Zone morte
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Les zones mortes (marine dead zone pour les anglosaxons) sont des zones hypoxiques (déficitaires en oxygène dissous) dans l'environnement aquatique (mers, océans, estuaires, grands lacs, mares etc.). Il existe des zones naturellement anoxiques dans les gands fonds ou au fonds de grands lacs là où l'eau est stratifiée et immobile mais un nombre croissant de zones normalement riches en oxygènes s'appauvrissent pour parfois perdre toutes leurs formes de vies supérieures fixées. La plus vaste zone morte repérée a atteint 70 000 km² environ en 2003.
L’oxygène dissous est exprimé en pourcentage du seuil de saturation, lequel varie selon la température, la pression et la salinité de l’eau, et indirectement selon l'agitation et la stratification des couches d'eau.
- La plupart des espèces supérieures ont besoin d’une eau riche en oxygène, à au moins 80 % du seuil de saturation.
- On dit qu'il y a hypoxie lorsque l’oxygène dissous n’est présent que pour 1 à 30 % de son seuil de saturation dans l’eau ; les formes de vies naturellement présentes dans un milieu oxygéné sont alors perturbées ou tuées. Sous la barre des 30 % du seuil de saturation, la plupart des poissons fuient la zone quand ils le peuvent ou meurent, la décomposition de leur cadavre contribuant à encore consommer l'oxygène dissous restant).
- Le stade d’anoxie et atteint quand l’oxygène dissous est totalement absent. Toutes les formes de vie dites "supérieures" disparaissent alors au profit de bactéries primitives et d'organismes fongiques. Certains poissons tentent de piper l’air en surface, certains organismes munis ou poumons ou pouvant respirer en surface par la peau survivent à une brève période d’anoxie (quelques minutes à quelques heures), mais peuvent néanmoins mourir des suites du manque de nourriture ou des toxines produites par la décomposition des organismes dans les zones devenues anoxiques ou très appauvries en oxygène. (La décomposition de la nécromasse en l'absence d'oxygène est en effet une source de toxines pour le milieu ; toxine botulique par exemple, mortelle pour l’Homme au millionnième de gramme).
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[modifier] Ampleur du phénomène
Un rapport de 2004, repris dans le rapport GEO 2003, présenté aux ministres à l'ONU en 2004 identifie près de 150 « dead zones » dans le monde. Klaus Toepfer (Directeur exécutif du PNUE (Programme des Nations unies pour l’environnement) notait à cette occasion que si certaines de ces zones sont de superficie réduites (moins d’un kilomètre carré), d’autres sont devenues très vastes, la plus grande atteignant 70 000 km² !.
Le nombre et la taille de ces zones augmentent chaque décennie au moins depuis les années 1970. Les scientifiques en comptaient en 2003 listé près de 150 majeures dans les mers de la planète, chacune traduisant très probablement des phénomènes graves de dystrophisation marine. Dans certains cas, comme en Mer Baltique, en quelques dizaines d'années, voire en une seule décennie, toutes les formes de vie supérieure ont disparu, au profit de bactéries très primitives proches de celles qui vivaient il y a plusieurs milliards d'années, avant l'appariton de la vie sur les terres émergées. Une interdiction de la pêche dans tout ou partie de la Baltique a été évoquée, mais ne semble pas actuellement politiquement envisageable. La Commission HELCOM tente avec d'autres de limiter ce phénomène à la source en limitant les apports d'engrais et de nutriments sur terre et en étudiant le problème des munitions immergées.
[modifier] Causes du phénomène
- Dans un premier rapport[1] pour l'ONU, les experts ont identifié comme première cause les apports de fertilisants agricoles et les apports de nutriments et matière organique induits par la dégradation et l'érosion croissante des sols agricoles ou déboisés, dans un contexte d'agriculture de plus en plus intensive. Ces apports contribuent à augmenter la DCO (Demande chimique en oxygène) et la DBO (Demande biologique en oxygène bien audelà de ce que le milieu peut fournir la nuit à partir des réserves d'oxygène dissous dans l'eau, et parfois de jour tant l'eau est chargée de matières consommant de l'oxygène)
- S'y ajoutent des pollutions diverses, principalement industrielles, urbaines et automobiles.
- Le manque de réseaux de collecte et d'épuration des eaux usées dans les régions densément peuplées participe sans doute aussi du phénomène, mais ne peut expliquer à lui seul la répartition de ces zones.
- Dans certaines régions du monde, les taux d’azote dissous dans les pluies augmentent également fortement (notamment depuis l’usage de l’épandage d’engrais azotés liquides sur les champs). De même les pluies acides solubilisenr plus de nutriments, qui sont emportés à la mer ou dans les lacs. Les grandes inondations sont également plus fréquentes, souvent pour des causes humaines (pratiques agricoles, remembrements, perte de matière organique des sols et imperméabilisation croissante des surfaces habitées). La combinaison de ces 3 phénomènes accélèrent les apports de matières eutrophisantes en mer.
