Shakubuku
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[modifier] Définition
Littéralement le terme japonais shakubuku (折伏) signifie : plier ou soumettre (shaku) et assujettir ou soumettre (buku).
[modifier] Analyse
Dans le contexte du bouddhisme japonais, il s'agit d'une pratique de diffusion de la doctrine par une conversion antagoniste, ou par le moyen de la confrontation. Elle est à opposer à la pratique de diffusion de shoju (攝受) qui signifie : attirer à soi ou éduquer (sho) et recevoir (ju), et par extension prend le sens de conversion pacifique.
Ces deux méthodes de propagation des enseignements du bouddhisme prennent leur source dans les interprétations de grands maîtres chinois tels que Zhiyi (ou Tiantai), Miao-lo ou Chang-an. Dans leurs exégèses et commentaires des sûtras, ces maîtres ont édifié un système de classification des enseignements selon des critères de complexité, de chronologie et d'importance doctrinale. Ce système de classification sert d'architecture de référence au corpus bouddhique encore aujourd'hui dans de nombreuses écoles (ou sectes) bouddhiques d'influence chinoise ou japonaise. Il inclut des méthodes de diffusion de l'enseignement en fonction de ces mêmes critères. A tel moment ou situation correspond telle méthode et non une autre. Parmi ses méthodes, la pratique de la conversion pacifique (shoju) procède d'une initiation progressive aux enseignements considérés comme suprêmes sans réfutation des attachements à des enseignements considérés comme inférieurs ou erronés. A l'inverse, la méthode de conversion antagoniste implique une réfutation systématique sur la base de la classification chinoise que l'on peut qualifier de canonique. Cette méthode combative implique une éventuelle confrontation sur le socle doctrinal des parties.
La méthode de conversion antagoniste est à la base de la doctrine de Nichiren, moine bouddhiste japonais du XIIIe siècle. Elle est explicitée notamment dans la lettre intitulée (en français) : "Conversation entre un sage et un ignorant" (Lettres et traités de Nichiren Daishonin, vol. 5, ACEP) et reprise dans de nombreuses autres lettres du corpus qui forme le socle doctrinal des écoles (ou sectes) se réclamant de Nichiren, ainsi que des mouvements laïcs qui suivent le même enseignement, telle la Soka Gakkai au Japon.
[modifier] Controverse
Bien que de nombreuses publications récentes continuent d'assimiler la méthode de shakubuku à une conversion forcée, voire violente, il est nécessaire de rappeler que cette méthode est antérieure au bouddhisme japonais. Dans la culture belliqueuse dominante du Japon féodal, il n'y a rien d'étonnant à avoir vu émerger un modèle de conversion moralement agressif. Rien d'étonnant non plus à voir ce modèle perdurer dans la période de l'après guerre japonaise, encore une fois pour des raisons essentiellement culturelles.
Il n'en reste pas moins que la méthode de shakubuku, ou conversion antagoniste, est utilisée dans certaines situations pour masquer une certaine forme de prosélytisme. Elle est parfois la justification d'agressions verbales ou rethoriques, ou encore une confrontation stérile qui ne peut déboucher en rien sur le but premier de toutes ces méthodes : la diffusion des principes philosophiques du bouddhisme.
[modifier] Sources utiles
- Gaston Renondeau, Histoire des moines guerriers au Japon, 1957, PUF
- Gaston Renondeau, La doctrine de Nichiren, 1953, PUF
- Dictionnaire du bouddhisme, 1991, Editions du Rocher