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Joseph Papin

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Pour les articles homonymes, voir Papin. 

Joseph Papin (1825-1862) est un homme politique canadien

L'un des types les plus remarquables du Canada français, par le corps et l'intelligence ; rejeton puissant d'une nation d'hommes grands et forts comme des chênes. Il avait près de six pieds trois pouces et de l'intelligence en proportion, une poitrine capable de contenir une batterie, une taille qui joignait l'élégance à la vigueur, une belle tête, une grande et magnifique figure brune, énergique, pleine de vie. On s'arrêtait pour le regarder : " Quel bel homme ! " se disait-on, aussi brave que fort, aussi dévoué à ses amis que terrible pour ses adversaires, ne craignant aucun danger, ne reculant devant aucun obstacle, prêt à rencontrer ses ennemis sur n'importe quel terrain.

Dans les émeutes de 48, à Montréal, il était déjà l'un des chefs de la vaillante jeunesse de cette époque mémorable. Il était du Club des Durs et marchait toujours au premier rang lorsqu'il s'agissait d'un coup de main hardi, d'une entreprise périlleuse. La fraude et la violence étaient les armes favorites du parti tory à cette époque. On s'emparait des poils et on en chassait, à coups de bâton, nos compatriotes.

Mais ceux-ci, comme on sait, ne laissèrent pas fouler aux pieds leurs droits et leurs libertés ; à la suite des Papin, des Fortin, des Drolet, des Doutre, des Roy, des Dorion, des Laviolette, des Coursol, et de plusieurs autres, ils marchèrent bravement à l'ennemi et le forcèrent de baisser pavillon. Les rencontres étaient nombreuses, les coups de bâton, de fusil et de pistolet n'étaient pas rares.

Papin était à l'affaire du Royal Oak Inn, et fut l'un de ceux qui firent le siège de cette auberge à coups de pistolet. Époque glorieuse où les Canadiens-Français marchaient en rangs serrés, sous le drapeau de Lafontaine, à la conquête des libertés politiques! Honneur à ceux dont le courage fit alors respecter le nom canadien et qui secondèrent si vaillamment le jeune chef que le Bas-Canada s'était donné ! Dans l'élection de M. Fabre contre le Dr Nelson, pour la mairie, on retrouve Papin au milieu de l'agitation populaire. L'excitation était grande.

La scission du parti Lafontaine venait de se faire. M. Fabre était appuyé par la fraction libérale dont il était l'un des chefs les plus honorables. Un jour, pendant la votation, il y avait un grand tumulte autour de l'Hôtel-de-Ville, les Irlandais, qui soutenaient le Dr Nelson, avaient commencé la bagarre. M. Coursol sortit avec M. Papin de l'Hôtel de Ville pour essayer de rétablir l'ordre. Ils se jetèrent tous deux au milieu de la foule. Papin avait à peine fait quelques pas qu'un coup de garcette lui fendait la tête et retendait par terre baignant dans son sang. La blessure était sérieuse ; il s'en guérit lentement,

L'on vient de mentionner son éloquence ; le souvenir est encore vivace dans tous les esprits. L'on peut toujours entendre les échos de cette immense voix qui ressemblait aux grondements du tonnerre, ou de la vague qui se brise sur les flancs sonores d'un rocher. Quelquefois, lorsqu'elle s'élevait pour dominer les bruits de la foule, on aurait dit les rugissements du lion au sein d'une forêt agitée par la tempête.

Éloquence un peu rude, sauvage même, mais grandiose et pittoresque comme dans les fleuves et montagnes, solide et imposante comme sa taille, expression d'une intelligence forte et indépendante et d'un jugement admirable. L'art n'y était pour rien. Malheureusement, M. Papin, comme la plupart des hommes politiques, ne travaillait pas ; il croyait avoir assez de la perception vive de son esprit et de la sûreté de son jugement. Il livrait son éloquence au hasard de l'inspiration.

