Technologie FS
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Dans la deuxième moitié des années 1960, la compagnie IBM pressentit des difficultés structurelles à la croissance des ordinateurs pour les décennies suivantes. La réponse envisagea pendant quelques années une refonte totale de tous les concepts informatiques dans une nouvelle technologie nommée FS.
Sommaire |
[modifier] Problèmes prévus en fin des années 1960 pour la fin du siècle
- les imprimantes à impact ne pourraient rapidement plus suivre les débits d'information; les délais pour en changer les chaînes d'impression (48 caractères pour la vitesse, 64 caractères pour la richesse du jeu); les changements de bandes-pilote ou de préimprimés les ralentissaient encore.
- la technologie des écrans se séparait trop brutalement en écrans texte abordables et d'usage facile d'une part et écrans graphiques très coûteux et complexes à mettre en œuvre d'autre part; les besoins intermédiaires (graphiques de gestion) n'avaient pas de réponse et c'était là qu'allait se porter la demande;
- les télécommunications relevaient de bricolages spécifiques et non compatibles entre eux.
- un terminal (écran ou machine à boule) était attaché à une application donnée et complexe à rattacher à une autre; même quand ce rattachement était possible, il demandait à chaque fois des compétences spécifiques différentes;
- les questions de polices de caractères (en particulier APL) n'étaient pas gérées de façon automatique, ni même cohérente sur l'ensemble de la chaîne de traitement : c'était là encore à l'utilisateur de s'en occuper, et de signaler son action au système - la détection n'étant pas automatique.
- les délais de montage et démontage des bandes magnétiques bloqueraient de plus en plus les systèmes
- l'organisation hiérarchique des fichiers conduirait à des inefficacités croissantes en terme de maintenance à mesure qu'on dépassait la dizaine de milliers de fichiers (à titre indicatif, une station de travail Linux de 2006 comporte souvent plusieurs centaines de milliers de fichiers).
- les systèmes existants n'incorporaient pas la notion de migration automatique d'un document entre supports sans perte d'identité comme le fait pourtant n'importe quelle administration (bureau, armoire, transmission entre services, salle d'archives...).
Compte-tenu de l'intégration étroite de ces questions, il fut décidé d'entreprendre une refonte totale des principes de nommage et d'accès aux ressources pour viser une solution vers la fin des années 1970. Le projet, aussi radical et plus coûteux encore que celui récemment entrepris avec le Système 360 (dont le coût n'était même pas totalement amorti à l'époque) avait de forts risques de couper court avec la totalité de l'existant (tout autant que par la suite le Macintosh ne permettrait aucune reprise des logiciels de l'Apple II). Le projet fut désigné sous le nom de projet FS, pour future system et éveilla par son ambition bien des fantasmes, dont celui de l'ordinateur HAL dans le film 2001, Odyssée de l'espace.
Les projets n'allaient en fait pas aussi loin, mais la mobilisation fut grande : "le projet FS a mobilisé 2 500 personnes. Ses responsables avaient des droits de tirage sur le personnel de toutes les unités IBM. J'avais un travail à Paris et on m'en a sorti du jour au lendemain pour m'envoyer à New York. Pour vous montrer la foi qu'on avait dans IBM, je n'ai pas entendu dire que quelqu'un ait refusé cette mobilisation, ni l'ait regrettée" (Jean-Jacques Duby, directeur du développement scientifique à IBM France; article mentionné en lien externe).
[modifier] Les idées approfondies par FS
[modifier] Les raisons de l'abandon
- Les développements de FS furent plus onéreux que prévu, malgré la simplicité apparente de la tâche avec nos yeux de 2004, en raison du contexte de l'époque : ces concepts qui nous sont aujourd'hui familiers n'existaient alors même pas, et les découvrir a impliqué beaucoup d'essais, de fausses pistes et de tâtonnements;
- La modification des habitudes s'avérait telle que la coexistence obligatoire pendant plusieurs années des deux systèmes serait une source de coûts énormes pour le constructeur comme pour ses clients;
- Et, point le plus grave, le Système 360, présenté aux clients comme devant mettre fin de façon durable à tous les problèmes de migration qu'ils avaient rencontrés dans le passé, en deviendrait totalement discrédité; il fut décidé de ne pas sortir de « Série FS » tout en récupérant ce qui était récupérable soit pour le 370, soit pour des systèmes totalement nouveaux ne reprenant pas des applications de 370 - donc, paradoxalement, des systèmes d'entrée de gamme !
[modifier] Les retombées
Pour les 370, les retombées les plus immédiates furent :
- une imprimante à laser nommée 3800 (les préfixes étaient en 38 parce qu'on supposait que la nouvelle série allait se nommer 380), qui avait des caractères programmables. Les premiers modèles ne travaillaient qu'en mode texte (avec possibilité toutefois d'utiliser jusqu'à quatre polices simultanées), mais des modèles graphiques devinrent rapidement disponibles. Vitesse : 215 pages/minute. Résolution : 240 points par pouce dans chaque sens. Coût : 3 millions de francs de l'époque;
- un robot de stockage « à nid d'abeille » nommé 3850, qui était un système de stockage magnétique ne demandant strictement aucune présence humaine et fonctionnait en 24x365;
- des terminaux à caractères programmables qui furent d'abord le 3278 PS (monochrome), puis le 3279 PS (couleur) et pouvaient afficher des graphiques de gestion et autres;
- le logiciel GDDM (Graphical Data Display Manager);
- le migrateur automatique de fichiers HFS (Hierarchical File System), qui fut porté sous MVS.
Un système d'entrée de gamme inspiré du FS fut le Système 38, qui déconcerta un peu par ses concepts inhabituels, mais fut suivi d'un successeur nommé AS/400 qui connut un succès plus fort qu'attendu, et resta jusqu'à la fin des années 1990 un des fers de lance d'IBM. Seul problème : la gamme devait être étendue par le haut, les utilisateurs d'AS/400 n'étant pas enthousiastes du tout pour repasser au 370 et à ses successeurs.
[modifier] Liens externes
- Un mouvement fatal à IBM : "IBM est restée aveugle à la transformation du marché qui a suivi l’introduction des nouvelles technologies microinformatiques, et s’est crispée sur les grands systèmes centralisés. Au même moment, le cycle de relance périodique de l’innovation contre la bureaucratie grippait, en partie à cause d’un accès de timidité consécutif à l’échec du projet Future Systems (FS)" (...) "La bataille FS n’a jamais été livrée sur le marché, et n’a été « perdue » que par décision d’IBM, qui a renâclé devant les risques apocalyptiques de l’entreprise"...
- (en) Le moment traçable du dérapage "Regardons [les phases] identifiées par Mills et Friesen. Les phases d'innovation [chez IBM] apparaissent en 1952, 1963, 1980 et 1990, donc avec des intervalles de 11, 17 et 10 ans.Où est le pic d'innovation qu'on pouvait attendre en 1974, peu après l'arrivée de Frank Cary à la présidence in 1972 ? Il est facile de l'identifier : c'est l'épisode FS avorté"...