- La turbidité augmente alors, au point d'empêcher les rayons solaires de pénétrer l'eau. La photosynthèse est inhibée et et les Ultra-violets solaires, ni l'oxygène ne jouent plus leur rôle "désinfectant" naturel.
- Divers pollutions, dont par les pesticides, les métaux lourds, les hydrocarbures et localement de polluants chimiques issus de l'immersion de déchets peuvent exacerber le phénomène.
- Localement, un lien possible et plausible avec l'impact de fermes marines aquacoles a été évoqué.
- L'utilisation de boules d'amorces riches en matière organique par les pêcheurs en eau douce fermée ou à courant lent est également une cause majeure d'eutrophisation et d'anoxie des couches profondes;
- Enfin, une nouvelle cause possible non citée par le rapport de l'ONU, mériterait comme l'a demandé la commission OSPAR d'être explorée ; il s'agit de possibles impacts différés de l'immersion massive dans le passé de munitions conventionnelles et chimiques.
En effet des millions de munitions non utilisées ou non explosées (dont chimiques) ont été jetées en mer depuis la fin de la Première Guerre mondiale (1914-1918). Un rapport adressé en 2005 par les États-membres à la Commission OSPAR a listé pour la première fois (avec 5 ans de retard) 148 sites officiellement reconnus par les États-membres de la convention OSPAR comme zones de décharge sous-marine de munitions. Trente de ces zones ont exclusivement reçu des armes chimiques, et trois sont déclarées avec un contenu « inconnu ». Il se trouve que les zones connues d'eutrophisations et certaines zones mortes majeures (En Manche/Mer du Nord et Baltique notamment) coïncident avec des zones importantes d'immersion ou avec les zones qui seraient touchées par leur panache de diffusion s'il y avait fuite de toxiques. Si certains obus et munitions ont commencé à fortement se dégrader et/ou à fuir, le cuivre et les métaux lourds qui les composent, ainsi que les toxiques de combat que certains contiennent pourraient localement être impliqués dans la mort du plancton et d’autres organismes. Des études (HELCOM) ont montré une augmentation nette de certains polluants (arsenic par exemple) à proximité de certains dépôts (en mer Baltique par exemple), alors que dans d'autres cas (Zeebrugge) pas ou peu de traces ont été décelées, mais dans une zone à fort courant. Mais les obus se dégradent et l'impact des toxiques qu'ils contiennent est très difficile à modéliser. Les Nitrates composent une grande partie de l'explosif des douilles de nombreux types de munitions immergées depuis un siècle. Les photographies prises sur certains sites montrent des douilles rongées et aujourd'hui vides, qui laissent supposer que leur contenu a été solubilisé dans la mer. (Voir l'article Munition immergée pour plus de détails)
- En 1995, des experts réunis par l'OTAN avaient prévenu que les obus commençeraient probablement à fuir vers 2005. Mais si d'importants efforts sont fait en Russie et au Canada notamment pour dépolluer des décharges militaires, aucune mesure de récupération ne semble avoir a été tentée en mer. Deux raisons en sont le coût et les risques induits par de telles opérations, et le manque d'unités industrielles capables de détruire et décontaminer ces matériels en grande quantité.
[modifier] Mécanismes de formation
- L'hypothèse la plus consensuelle est que les nutriments d'origine agricole, industrielle et issus des transports, ainsi que des déchets apportés en mer par les fleuves ou les pluies ou qui y ont été directement immergé durant des décennies s'accumulent, se concentrent ou stagnent dans des conditions et zones particulières. Là, une forte eutrophisation conduit à une dystrophisation et donc à un état d’anoxie qui finit par éloigner et/ou tuer toutes les espèces supérieures dont poissons, crustacés et coquillages nécessaire à la survie d’une part importante de la population humaine. Les herbiers marins sont également dans ces zones totalement mortes.
Les seuils d'hypoxie varient légèrement selon les région (l'oxygène se dissout mieux dans l'eau froide, et les poissons des régions chaudes ont des besoins parfois moindres en oxygène. On estime généralement qu'il y a hypoxie (chronique, accidentelle ou saisonnière) quand les taux d'oxygène dissous chutent sous les 2 ou 3 milligrammes/litre (mg/L), la normale pour un littorale variant de de 5 à 8 milligrammes/litre. Hormis quelques poissons disposants de poumons ou respirant par la peau (anguille), la plupart des poissons ont des difficultés respiratoires en-dessous de 5 mg/L.
- La situation peut brutalement basculer d'une situation apparemment saine et stable vers la mort des écosystèmes les plus riches et complexes, en quelques années parfois.
