Massacre de Tulle
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[modifier] Les dispositions allemandes
Au début de 1944, la 2ème division blindée SS Das Reich, une division d'élite sous le commandement du Gruppenführer Heinz Lammerding, après avoir subi de lourdes pertes sur le front de l'Est, avait été regroupée dans la région de Montauban, pour être reformée en prévision d'un débarquement allié quelque part sur le front Ouest. Elle est composée de 18 000 hommes appuyés de blindés légers et de chars.
Au lendemain du débarquement de Normandie, elle reçoit l'ordre de se positionner dans la région entre Tulle et Limoges pour y réduire les maquis qui, depuis l'annonce du débarquement allié, ont intensifié les actions de sabotage et de harcèlement des garnisons allemandes. C'est le régiment « Der Führer » qui est chargé de préparer l'arrivée de la division. Le haut commandement ouest de la Wehrmacht avait en février 1944 émis en la matière les ordres suivants : "Si des troupes sont attaquées, de quelque façon que ce soit, le commandant est obligé de prendre de lui-même des contre-mesures, entre autres les suivantes : a)Tir de riposte immédiat. Si des innocents en sont victimes, c'est regrettable mais entièrement imputable aux terroristes; b)Les environs doivent être bouclés et tous les habitants, sans distinction de personne, arrêtés; c)Les maisons d'où on a tiré doivent être immédiatement réduites en cendres. Dès que ces contre-mesures sont exécutées, un rapport est établi. Dans l'appréciation de la conduite du commandant, ce sont la fermeté et la rapidité de son intervention qui seront déterminantes. Seul le commandant faible et indécis sera gravement puni, parce qu'il met en danger la sécurité de ses subordonnés et le respect inspiré par l'armée allemande. Vu la situation actuelle, des mesures trop sévères ne donneront pas lieu à poursuites". Les ordres particuliers du commandant de la division apportent des précisions tactiques : "Les forces de la Résistance doivent être anéanties par des manœuvres d'encerclement"[1].
[modifier] Tulle libérée puis reprise
Dans leur majorité, les maquis de la région reçoivent les ordres du commandement FTP zone sud : "Partout où le rapport des forces le permet [...] destruction de toute garnison allemande et de toutes unités de la Waffen-SS et de la Milice [...]. Partout où, pour le moment, l'équilibre des forces n'est pas en faveur des patriotes armés, utilisation de la tactique de la guerrilla [...] : destruction sans répit des petites garnisons allemandes [..], des unités isolées, tuer sans pitié les assassins et les crapules de la Milice [...]. En avant… Pas de pitié… Pas de pardon."
Les maquisards décident ainsi d'attaquer le 7 juin au matin la garnison de Tulle, forte de seulement deux compagnies. En fin d'après-midi, après négociations avec le préfet, la garnison de Gardes Mobiles et Milice qui supportait difficilement l'attaque subie depuis l'aube, quittait Tulle pour Limoges avec l'accord des partisans, privant ainsi la garnison allemande de sa protection. À la fin de la journée, cette dernière, harcelée, qui était assez dispersée se regroupe en trois lieux : l'École Normale au nord, la Manufacture d'armes et l'école de Paillac au sud. Les combats reprennent le 8 au matin, particulièrement contre les assiégés de l'École normale. En fin d'après-midi, des groupes de soldats sortent du bâtiment en feu, contraints de se rendre.
À 21 heures le groupe de reconnaissance de la division SS arrive à la rescousse des assiégés. Pris en défaut de protection, les maquisards surpris décrochent immédiatement, emportant leurs blessés légers et une quinzaine de prisonniers qui seront, à quelques exceptions près, tous exécutés.
[modifier] Massacre et sévices ?
Les Waffen-SS trouvent, en tas sur la chaussée, les cadavres d'une soixantaine d'Allemands, dont 35 vétérans de la Wehrmacht, le reste étant des membres du service de sécurité. Certains portaient encore leur masque à gaz en protection contre les grenades lacrymogènes avec lesquelles ils furent enfumés. Contre l'un de ces tas, les Allemands constatèrent la présence d'un camion ayant écrasé plusieurs de ces cadavres. Ils se persuadent, à tort semble-t-il, qu'il a sciemment roulé sur les soldats blessés pour les achever bestialement. Des habitants témoins sont immédiatement interrogés par l'officier de renseignement du régiment. Les Allemands obtiennent la conviction que la plupart des hommes ont été abattus alors qu'ils se rendaient. Ils voient une confirmation avec l'inspection des corps qui atteste qu'ils ont reçu des balles à bout portant, certains étant d'évidence à terre.