Aussi, il n'a pas été au barreau et à l'Assemblée législative ce qu'il aurait pu être avec de l'étude et du travail, ce qu'il serait devenu, peut-être, s'il ne fût pas mort si jeune. Il a été surtout remarquable dans les assemblées populaires; le forum allait à sa grande taille, à ses vastes poumons. Le spirituel auteur*de la Pléiade, comparant le parti rouge au Club de la Montagne, disait que Papin en était le Danton. Le peuple l'appelait tout simplement " le gros canon."

Il est deux circonstances surtout que ses amis aiment à rappeler à l'honneur de son éloquence. Une fois, c'était en 1851. M. Papineau avant été battu à Montréal, ses amis avaient posé sa candidature dans le comté des Deux-Montagnes. C'est Papin qui fut chargé d'offrir l'illustre chef libéral aux suffrages des électeurs, dans une grande assemblée convoquée à St-André. Ce fut un véritable triomphe, il entraîna la foule et assura le succès de l'élection.

Une autre fois, quelques années plus tard, c'était à Verchères. On l'avait envoyé là combattre la candidature de Sir George. Il est des gens à Montréal, des amis passionnés de M. Papin, qui disent qu'ils n'ont jamais entendu et qu'il n'entendront jamais rien de pareil. Il n'avait pas seulement la voix, la taille et l'énergie qui imposent aux foules, il avait de plus le tact, la politesse et l'esprit qui les charment et les amusent.

Il avait une manière de parler, digne, honorable et instructive ; il respectait son auditoire et gagnait sa confiance par le raisonnement plutôt que par le sentiment ; son éloquence était plus imposante qu'émouvante, plus grandiose que chaleureuse. Supérieur aux hommes de son époque sous plusieurs rapports, il n'avait pas la chaleur, l'imagination, le style imagé, la phrase sonore, et même l'esprit brillant des Loranger, des Laberge et des Turcotte.

Un mot de son caractère. Cet homme à l'extérieur froid et imposant, était doux et enjoué comme un enfant, droit, franc, honnête et gentilhomme, libéral, généreux et dévoué à ses amis, à son parti, à ses principes. Il était aimé de tout le monde pour la franchise et la gaieté de son caractère, le charme de sa conversation. Sa parole était sacrée ; il y tenait même lorsqu'il aurait pu la retirer sans se déshonorer. Malgré des embarras financiers qui furent le résultat de sa libéralité et de son dévouement politique, il ne cessa pas d'être honnête homme. Il devait y avoir de l'avenir pour un homme si bien doué, la porte du succès devait s'ouvrir à deux battants devant lui. C'est ce qui arriva.

Après un brillant cours d'études au collège de l'Assomption, il venait à Montréal étudier le droit sous M. Ferréol Pelletier et ne tardait pas à fixer l'attention publique sur lui. Il y avait alors à Montréal deux écoles où la jeunesse instruite faisait la lutte par la plume et la parole, et répandait son influence sur la société canadienne ; c'était l'Avenir et l'Institut canadien. Papin devenait bientôt l'un des chefs de ces deux écoles, et combattait au premier rang dans la milice politique que conduisait Lafontaine.

Mais bientôt des murmures éclatèrent dans le camp libéral, on trouvait que Lafontaine n'allait pas assez vite. Papineau venait de reparaître sur la scène politique avec des idées et un langage capables de séduire cette jeunesse bouillante. C'était d'ailleurs une époque d'effervescence démocratique ; le souffle qui agitait les trônes en Europe était arrivé jusqu'aux rivages laurentiens.

La lutte constitutionnelle ne suffisait plus à ces esprits ardents, il fallait des réformes plus radicales, des mesures plus énergiques. L'Avenir avait commencé à se faire l'écho de ces nouvelles aspirations, de ces idées vagues de liberté qui flottaient dans l'air. Le Pays parut pour donner un corps plus solide à ces idées, une direction plus sage et plus pratique à ce mouvement. Papin fut l'un des apôtres les plus ardents de cette révolution dans le monde politique et social ; il en fut peut-être l'âme, le porte-drapeau. Les succès du parti libéral furent rapides. Deux ans après la fondation du Pays, en 1834, il emportait d'assaut une quinzaine de comtés.