Des phénomènes complexes liés aux apports de fonte de neige au printemps et aux différences de température et salinité qui en résultent jouent probablement localement (en Baltique par exemple) aussi un rôle mal compris.
- La zone morte peut être éloignée de la zone d'où provient la surabondance de nutriments ou le polluant responsable. Le rapport OSPAR QSR 2000 estime que de l'eau enrichie en nutriments et en matière organique peut ainsi être transportée des côtes sud de l'Angleterre et du littoral français de la mer du Nord vers les eaux norvégiennes où elles pourraient être en (grande ?) partie responsable de l'eutrophisation du Skagerrak (zone profonde de la Baltique). La température ou la salinité sont des co-facteurs qui jouent d'abord parceque l'eau tiède perd naturellement son oxygène et ensuite par ce que les variations de température et de densité peuvent conduire à des stratification de couches de températures différentes, certaines pouvant durablement rester très appauvries en oxygène. Ce phénomène vaut pour certains lacs. Par exemple, le Lac artificiel du barrage EDF de Petit-Saut en Guyane, qui a noyé des millions d'arbres présente une couche superficielle d'eau douche normalement oxygénée (3 m d'eau environ) où tout paraît normal, au dessus d'une masse d'eau très appauvrie où la vie est beaucoup plus réduite..
[modifier] Situation en 2004
Les zones mortes sont « la grande menace du XXIe siècle pour les stocks de poissons » titrait un communiqué de l’ONU émis à Nairobi le 29 mars 2004 lors de la Huitième session extraordinaire du Conseil d’administration du PNUE et le Forum ministériel mondial sur l’environnement. Les écologues et gestionnaires de ressources halieutiques sont particulièrement préoccupés par la mer Baltique ou la situation ne cesse de se dégrader depuis les années 1980.
[modifier] Localisation
- Les premières zones mortes ont été repérées dans le Chesapeake Bay aux USA), en mer Baltique, dans le Kattegat, la Mer Noire et dans le nord de la mer Adriatique. D’autres ont été recensées dans les fjords scandinaves.
- Celle du golfe du Mexique, très pollué par les eaux du Mississippi a été bien étudiée, pendant que d’autres zones naissaient en Amérique latine, en Chine, au Japon, en Australie du sud-est et en Nouvelle-Zélande.
- Certains pays et des conventions internationales (OSPAR, HELCOM) incitent à limiter le phénomène.
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- Un accord sur le Rhin en Europe visait une diminution de 50 % des taux d’azote apportés en mer.
- En 2004, il n’avait été réduit que de 37 %.
[modifier] Perspectives
Les écologues et l'ONU craignent en 2004 l’émergence ou l’aggravation de ce type de problème en Asie, Amérique latine et Afrique, à cause de la croissance rapide de l’industrialisation et de l’agriculture intensive. Le réchauffement global pourrait également contribuer au phénomène via l’augmentation des précipitations, et la hausse des températures marines. Le choléra, certaines formes de botulisme ou d’autres maladies pourraient être favorisés par ce phénomène, qui par ailleurs par les émissions de CO2 et de méthane qu’il provoque contribue à l’effet de serre.
[modifier] Engagements internationaux
- En Europe, en 1998, l'OSPAR a adopté une stratégie de lutte contre l'eutrophisation (Numéro de référence OSPAR 1998-18), incluant l'objectif de : « combattre l'eutrophisation dans la zone maritime d'OSPAR » pour « parvenir à et maintenir un milieu marin sain où les phénomènes d'eutrophisation ne se produiront pas. » Le calendrier OSPAR, prévoyait de rétablir une situation normale avant 2010.
- Les pays baltes sont engagés par la convention HELCOM à réduire la pollution de la mer Baltique.
- Directives européennes : La Directive cadre sur l'eau et la Directive Nitrate devraient contribuer à réduire à la source les polluants eutrophisants marins, puisqu'elles incluent dans leur champ d'action et dans leurs objectifs tant les eaux douces que salées et saumâtres avec l'objectif de retrouver un bon état écologique des eaux. L'application de la directive nitrate a été très difficile, notamment les premières années avec les critères d'établissement de zone vulnérable qui n'ont pas été respectés dans certaines régions d'agriculture intensive (Nord de la France par exemple), mais son application semble s'améliorer, avec de premiers effets visibles.
[modifier] Liens internes
[modifier] Liens externes
- (en) http://www.ehponline.org/docs/2000/108-3/focus.html
- (en) http://www.nature.com/news/2005/050620/pf/4351014b_pf.html
- (en) http://www.sciencedaily.com/releases/2004/12/041208202518.htm
- (fr) http://www.unep.org/gc/gcss-viii/FRENCH/PressRelease_F2.asp
- (en) Rapport OSPAR sur les munitions immergées (Overview of Past Dumping at Sea of Chemical Weapons and Munitions in the OSPAR Maritime Area) Version 2005
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