Les sources et les ouvrages allemands[2] indiquent par ailleurs que de nombreux cadavres portaient des mutilations. Un juge fut appelé à établir un constat : "Selon certains témoins oculaires, quelques femmes, surtout, qui accompagnaient les partisans, avaient eu un comportement repoussant envers les corps des soldats allemands.[...] J'ai trouvé un mort à qui on avait percé dans les chevilles des trous par lesquels on avait passé une corde ; manifestement, on l'avait ainsi traîné en rond ; sur de nombreux cadavres, je pus compter jusqu'à 6 blessures de balles à la plante des pieds"[3]. Un autre témoin visuel, un Alsacien qui avait participé aux inhumations, a également laissé un récit :"L'officier de santé nous dit que c'étaient les quarante, tous affreusement mutilés.[...][il] n'arrêtait pas de jurer à propos [...] de parties sexuelles qu'on avait coupées et mises dans la bouche des morts"[4]. Les témoignages des officiers du groupe de reconnaissance et de la division mentionnent également des mutilations, notamment celui du juge Okrent.
Les auteurs français rejettent ces témoignages, affirmant leur non-crédibilité[1].
[modifier] Les représailles
Les proclamations publiques et les explications allemandes auprès des autorités françaises vont systématiquement rappeler ces cruautés. Pourtant, les militaires allemands n'avaient nul besoin de cette accusation pour justifier leurs représailles : le seul fait d'avoir été attaqués par des civils armés (les francs-tireurs) et d'avoir eu des soldats désarmés abattus leur a toujours suffi pour en référer aux termes du traité d'Armistice (clause n° 10 : "Le gouvernement français s'engage à n'entreprendre à l'avenir aucune action hostile contre le Reich allemand avec aucune partie des forces armées qui lui reste ni d'aucune manière. Le gouvernement français interdira aux ressortissants français de combattre contre l'Allemagne au service d'États avec lesquels l'Allemagne se trouve encore en guerre. Les ressortissants français qui ne se conformeraient pas à cette prescription seront traités par les troupes allemandes comme francs-tireurs) et plus largement des Conventions de La Haye, textes signés par les deux pays.
L'ampleur de ces représailles fut l'objet de discussions récurrentes d'abord entre militaires allemands, certains voulant faire fusiller tous les hommes et mettre le feu à la ville entière, puis avec les autorités françaises.
Le lendemain, dès six heures, les troupes allemandes raflent les "hommes valides" (entre 16 et 60 ans) et perquisitionnent les habitations à la recherche d'armes et de matériel de guerre cachés. Environ 2 000 hommes sont ainsi rassemblés dans la Manufacture d'armes. Les procédures policières habituelles (contrôle des documents d'identité, interrogatoire de chaque individu) furent mises en œuvre dans une certaine précipitation par l'officier-interprète du Sipo-SD de Brive, Walter Schmald, en présence du Colonel Bouty, le 'maire' et du chef de cabinet du préfet, Torrès, sous contrainte de cette même clause n° 10 du traité d'Armistice. Elles résultèrent en la désignation de 120 suspects aux yeux des Allemands de participation à la Résistance, ce sur des indices à valeur problématique tels que : domicile étranger à la ville, anomalie vestimentaire, réponses insatisfaisantes ou comportement 'anormal' lors de l'interrogatoire, convictions communistes connues, réfugié politique, voire carence de personne garante. Ces 120 hommes (3 fois les 40 morts mutilés) étaient voués à la mort par pendaison, Walter Schmald refusant de les faire fusiller en raison du viol de l'article 23 des Conventions de La Haye ("il est notamment interdit [...] de tuer ou de blesser un ennemi qui, ayant mis bas les armes ou n'ayant plus les moyens de se défendre, s'est rendu à discrétion [ainsi que] de déclarer qu'il ne sera pas fait de quartier"). Les hommes encore détenus dans la Manufacture furent amenés afin qu'ils assistent aux exécutions.
