Théorème des nombres premiers
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En théorie des nombres, le théorème des nombres premiers est un résultat concernant la densité asymptotique des nombres premiers. En définissant, pour tout réel positif x, le nombre π(x) comme le nombre de nombres premiers inférieurs à x, le théorème des nombres premiers s'énonce de la façon suivante :
pour de grandes valeurs de x (ln (x) est le logarithme naturel de x ; pour la signification de , voir l'article sur la notation de Landau).
Voici un tableau :
x | π(x) | π(x) - x / ln(x) | Li(x) - π(x) | x / π(x) |
---|---|---|---|---|
101 | 4 | 0 | 2 | 2,500 |
102 | 25 | 3 | 5 | 4,000 |
103 | 168 | 23 | 10 | 5,952 |
104 | 1 229 | 143 | 17 | 8,137 |
105 | 9 592 | 906 | 38 | 10,430 |
106 | 78 498 | 6 116 | 130 | 12,740 |
107 | 664 579 | 44 159 | 339 | 15,050 |
108 | 5 761 455 | 332 774 | 754 | 17,360 |
109 | 50 847 534 | 2 592 592 | 1 701 | 19,670 |
1010 | 455 052 511 | 20 758 029 | 3 104 | 21,980 |
1011 | 4 118 054 813 | 169 923 159 | 11 588 | 24,280 |
1012 | 37 607 912 018 | 1 416 705 193 | 38 263 | 26,590 |
1013 | 346 065 536 839 | 11 992 858 452 | 108 971 | 28,900 |
1014 | 3 204 941 750 802 | 102 838 308 636 | 314 890 | 31,200 |
1015 | 29 844 570 422 669 | 891 604 962 452 | 1 052 619 | 33,510 |
1016 | 279 238 341 033 925 | 7 804 289 844 392 | 3 214 632 | 35,810 |
4 ·1016 | 1 075 292 778 753 150 | 28 929 900 579 949 | 5 538 861 | 37,200 |
Une bien meilleure approximation, et une estimation de l'erreur, est donnée par la formule :
pour de grandes valeurs de x (Li est la fonction logarithme intégral).
Le théorème des nombres premiers nous renseigne également sur le comportement asymptotique du nième nombre premier p(n)
On peut aussi en déduire que la probabilité pour qu'un nombre entier n pris au hasard soit premier vaut 1/ln(n).
[modifier] Histoire
Le théorème des nombres premiers a été conjecturé par Gauss en 1792 alors qu'il avait seulement 15 ans et par Adrien-Marie Legendre en 1798, puis démontré indépendamment par Jacques Hadamard et de la Vallée Poussin en 1896.
La démonstration utilise des méthodes d'analyse complexe, en particulier la fonction ζ de Riemann.
À cause de la relation entre la fonction ζ de Riemann et π(x), l'hypothèse de Riemann a une importance considérable en théorie des nombres : si elle était démontrée, cela produirait de loin une bien meilleure estimation de l'erreur intervenant dans le théorème des nombres premiers.
Helge von Koch en 1901 a montré plus précisément, que si l'hypothèse de Riemann était vraie, le terme d'erreur dans la relation mentionnée ci-dessus pourrait être amélioré en :
La constante sous la notation grand O est inconnue.
On est encore loin d'un tel terme d'erreur. En revanche, on sait que toute amélioration de la région sans zéro de la fonction ζ de Riemann améliore de facto le terme d'erreur du théorème des nombres premiers. La meilleure région sans zéro actuellement connue a été obtenue en 1958 par Korobov et Vinogradov. Cette région implique le résultat suivant : lorsque , on a
où c > 0 est une constante absolue.
En ce qui concerne des majorations explicites, mentionnons les travaux de Rosser et Schoenfeld (1962, 1975, 1976), puis ceux de Dusart (1998). À l'aide d'ordinateurs de plus en plus puissants, ces chercheurs ont pu déterminer de plus en plus de zéros non triviaux de la fonction ζ sur la droite critique. Cette connaissance de plus en plus approfondie implique de bonnes estimations des fonctions usuelles de nombres premiers, avec ou sans l'hypothèse de Riemann. Ainsi, en 1976, Schoenfeld a-t-il pu établir que, si l'hypothèse de Riemann est vraie, alors on a, pour tout réel :
alors que, sans condition, Dusart a démontré que, pour tout réel , on a :
où et
.
[modifier] Ce qu'il advint de la « profondeur »
Il est convenu de distinguer plusieurs types de démonstrations mathématiques, en fonction du degré de sophistication des théories mathématiques auxquelles on fait appel ; le théorème des nombres premiers fournit un prototype pour ce genre de considérations.
On a longtemps cru, au début du XXe siècle, et notamment G. H. Hardy, que toute démonstration du théorème des nombres premiers devait forcément faire appel à des théorèmes d'analyse complexe ; ce qui par ailleurs pouvait paraître frustrant pour un énoncé semblant porter essentiellement sur les nombres entiers (quoique nécessitant les nombres rationnels, voire les nombres réels pour pouvoir être énoncé). C'était donc un défi pour les mathématiciens d'essayer de trouver une démonstration élémentaire de ce théorème - élémentaire ne voulant pas dire simple, ni peu sophistiqué, mais seulement faisant le moins possible appel à des méthodes externes, à l'arithmétique dans notre cas - ou bien de comprendre précisément pourquoi certains énoncés ne sont accessibles qu'avec des méthodes plus évoluées que ce à quoi on pouvait s'attendre. Hardy parlait donc de « profondeur » des théorèmes et pensait que le théorème des nombres premiers faisait partie des énoncés dont la « profondeur » ne les rendait accessibles que par le biais de l'analyse complexe.
Une première brèche dans cette conception fut la découverte d'une démonstration basée seulement sur le théorème taubérien de Norbert Wiener ; mais il n'était pas clair qu'on ne puisse pas attribuer à ce théorème une « profondeur » équivalente aux théorèmes issus de l'analyse complexe.
Le débat fut tranché en 1949, quand Paul Erdős et Atle Selberg donnèrent chacun une démonstration indéniablement élémentaire du théorème des nombres premiers. Quelle que soit la valeur du concept de « profondeur », celle du théorème des nombres premiers n'exigeait pas d'analyse complexe. De manière plus générale, la découverte de ces démonstrations élémentaires provoqua un regain d'intérêt pour les méthodes de crible, qui trouvèrent ainsi toute leur place dans l'arithmétique.
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