Pierre Scize
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Pierre Scize, de son vrai nom Michel-Joseph Piot, né en 1894 à Pont-de-Chéruy, mort accidentellement à Melbourne (Australie) en 1956, fut un grand journaliste français au talent prolifique et éclectique.
Sa vocation première le conduisant vers le théâtre, il prit des cours au Conservatoire de Lyon dès 1912. Mais dès les premiers mois de la Première Guerre mondiale, un obus ennemi allait l’amputer totalement du bras gauche et mettre un terme brutal à ses projets de scène. Après une longue convalescence, il retrouva le front des opérations avec le titre de régisseur du Théâtre aux Armées.
Le metteur en scène et comédien Jacques Copeau ayant eu l’occasion de le remarquer, lui proposa après l’Armistice de le suivre, dans le même emploi, à New York pour une longue tournée d’après-guerre qui se révéla triomphale. A son retour, Michel-Joseph Piot (il n’était pas encore Pierre Scize) eut l’idée d’écrire le récit de ce voyage, ce texte tomba sous les yeux du directeur du journal L’œuvre, qui proposa de le publier. Ainsi notre homme naquit-il au journalisme.
La naissance de son pseudonyme est originale. Le grand journaliste Jean Piot (aucune parenté mais beaucoup d’amitié) écrivait déjà à L’œuvre. Un des deux Piot devait donc trouver une autre signature. Le sort tomba logiquement sur le plus récemment entré au journal. Un jour qu’il flânait sur le vieux quai Pierre Scize à Lyon, Michel Joseph se dit qu’il pourrait en faire un prénom et un nom. Car à l’origine, le quai Pierre Scize ne devait rien à un homme mais signifiait un lieu dit : la « pierre sciée » (rocher fendu, peut être par la foudre, au Moyen Age) sciée se transformant en scize en vieux Français, mot sans doute issu lui même du latin scitus (scié). Le quai s’appelait donc peut-être à l’origine « quai de la pierre scize ». C’est sans doute le seul exemple qu’un homme prenne le nom d’un quai au lieu de le lui donner.
Après L’Œuvre, puis Bonsoir, Maurice Maréchal, fondateur et directeur du Canard Enchaîné, allait s’attacher le talent déjà reconnu de Pierre Scize. Mais en 1933 ce dernier allait être spectaculairement congédié de l’hebdomadaire satyrique. Son crime ? Il venait de recevoir la Légion d’Honneur, décernée à titre militaire pour le bras laissé au champ d’honneur. Or tout rédacteur s’engageait à refuser toute décoration officielle décernée à titre professionnel ou purement honorifique, ce qui n’était pas le cas en l’occurrence. Mais le Canard ne pouvait commencer à accepter les exceptions. Cette rupture, largement commentée, allait faire date dans l’histoire de la presse française du 20e siècle.
Pierre Scize travaille alors pour Candide (critiques cinéma et théâtre) et pour Paris Soir, où ses grands reportages aux quatre coins du monde élargissent sa notoriété. La Seconde Guerre mondiale le retrouve à Lyon, ville de toute sa jeunesse. Il y entre très vite dans la Résistance, non armée mais littéraire (nombreux articles dans la presse clandestine et organisation de réseaux de pensées, tous dirigés contre l’occupant) et tisse un réseau d’amitié et de réconfort, matériel autant que moral, avec l’équipe rédactionnelle du Figaro, le quotidien national s’étant volontairement sabordé le jour de l’entrée des Allemands dans Paris et ayant promis à ses lecteurs de ne reparaître que le jour où la France se serait libérée du joug de l’occupant.
[modifier] Grands procès et Tour de France
Ce jour venu, Pierre Scize est tout naturellement invité à rejoindre le Figaro, redevenu un journal libre et parisien. Il va alors aborder un genre nouveau pour lui : la chronique judiciaire. Il couvre les grands procès de l’épuration, ceux de Pétain, de Nuremberg, du docteur Petiot, plus tard ceux de Marie Besnard, de Gaston Dominici (voir Affaire Dominici) et tant d’autres, comptes rendus judiciaires qui en font vite le premier chroniqueur de son temps, ainsi que le diront de glorieux successeurs, tels que James de Coquet ou Frédéric Potecher. Parallèlement, il publie dans le Figaro de grandes enquêtes sur les problèmes de société de l’Après-Guerre.
Mais il va donner encore de nouvelles preuves de son éclectisme. En 1953, Pierre Brisson, le directeur du Figaro lui propose comme un amical pari d’écrire sur le Tour de France ! Or, à part de l’alpinisme au temps de ses deux bras, il n’a jamais pratiqué le moindre sport. Mais il accepte et va écrire, trois étés durant, de savoureuses chroniques sur l’ambiance et les à-côtés du Tour, laissant bien sûr la partie purement sportive de la grande épreuve cycliste à des confrères spécialisés. Ce genre assez nouveau dans la presse va inspirer au grand romancier Antoine Blondin vingt ans d’extraordinaires chroniques dans L'Equipe.
En 1956, Pierre Brisson demande à Pierre Scize de partir pour Melbourne et d’écrire sur les Jeux Olympiques le même genre de chroniques que sur le Tour. Là encore, il va relever le défi. Mais le dernier jour des Jeux, à l’heure même où Alain Mimoun remporte la médaille d’or du marathon, Pierre Scize est renversé par une voiture et décède un peu plus tard à l’hôpital, à l’âge de 62 ans.
En dehors de sa considérable production journalistique, Pierre Scize a laissé quelques romans (Gens des Cimes, Pernette et son amour, Le plus bel ivrogne du quartier, La belle de Cargèse, L’or du temps), des essais et des récits (Lyon dans les Chaînes, Aux vendanges de Bourgogne, Rencontrés sur la route, Vingt Dieux de République, biographie libre de Georges Clémenceau, Au grand jour des Assises) et des pièces de théâtre (Dormez-vous ?, Gens de la Lune ).
Pierre Scize a eu trois enfants de son épouse, née Camille Bardot : Michel (1939), voir à la suite, Jacqueline (1946) et Françoise (1948). Il repose au cimetière de Bagnolet.
[modifier] Trois générations
Le fils aîné de Pierre Scize, aussi prénommé Michel, et sa petite-fille, Hélène Piot, sont également journalistes.
Michel Piot, chroniqueur gastronomique de renom (il publia d'innombrables articles dans Le Figaro, où il tenait une rubique hebdomadaire et disposait souvent de pages entières), a pris sa retraite, en tant que journaliste "permanent", mais demeure très actif et lié aux milieux de la table et du vin. Il est président d'honneur de l'APCIG, Association professionnelle des chroniqueurs et informateurs de la gastronomie et du vin qu'il présida très activement pendant 25 ans. Michel Piot écrit volontiers sur le beaujolais, notamment dans une brochure régulièrement éditée par Georges Dubœuf ; il est membre responsable de l'association Saveurs de France-Saveurs d'Europe [1] et de l'AAAAA. Par ailleurs "bon peintre du dimanche", il a exposé et vendu plusieurs œuvres.
Hélène Piot,membre du bureau de l'APV, Association de la presse du vin [2], est l'auteur du Guide des vins du monde (éditions Marabout) et co-auteur de 1900-2000, Un Siècle de Millésimes (éditions Fleurus). Également co-auteur d'un recueil de nouvelles, Sept filles en colère (édition Les Petits Matin", fin 2006), elle collabore à plusieurs journaux spécialisés.