Papin avait été élu à l'Assomption contre M. Siméon Morin, cette étoile brillante qui ne parut un instant à notre horizon politique que pour faire regretter son éclipse. Quelques temps avant les élections, le parti libéral s'était réuni pour se nommer un chef. Plusieurs voulaient élire Papin, mais l'Hon. Antoine-Aimé Dorion réunit la majorité des suffrages. Les nouveaux élus étaient pour la plupart des jeunes gens de talent, habiles dans l'art d'écrire et de parler. Jamais la chambre d'assemblée du Bas-Canada ne fut plus brillante, plus animée, jamais on n'y parla un plus beau langage.

Mais leurs succès réveillèrent les craintes et les alarmes que les imprudences et les exagérations de l'Avenir avaient déjà jetées dans l'esprit du clergé et de la population, et que leurs adversaires surent exploiter. Ils montrèrent plus de franchise que d'habileté, plus de talent que de tactique. Ils eurent le tort de ne pas comprendre leur temps, de méconnaître la force des traditions religieuses du Bas-Canada. Ce fut un malheur pour eux et pour le pays. Papin, le plus hardi de tous, ne craignit pas de donner, sur la question des écoles mixtes, un vote réprouvé par la conscience de tous les catholiques de ce pays.

Il n'en fallait pas plus pour tuer un homme et même un parti. Papin, défait aux élections de 1857, se remit à la pratique de sa profession et devint bientôt avocat de la Corporation de Montréal, position lucrative et honorable qui devait lui permettre de rétablir l'ordre dans ses affaires et de reparaître bientôt sur la scène politique. L'âge, l'étude et la réflexion en eussent fait l'un des premiers hommes d'État et l'orateur le plus populaire du Bas-Canada. C'était ce que disait, le 26 février 1862, une foule nombreuse réunie autour de sa tombe dans le cimetière du village de l'Assomption. Papin était mort à l'âge de trente-sept ans.

II y avait deux hommes en lui ; l'homme dont l'on vient de parler, si admirablement doué par le Providence de tous les dons du corps et de l'esprit, dont le jugement était droit et le cœur généreux, le logicien remarquable et le, tribun puissant, dont les accents pouvaient remuer toute une nation, l'homme d'honneur et de talent qu'on aimait autant qu'on l'admirait.

Mais aussi il y avait l'homme de chair, au tempérament fougueux, au cœur ardent, aux fortes passions, à l'imagination hardie, à la nature impétueuse et indépendante, avide de plaisirs et d'émotions. Celui-ci tua l'autre. Cet homme à la sève féconde, à la tête altière, on le vit s'affaisser, se dessécher lentement, comme ces beaux et grands arbres que la foudre a frappés. Que c'était triste ! Il lutta pourtant contre la mort, il se cramponna avec désespoir à la vie qui lui souriait.

Lorsqu'il vit que tout était fini, lorsque déjà il avait un pied dans sa tombe, il eut un moment de révolte, il recula épouvanté et voulut remonter la pente qu'il avait descendue si rapidement. " Mourir s'écria-t-il avec énergie, en frappant du poing ses longs bras décharnés, sa vaste poitrine amaigrie , non...., non , il y a encore de la vie là-dedans..... C'est impossible ! , c'est impossible!...."

Ce fut le dernier cri de la matière. l se recueillit un instant et redevint calme. Une grande pensée avait frappé sa belle intelligence ; il venait de comprendre la vanité des choses de la terre. Il trouva pour mourir ce qui lui avait manqué pour vivre.

Joseph Papin a été, pendant quelques années, associé à M. Lafrenaye,;de cette ville ; lorsqu'il est mort, il pratiquait avec M. Cyrille Archambault dont tout le monde déplorait la fin prématurée. Il avait épousé mademoiselle Sophie Homier, maintenant mariée à M. Ferdinand David, membre pour la division-est de Montréal. Il laissa une jeune fille, mademoiselle Marie-Louise Papin, qui vient de terminer son éducation au couvent du Sacré-Cœur.

[modifier] Références

  • Biographies et portraits ; par LO David, Montréal, 1876.
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