Maïeutique
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La maïeutique est un terme analogique inspiré de l'accouchement (délivrer une femme en couches) et qui désigne une technique consistant à faire s'exprimer les connaissances des personnes bien interrogées.
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[modifier] Origine
On attribue à la maïeutique un lien avec l'enfantement, faisant de Maïa une déesse de l'accouchement et des sage-femmes. Maïa, l'une des Pléiades, était mère d'Hermès, lui-même père de Pan, Dieu du Grand Tout, au cœur de la tradition orphique.
[modifier] Techniques : ironie et maïeutique
Cette technique est une évolution des savoir-faire orphiques, lesquels se fondaient sur la croyance en la réminiscence et la pratique de la katharsis, notamment par Pythagore.
La maïeutique consiste, selon les croyances de cette époque et dans cette tradition, à faire accoucher les esprits de leurs connaissances accumulées dans des vies antérieures. Elle est destinée à faire exprimer un savoir caché en soi, alors que l'ironie vise à faire identifier par l'interlocuteur une ignorance non identifiée.
L'ironie s'adresse aux personnes qui prétendent savoir alors qu'elles sont dans l'ignorance ; la maïeutique est appliquée aux personnes qui ignorent qu'elles savent.
[modifier] Présentations par Socrate
En philosophie le concept de maïeutique est étroitement lié au personnage de Socrate.
Le premier texte de Platon (dans l'ordre chronologique) dans lequel le concept de maïeutique est associé au personnage de Socrate est le Banquet. Socrate qui répète les propos de la prêtresse Diotima affirme que l'âme de chaque homme est enceinte et qu'elle désire accoucher. Or, cet accouchement ne peut se faire que dans la Beauté selon Diotima. C'est justement le rôle du philosophe de faire accoucher les âmes dans la Beauté afin qu'elle donne naissance des beaux discours (logoi en grec) et à de belles œuvres.
Le second texte fondamental pour comprendre le statut de la maïeutique chez Socrate est le Théétète de Platon. Socrate s'y présente comme un accoucheur des esprits[1], ne pouvant s'accoucher lui-même, contrairement à Pythagore, qui s'était affirmé non comme un sage, mais comme un homme aimant la sagesse. "J'ai d'ailleurs cela de commun avec les sages-femmes que je suis stérile en matière de sagesse, et le reproche qu'on m'a fait souvent d'interroger les autres sans jamais me déclarer sur aucune chose, parce que je n'ai en moi aucune sagesse, est un reproche qui ne manque pas de vérité."[2].
Socrate affirme une inspiration divine, ce qui lui fait dire que ses disciples n'ont jamais rien appris de (lui) et qu'ils ont eux-même trouvé en eux et enfanté beaucoup de belles choses. Mais s'ils en ont accouché, c'est grâce au dieu et à (lui).
Mais Socrate pratique la maïeutique avec toute une série de personnages dans les dialogues présocratiques. Dans le Ménon de Platon par exemple, Socrate fait une démonstration de la pertinence de son questionnement. Il fait appeler un jeune esclave et par questionnement maïeutique l'amène à se ressouvenir du théorème de Pythagore. Le processus est le suivant : accompagnement de la découverte par analogie, révolte du disciple et réfutation des conclusions fausses qui sont "aporétiques" c'est-à-dire des impasses dans le raisonnement (du grec "aporia", impasse, difficultés)".
Dans le Phédon, Socrate qui est dans les instants précédents sa mort, traite du lien de la maïeutique avec la réminiscence qui permet au philosophe de se souvenir de ses existences antérieures. Cette conviction permet à Socrate d'aborder la mort du corps avec sérénité. Le processus de la pensée est par analogie et association des Idées, non par référence aux expériences vécues. Ce faisant, il rejoint la démarche pythagoricienne. Sa sérénité est acquise parce qu'il est convaincu qu'il ira habiter les ïles des bienheureux (...) et seront honorés par la cité si la Pythie le permet (cf. Allégorie de la caverne)
[modifier] Une modélisation
Dans l'Apologie de Socrate, ce dernier expose sa relation à la sagesse, après avoir indiqué qu'il ne croit pas avoir en lui de sagesse, ni grande ni petite : (...) je raisonnai ainsi en moi-même : Je suis plus sage que cet homme. Il peut bien se faire que ni lui ni moi ne sachions rien de fort merveilleux ; mais il y a cette différence que lui, il croit savoir, quoiqu'il ne sache rien ; et que moi, si je ne sais rien, je ne crois pas non plus savoir. Il me semble donc qu'en cela du moins je suis un peu plus sage, que je ne crois pas savoir ce que je ne sais point. (21d-21e).
Ce dialogue de Socrate est néanmoins une œuvre empreinte de la sagesse du rhétoricien face au sophiste, marqué par l'échange avec Melitus qui l'accuse de corrompre la jeunesse en lui enseignant l'athéïsme. Socrate le confronte, à force de questions, à ses contradictions. Il parvient à démonter l'argumentation de son accusateur, mais la majorité des onze juges condamnent le plus sage des hommes.
Quatre types de relations à la connaissance sont ainsi à prendre en compte -
- ce que l'on sait que l'on sait — ou affirmé comme tel. Socrate ici procédait avec son ironie lorsqu'il souhaitait faire passer le message à ses interlocuteurs que ce qu'ils prétendaient savoir ne reposait que sur des préjugés et autres idées sans fondements ; Il peut s'agir ici des faux savoirs...
- ce que l'on sait que l'on ne sait pas — application de l'ironie
- ce que l'on ne sait pas que l'on sait : et là s'appliquait l'art maïeuticien du philosophe ;
- ce que l'on ne sait pas que l'on ne sait pas — tout le champ de l'inimaginable par chacun et justifiant l'intervention du philosophe, illustré par l'accompagement exposé dans l'allégorie de la caverne, du Livre VII de la République de Platon : maïeutique.
Le questionnement maïeutique, associé à l'ironie dite socratique, consiste dans l'accompagnement de la réflexion de son interlocuteur pour lui permettre d'exprimer les idées qu'elle a en propre.
Les deux premiers types sont soumis au doute, dans l'idée que :
- ce que l'on dit que l'on sait que l'on sait n'est que croyance
- et ce que l'on sait que l'on ne sait pas laisse également la porte ouverte aux tromperies
Le scepticisme qui en découle ouvrira également la brèche au doute de R. Descartes et aux zététiciens.
[modifier] De nos jours
Le terme de maïeutique, laïcisé, englobe généralement les techniques de questionnement visant à permettre à une personne une mise en mots de ce qu'elle a du mal à exprimer, ressentir, ou ce dont elle a du mal à prendre conscience (émotions, désirs, envies, motivation...). Il est ainsi utilisé en lien avec les techniques empathiques développées par Carl Rogers, centrées sur l'affect (écoute active ou écoute bienveillante) ou les techniques de médiation, avec l'alterocentrage, terme créé par Jean-Louis Lascoux, médiateur.
[modifier] Références
[modifier] Liens
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