
[modifier] La guerre de Cent Ans
Même si l'évêque a toujours affirmé l'indépendance de son petit État de Cambrésis, coincé entre de puissants voisins capables de l'écraser rapidement (comté de Flandre, comté de Hainaut et royaume de France), un tel vœu de neutralité n'est pas chose aisée à garantir, et surtout pas durant la guerre de Cent Ans. En 1339 le roi Édouard III d'Angleterre doit se retirer après avoir vainement assiégé la ville. Au XVe siècle, le comté de Cambrésis étant cerné de toutes parts par les possessions bourguignonnes, c'est Jean de Bourgogne, bâtard de Jean Sans Peur, qui occupe le siège épiscopal. Mais l'annexion probable du Cambrésis aux États bourguignons est rendue impossible par la mort de Charles le Téméraire. Louis XI, en 1477, s'empare alors immédiatement de Cambrai, qu'il quittera dès l'année suivante.
[modifier] Cambrai, centre musical des Pays-Bas au XVe s.
La réputation littéraire de la ville s'enrichit au XIIe siècle de la chanson de geste de Raoul de Cambrai, récit des violents affrontements qui eurent lieu deux siècles plus tôt pour la possession du Vermandois.
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Mais c'est surtout dans le domaine musical que la ville brille: du XVe au XVIIe siècle, Cambrai fut un centre attractif pour les musiciens, notamment grâce à la cathédrale. La ville était alors un centre réputé des Pays-Bas ; de nombreux compositeurs que l'on rattache à l'école bourguignonne grandirent et apprirent leur métier à Cambrai. En 1428, Philippe de Luxembourg affirma que la cathédrale était le centre le plus raffiné de la chrétienté, grâce à ses chœurs, sa luminosité, et au son de ses cloches. De 1409 à 1412, Guillaume Dufay, un des plus célèbres musiciens de l'Europe du XVe siècle, étudia la musique dans la cathédrale de Cambrai. Il revint dans la cité en 1439, après avoir passé de nombreuses années en Italie. D'autres compositeurs comme Johannes Tinctoris et Ockeghem se rendirent à Cambrai pour étudier la musique avec Guillaume Dufay.
À la fin du XVe siècle, d'autres grands compositeurs travaillèrent à Cambrai, notamment Nicolas Grenon, Alexandre Agricola, et Jacob Obrecht. Au XVIe siècle, ce fut le cas de Philippe de Monte, de Johannes Lupi et de Jacobus de Kerle. [3] Quand le centre de gravité de l'économie monde s'éloigna de l'Europe du Nord et de la ville de Bruges, la région s'appauvrit économiquement et culturellement.
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[modifier] Temps modernes
Après le retrait des Français en 1478 la neutralité du Cambrésis est solennellement réaffimée par l'archiduc d'Autriche et la France à plusieurs reprises. Même si elle est fragile (l'influence de la Maison d'Autriche se fait sentir de plus en plus dans les affaires cambrésiennes, et l'érection, en 1510, de Cambrai en duché par l'empereur Maximilien ne change rien au fond des choses), cette situation permet à la ville et au comté de recevoir plusieurs congrès internationaux:
- le traité de Cambrai signé le 10 décembre 1508 (et sa conséquence la Ligue de Cambrai);
- la paix des Dames, signée en 1529, un traité rendu possible par l'entremise de Louise de Savoie, mère de François Ier de France, et de Marguerite d'Autriche, la tante de Charles Quint;
- les traités du Cateau-Cambrésis signés en mars et avril 1559.
En 1543 Charles Quint décide de rattacher Cambrai à ses domaines, au motif que la ville n'a pas, justement, su faire respecter sa neutralité. Il décide d'y faire construire une citadelle aux frais des habitants, auxquels il impose la levée de 100 000 florins d'or. Pour construire la citadelle sur le Mont-des-Bœufs on abat l'église Saint-Géry et 800 maisons.
