Kabyles
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- Cet article traite du peuple Kabyle. Pour la langue, voir l'article Kabyle
Les Kabyles sont un peuple berbère habitants la Kabylie, région montagneuse à l'est d'Alger en Algérie. Les habitants de cette région densément peuplée ont massivement émigré vers différentes parties du pays (notamment Alger) et vers la France. Depuis 1871, ce groupe sociolinguistique tente de faire face à une assimilation culturelle, linguistique (arabe dialectal et français) et à une mutation de son organisation sociale.
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[modifier] Étymologie et différents noms
Certains lui attribuent une origine phénicienne, de la liaison du K, comparatif dans la langue hébraïque, et de Baal, nom de divinités syriennes ; k-Ball, adorateur de Baal[1]. On aurait donc par analogie une origine phénicienne pour d'autre nom de tribus, comme pour les Flittas (tribus du nord-ouest de l'Algérie) de Philistin, ou encore les Mozabites de Moabite. Cependant, cette étymologie est remise en cause du fait même de l'absence de mention dans les écrits de l'antiquités. Seul l'historien Hérodote mentionne les « cabales »[2], tribus libyques de Cyrénaïque, aucun des nombreux autres auteurs de l'époque romaine, géographes ou historiens, n'en font mention.
Le terme est utilisé, pour la première fois, vers le XVIIIe siècle d'abord sous la forme de Cabeilles, puis Cabaïls par les explorateurs occidentaux pour désigner les population Berbères de l’Algérie septentrionale, alors même que l'arabe est déjà largement répandue
Une origine arabe du mot est donc avancée. Deux racines sont alors envisagées : Kuebila (pl. Kbaïl), « tribu » ; et Kabel, « il a accepté »[1]. Le premier serait en référence à l'organisation des Kabyles en fédération, et le second s'expliquerait par l'acceptation, après l'arrivé des conquérants musulmans, de la nouvelle religion, ils auraient accepté le Coran. La première racine étant aujourd'hui privilégiée et plus largement répandue[3],[4].
C'est donc le terme que les Européens utilisaient pour désigner ces montagnards qui portaient des noms différents en fonction des tribus auxquelles ils appartenaient. Aussi, il pouvait aussi bien désigner les berbères des Aurès, de l'ouest algérien, et même du Maroc. On parlait alors de Kabylie de l'Ouarsnis, ou encore des Kabylies du Maroc[1]. Le nom s'est ensuite restreint à l'ensemble formé de la Kabylie du Djurdjura et celles des Bibans-Babors, du fait notamment de la plus grande attention que la France a fixé à cette région qui opposait une résistance plus tenace.
Les arabophones utilisaient le mot Zwawa[5], déformation du berbère Agawa, un massif au cœur de la Grande Kabylie, dont le pluriel Igawawen était le nom d'une tribu très puissante et ancienne confédération composée de huit tribus organisées en deux confédérations : At Betrun (At Yanni, At Budrar, At Bu Akkach, At Wasio) et At Mengellat (At Mengellat, At Bu Yusef, At Weqbil, At Attu).
Il semblerait que dans l'Antiquité, les Igawawen aient porté le nom de Quiquegentiani, appellation administrative désignant cinq tribus (quinque gente). Une vieille légende rapporte en effet que les montagnards descendent d'un géant qui eut cinq fils, lesquels formaient les cinq tribus antiques (Boulifa, 1925), les fameux Quinquegentiani qui donnèrent tant de mal aux Romains.
Zwawa a donné en français zouave, puisque les premiers fantassins indigènes étaient originaires de cette confédération.
[modifier] Langue
- Article détaillé : kabyle.
Le kabyle (taqbaylit) se rattache au groupe berbère. La Kabylie représente la deuxième concentration de berbérophones après le Souss (Sud du Maroc). Estimée à 6 millions de locuteurs (la moitié des berbérophones algériens), cette langue est très proche du chenoui (parlé dans le Chenwa à l'ouest d'Alger) et du chaoui (tachaouit) parlé dans les Aurès au sud-est de la Kabylie. Très attachés à leur identité berbère, les Kabyles revendiquent la reconnaissance du pluralisme linguistique, notamment par la consécration pour la langue Tamazirt (Berbère) dans la Constitution algérienne d'un statut de langue officielle, en plus de celui de nationale déjà accordé[6].