Finalement, la procédure de pendaison aux balcons et réverbères de la ville s'arrêta au chiffre de 99, grâce à l'intervention de Jean Espinasse, l'aumônier du lycée, lui-même pris dans cette rafle, qui avait été admis à prodiguer aux condamnés les réconforts de la religion et recueillir les objets et derniers mots destinés aux leurs.
Les Allemands déclarèrent avoir fait preuve d'indulgence, ce en reconnaissance de l'intervention du préfet et du médecin qui empêcha le meurtre par les maquisards de 25 soldats allemands blessés, en soins dans l'établissement hospitalier, pour laquelle le commandant allemand adressa au préfet un message de reconnaissance :«le commandement allemand tiendra compte de votre intervention dans les représailles inéluctables pour les crimes commis contre nos camarades de la garnison allemande de Tulle, ceci sera compté à l'avantage de la population de Tulle».[5].
Des hommes qu'ils avaient maintenus en détention, les Allemands effectuèrent un second tri, assistés de Miliciens, qui en retint 149 destinés à la déportation au titre de 'complicité avec les francs-tireurs'. Seuls 48 en reviendront vivants.
Les dernières instructions du commandement de la Wehrmacht en réponse à l'intensification des actions de partisans ordonnaient de «prendre des mesures dures, propres à dissuader les habitants de ces régions continuellement infestées, pour leur ôter le goût d'abriter la résistance ou de se laisser intimider par elle»[1].
[modifier] Les suites judiciaires
Ces représailles furent l'objet d'un procès devant le tribunal militaire de Bordeaux dont le jugement du 5 juillet 1951 fut annulé par la Cour de Cassation pour vice de forme. Il revint devant le tribunal militaire de Marseille le 27 mai 1952. Le seul prévenu comparaissant était l'adjudant Otto Hoff qui avait, avec ses hommes, mené les suppliciés aux potences, le commandant du bataillon de reconnaissance qui avait repris Tulle aux maquisards, Heinrich Wulf, ayant été "de manière incompréhensible" libéré quelques semaines auparavant. L'adjudant Hoff fut condamné à 5 ans de prison, ce qui correspondait au temps de détention préventive. Il avait été, dans le jugement annulé, condamné aux travaux forcés à perpétuité. Schmald, l'officier du Sipo-SD, avait été capturé et tué par les maquisards[1].
[modifier] Notes
- ↑ 1,0 1,1 1,2 1,3 Guy Penaud, La "Das Reich" 2e SS Panzer Division, La Lauze, 2005 (ISBN 2912032768), p.65-8, 109-57, 175-231
- ↑ Herbert Taege, Wo ist Kain?Enthüllungen und Dokumente zum Komplex Tulle+Oradour, Askania, 1981, 392p.
Herbert Taege, Wo ist Abel? Weitere ..., Askania, 1985, 288p.
Otto Weidinger, Tulle et Oradour, une tragédie franco-allemande, auto-édité, sans date,62p. traduction interdite en France au titre d'ouvrage d'origine étrangère, interdiction administrative rendue depuis illégale par décision de la Cour de Cassation. Édition anglaise datée de 1985 - ↑ (de) Hans Luther, Der französische Widerstand gegen die deutsche Besatzugsmacht und seine Bekämpfung, Tübingen, 1957
- ↑ (de) S. Schneid, SS-Beutedeutscher-Weg und Wandlung eines Elsässer, Askania verlag, Lindhorst, 1979
- ↑ Trouillé, Journal d'un préfet pendant l'occupation, Gallimard, 1964
[modifier] Bibliographie
- Jean Espinasse, Tulle le 9 Juin 1944, La Table Ronde, 1994 (1re éd. 1953), 144 p., (ISBN 2710306190)
- Jean-Louis Bourdel, Départs (Souvenirs de l'année 1944), Éditions de la rue Mémoire (1re éd. 1945), 135 p.
[modifier] Liens externes
- (fr) Allocution de Dominique de Villepin, le 10 juin 2006
- (fr) Interview d'un témoin (site personnel)
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