Pour mieux lutter contre la Réforme le pape Paul IV scinde, le 12 mai 1559, l'immense diocèse de Cambrai en créant deux nouveaux diocèses dans sa partie flamande, à Malines et Anvers. Cambrai est érigé par compensation en archevêché (ce qui ne va pas sans créer des tensions avec Reims, l'ancienne métropole), avec comme suffragants les diocèses d'Arras, Namur, Saint-Omer et Tournai, et quatre archidiaconés: Cambrai, Valenciennes, Hainaut et Brabant.
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En 1576 les Pays-bas se révoltent contre Philippe II d'Espagne et les XVII provinces se constituent en confédération des Etats généraux, sans Cambrai. Pour autant la ville n'échappe pas au conflit: le baron d'Inchy, Baudoin de Gavre, s'empare par surprise de la citadelle et de la ville, obligeant du même coup l'archevêque à s'exiler à Mons.
Cinq ans après sa prise par Baudoin de Gavre, Cambrai se donne au duc d'Anjou[4]. Jean de Montluc y est alors établi comme gouverneur, lequel réussit en 1594 à se faire reconnaître par Henri IV comme souverain de Cambrai avant d'en être chassé, la même année, par les habitants, aidés en cela par l'intervention des Espagnols.
Le capitaine de Balagny rallie la ville à Henri IV après sa conversion au catholicisme en juillet 1593, à la fin des guerres de religion[5]. Mais deux ans plus tard, les habitants chassent ce même Balagny, fortement impopulaire, et font entrer les Espagnols[6].
[modifier] Rattachement à la France
Depuis longtemps les Français cherchaient à repousser leur frontière vers le nord. Richelieu déjà voulait « mettre la France en tous lieux où fut l'ancienne Gaule » : Cambrai est assiégée en 1649 par le comte d'Harcourt et subit une nouvelle attaque de Turenne en 1657. Depuis 1659 Arras est française, Lille et Douai depuis 1667. Dès lors Cambrai semble une presqu'île espagnole qui n'est rattachée aux Pays-bas que par Bouchain et Valenciennes. En 1677 ces villes sont prises et Cambrai est isolée; Louis XIV, qui veut « assurer à jamais le repos de ses frontières », décide d'en finir avec Cambrai et se porte en personne devant la ville. Elle est prise après un siège de 29 jours, le 19 avril 1677. L'évènement grandit la gloire du roi en raison de l'ancienneté de la ville et du prestige de son archevêché. Il est illustré par de nombreux croquis, gravures et dessins, notamment d'Adam-François Van der Meulen, ainsi que par ces vers de Boileau[7]:
A vu tomber enfin ses ruines et son orgueil.
Par le traité de Nimègue signé le 10 août 1678 l'Espagne abandonne Cambrai, définitivement rattachée à la France.
Le premier archevêque nommé par le roi est François de Salignac de La Mothe-Fénelon. Aussi célèbre comme écrivain que comme prélat, Fénelon, surnommé "Le Cygne de Cambrai", y écrit les "Maximes des Saints", un livre qui prend la défense du quiétisme et qui, à ce titre, est condamné par Rome. Le zèle de Fénelon est inlassable pour éclairer les fidèles et convertir les infidèles.
Tournai ayant été prise en 1709 par les puissances coalisées contre la France, le Parlement de Flandres qui y est installé depuis 1668 est transféré sur ordre du roi à Cambrai[8], mais les parlementaires obtiendront finalement son installation définitive en 1713 à Douai.
[modifier] Révolution
La Révolution n'épargne aucune opération militaire à Cambrai et c'est ainsi qu'en 1793, la ville est placée aux premières lignes du conflit. En 1794, Joseph Le Bon, ami de Robespierre et missionné par le Comité de salut public dans le Nord-Pas-de-Calais, arrive à Cambrai: il y fera régner la terreur. La plupart des bâtiments religieux de la ville sont démolis ou saccagés: en 1797, la cathédrale, "merveille des Pays-Bas", est vendue pour 50000 F à un marchand de Saint-Quentin qui n'en laisse que la tour. Privée d'appui, elle s'effondre en 1809. La majeure partie des archives de la cathédrale fut cependant préservée (elles se trouvent actuellement aux Archives départementales du Nord à Lille).
