Le Corbeau (film)
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Le Corbeau est un film réalisé par Henri-Georges Clouzot et sorti en 1943.
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[modifier] Synopsis
Les notables de Saint-Robin commencent à recevoir des lettres anonymes signées Le corbeau, au contenu calomnieux. Les accusations se portent régulièrement sur le docteur Rémi Germain, ainsi que sur d'autres personnes de la ville. Les choses se gâtent lorsque l'un des patients du docteur Germain se suicide ; une lettre lui a révélé qu'il ne survivrait pas à sa maladie. Le docteur Germain enquête pour découvrir l'identité du mystérieux corbeau.
[modifier] Commentaire
Le scénario de Clouzot et Louis Chavance s'inspire d'un fait divers survenu dans les années 20 : l'affaire de Tulle (voir ci-dessous). Avec ce deuxième film, Clouzot signe un vrai chef d’œuvre : un film qui réussit à parler de l’époque avec une âpreté, une violence, une compassion extraordinaires. Clouzot accumule les provocations : le héros, libre penseur, refuse d’aller à l’église ; la jeune fille amoureuse de Pierre Fresnay (inoubliable Ginette Leclerc) est une boiteuse filmée sans aucun mépris ni condescendance. Une fillette inspire des sentiments troubles, les pouvoirs publics sont moqués, la sagesse se couvre de cynisme…
Le film fut interdit à Libération. À travers la lettre anonyme, comment ne pas y voir une évocation de la délation dont on sait qu'elle fut dans les années 40 une triste réalité ? En outre, le film fut produit par Continental-Films, une compagnie de production allemande. Tout cela donna aux détracteurs de Clouzot du grain à moudre : le film était pour eux un acte de collaboration tant l'image qu'il donnait des français était noire. La noirceur du film et le portrait sans concession des villageois, parfois emportés par une hystérie collective, font également penser à Erich Von Stroheim mais évoque surtout tour à tour M le maudit et Furie de Fritz Lang. À ce titre, le film fut salué comme un chef-d’œuvre à sa sortie en 1943, mais très vite il fut violemment attaqué pour son immoralité, pour la peinture noire qu’il faisait de la France, servant ainsi la propagande nazie. Un célèbre critique communiste écrivit qu’on y voyait l’influence de Mein Kampf d’Hitler. On alla jusqu’à dire qu’il avait été distribué en Allemagne sous le titre Une petite ville française comme les autres, pure diffamation puisque la Tobis l’avait refusé à cause de sa noirceur et que le visa d’exportation n’avait jamais été signé (d’un autre côté, Goebbels encouragea la distribution du film à l'étranger). Clouzot fut défendu vigoureusement par Becker, Pierre Bost, le co-scénariste de Douce et Henri Jeanson, qui écrivit un texte virulent : "Cocos contre Corbeau" où il comparait le film à Zola et à Mirbeau. En fait la lucidité sceptique de Clouzot qui avec son co-scénariste Louis Chavance prend parti pour Fresnay contre la délation, déclencha la haine aussi bien des conservateurs religieux de droite, étriqués, conformistes que d’une partie de la gauche, qui réclamait des héros positifs et prônait le réalisme socialisme.
La Centrale catholique, qui avait bien senti l'insulte que représentait le film de Clouzot vis-à-vis des valeurs qu'elle défendait et qu'elle représentait, lui décerna sa côte n°6, celle des films à proscrire absolument parce qu'ils sont essentiellement pernicieux au point de vue social, moral ou religieux.
À la Libération, contrairement à la plupart des autres employés de la Continental-Films Clouzot échappa à la prison mais se vit frappé d'une suspension professionnelle à vie. Un fameux résistant écrira alors à un détracteur de Clouzot : « Mon cher, tu sais bien que Clouzot n'a pas plus été collabo que toi tu n'as été résistant ». Grâce à l'activisme de ses défenseurs, Clouzot revint finalement à la réalisation en 1947. Retour gagnant avec Quai des Orfèvres.
[modifier] L'affaire de Tulle
En 2006, Jean-Yves Le Naour a consacré un livre à l'affaire de Tulle : Le Corbeau. Histoire vraie d’une rumeur. En voici le résumé : De 1917 à 1922, une épidémie de lettres anonymes s'abat sur la ville de Tulle. Glissés dans les paniers des ménagères, abandonnés sur les trottoirs, les rebords des fenêtres et jusque sur les bancs des églises, ces centaines de courriers qui dénoncent l'infidélité des uns, la mauvaise conduite des autres alimentent toutes les conversations et inquiètent les habitants. Peu à peu, une atmosphère de suspicion recouvre la ville : quel est donc ce mystérieux anonyme et que recherche-t-il ? Quand un greffier de la préfecture, troublé par la réception d'une lettre anonyme, perd la raison et meurt au cours d'une crise de démence, l'enquête policière s'accélère et la presse nationale se précipite à Tulle à la recherche d'un fait divers qui puisse passionner autant les Français que le procès de Landru qui vient de s'achever. Une dictée collective parvint à identifier le coupable.
Il existe un autre livre consacré à cette affaire : L’Œil de Tigre. La vérité sur l'affaire du Corbeau de Tulle, par Francette Vigneron. L'auteur des lettres anonymes signait en effet "L'œil de Tigre" (et non pas par un dessin de corbeau comme dans le film de Clouzot) ; c'est un journaliste du journal Le Matin qui décrivit l'accusée sur les bancs du tribunal en 1922 comme un « oiseau funèbre », rien de moins qu'un corbeau, mot que Clouzot a repris comme titre pour son film et l'expression s'est alors répondue.
En plus du film de Clouzot, cette affaire a aussi inspiré Jean Cocteau pour sa pièce de théâtre La Machine à écrire (1941).
[modifier] Fiche technique
- Titre : Le Corbeau
- Réalisation : Henri-Georges Clouzot
- Scénario : Louis Chavance et Henri-Georges Clouzot
- Musique : Tony Aubin
- Date de sortie en France : 1943
- Film français
- Genre : drame
- Durée : 93 minutes
- Lieu du tournage : Montfort-l'Amaury (Yvelines, 78)
[modifier] Distribution
- Pierre Fresnay : le docteur Rémy Germain
- Ginette Leclerc : Denise Saillens
- Héléna Manson : Marie Corbin
- Pierre Bertin : le sous-préfet
- Liliane Maigné : Rolande, la postière
- Roger Blin : François, le cancéreux
- Pierre Larquey : le docteur Michel Vorzet
- Micheline Francey : Laura Vorzet
- Antoine Balpêtré : le docteur Delorme
- Louis Seigner : le docteur Bertrand
- Noël Roquevert : Saillens, le directeur de l'école
- Jean Brochard : Bonnevie
- Gustave Gallet : Fayolle
- Bernard Lancret : le substitut
- (Louise) Sylvie : la mère de François
- Jeanne Fusier-Gir : la mercière
- Nicole Chollet : la bonne
- Lucienne Bogaert : la femme voilée
- Palmyre Levasseur : une femme
- Pâquerette : une suspecte
- Marie-Jacqueline Chantal : une suspecte
- Robert Clermont : M. de Maquet
- Etienne Decroux : le client de la poste
- Marcel Delaître : le dominicain
- Pierre Palau : le receveur
- Paul Barge : un homme
- Albert Brouett : un suspect
- Eugène Yvernès : un suspect
[modifier] Voir aussi
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La Terreur des Batignolles (1931) |
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