L'archevêque Ferdinand Maximilien Mériadec de Rohan ayant refusé de prêter serment à la Constitution civile du clergé, il choisit d'émigrer. Pour l'anecdote, il ne reviendra à Cambrai qu'en 1801, à la demande du pape. Après Waterloo et un simulacre de résistance, Cambrai se rend aux Anglais le 25 juin 1815. Louis XVIII y entre aussitôt et, de là, choisit de s'adresser aux Français.
[modifier] Guerres franco-allemandes
Le 21 janvier 1871, les Prussiens pénètrent dans Cambrai et tirent quelques obus sur la place. C'est l'ouverture des négociations d'armistice qui met un terme salvateur à ce début de destruction et d'occupation.

Il en va tout autrement en 1914 lorsque l'armée allemande occupe la ville : cette occupation va durer quatre ans, marquée par des scènes de pillages, de réquisitions abusives et d'arrestations d'otages.
Du 20 novembre au 17 décembre 1917, la ville de Cambrai fut le théâtre de la bataille de Cambrai.
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Lors de cette bataille, les chars d'assaut furent utilisés pour la première fois. Durant cette offensive, les alliés parviennent à percer la fameuse ligne Hindenburg (Ligne Siegfried) et permettent aux troupes britanniques du général Byng d'approcher à 3 km des faubourgs cambrésiens. Malheureusement, ces troupes sont rejetées en décembre de la même année. Il faut attendre septembre 1918 pour voir les britanniques pénétrer de nouveau dans les faubourgs. Si Marcoing et Masnières sont libérées le 28, c'est le 8 octobre que les généraux Byng et Rawlinson attaquent le sud de Cambrai, en liaison avec l'armée française du général Debenay. Le lendemain, les Canadiens entrent dans un Cambrai en flammes. En effet, les habitants ayant été évacués vers la Belgique, les Allemands incendient le centre de la ville, détruisent l'hôtel de ville ainsi que les magnifiques archives municipales livrées volontairement au feu. Au total, plus de 1.500 immeubles sur les 3.500 que compte Cambrai sont totalement détruits.

La seconde guerre mondiale frappe encore Cambrai lorsque les armées allemandes prennent la ville sans rencontrer aucune résistance. Aux dégâts occasionnés à la ville par ses occupants viennent s'ajouter ceux des bombardements qui se multiplient en 1944. Malheureusement aveugles, les raids aériens des alliés dirigés contre les voies ferrées détruisent 803 immeubles, en endommagent 3.329 sur un total de 7.464 et font de nombreuses victimes françaises. Aussi, lorsque la ville reçoit la Croix de guerre avec Palme, en 1945, le document officiel indique : "Cambrai, ville martyre qui, déjà lourdement éprouvée au cours de la guerre 1914-1918, a subi 22 bombardements aériens qui ont fait plus de 500 victimes et entraîné des dégâts à plus de 4.000 immeubles sinistrés à 55%"
[modifier] Notes
- ↑ Selon Antoine Guillaume B. Schayes, La Belgique et les Pays-bas, avant et pendant la domination romaine, Tome 3, publié par C. Piot, Bruxelles, page 295, 1858.
- ↑ Ibidem, page 297.
- ↑ David Fallows, Barbara H. Haggh, article "Cambrai" in Grove Music Online, Éditions L. Macy (Site consulté le 18 décembre 2005). (Source pour l'histoire musicale de la ville)
- ↑ Pierre Miquel. Les Guerres de religion. Club France Loisirs, 1980. ISBN 27274207858, p 331
- ↑ Pierre Miquel. Les Guerres de religion. Club France Loisirs, 1980. ISBN 27274207858 p 388
- ↑ Miquel p 394
- ↑ Epître à M. De Lamoignon, 1677
- ↑ Portail ATILF : Encyclopédie
[modifier] Sources
- Mémoire de Cambrai, sous la direction de Michel Dussart, Société d'Émulation de Cambrai, (2004)
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