[modifier] Société ancienne
L'organisation sociale des Kabyles, autrefois éleveurs et agriculteurs a été abondamment étudié, notamment par le sociologue français Pierre Bourdieu[7]. Ce modèle a été largement modifié par la forte émigration qui a bouleversé les rapports sociaux[8], l'urbanisation, mais on peut tracer les grands traits de la société traditionnelle.
Chaque village formait la tajmaât (de l'arabe djemaâ, « assemblée »), une petite organisation semblable à la république démocratique[9]. Elle était composée de tous les hommes ayant atteint la majorité, et où en principe tout citoyen, quelque soit sa condition socio-économique, pouvait prendre la parole pour exposer ses idées et prendre position lors des propositions de résolutions. Les vieillards, à qui l'on attribuaient le titre d’imgharen, parce qu'ils étaient chef de famille, ou même de la lignée vivante, bénéficiaient d'un respect particulier et d'une grande écoute, aussi l'on accordait à leur décisions dans la jamaâ une plus grande importance, et la démocratie kabyle s'apparentait parfois plus à une gérontocratie.
On y nommait l’amin (« chef ») (ou l'amuqran; « ancien », suivant les régions) qui était chargé du bon déroulement de l'assemblée et de la mise en application de ses décisions.
Pour les plus grandes tajmaât, le chef était parfois assisté dans ses fonctions par un uqil et plusieurs t'emen[10]. L'uqil avait la responsabilité des revenues de la tajmaât, et avait en plus un droit de regard sur les décisions du chef. Il appartenait en général à un çof (« ligne », alliance de plusieurs tribus) opposé à celui du chef, constituant un véritable contrepoids au pouvoir exécutif, ce qui assurait un certaine stabilité politique[10]. Le t'emen, sorte de « député-maire », représentait son çof lors des réunions et transmettait les décisions.
Conseil municipal, cour de justice et cour souveraine, la tajmaât se référait, en cas de litige ou de problème, à des textes de lois, les « qanôun kabyles »[11], la plus haute autorité juridique, qui définissaient le moindre manquement et sa sanction[12].
Le code de l'honneur protégeait « la maison, les femmes, les fusils », et stipulait que le meurtre devait être vengé par les liens du sang ou par l'argent (les auteurs de ces actes étaient rejetés de la communauté). La filiation est patrilinéaire. Le patronyme de l'ancêtre commun se transmettait. La tajmaât vivait sous l'autorité du groupe, où l'esprit de solidarité était fort développé. Pour exemple le terme tiwizi (« solidarité ») désignait l'activité collective consistant à aider un villageois dans une de ses tâches comme le ramassage des olives[13], à laquelle il contribuait directement ou en nourrissant les participants.
[modifier] Notes et références
- ↑ 1,0 1,1 1,2 « Mœurs et coutumes de l'Algérie - Tell, Kabylie, Sahara » par Eugène Daumas, éd. Hachette, 1855, p.156-158
- ↑ (fr) - Livre IV - Melpomène, CLXXI, « L'Enquête », Hérodote.
- ↑ D'après TLFi, Trésor de la Langue Française sur Internet.
- ↑ (en) - The American Heritage® Dictionary of the English Language: Fourth Edition. 2000. Appendix II: Semitic Roots.
- ↑ Zwawi au sg. qui a donné le patronyme Zouaoui.
- ↑ (fr) - « Loi n° 02-03 portant révision constitutionnelle », adopté le 10 avril 2002, attribuant notamment à tamazight le statut de langue nationale.
- ↑ Une grande partie de son œuvre anthropologique se base sur l'analyse de la société kabyle (Esquisse d'une théorie de la pratique (1972), Le sens pratique (1980), La domination masculine (1998), …) (Voir : Bourdieu : Passage à la sociologie).
- ↑ L'exil kabyle, Mohand Khellil, éd. L'Harmattan, 2000, p.173-176 (ISBN 2858021414).
- ↑ Dictionnaire de la culture berbère en Kabylie , Camille Lacoste-Dujardin, La Découverte, Paris, 2005 (ISBN 2707145882).
- ↑ 10,0 10,1 La Kabylie et les coutumes kabyles - A. Hanoteau et A. Letourneux, éd. Bouchène, Paris, 2003, Chap. VI-VIII (ISBN 2-912946-43-3).
- ↑ À propos "des qanouns kabyles" de Belkassem Bensedira, Mustapha Gahlouz, Awal, Cahiers d’Études Berbères n° 16, 83-99.
- ↑ « Kanoun kabyle », exemple de qanôun, celui de la tribu des Beni Mansour (extrait du Cahiers du centenaire de l'Algérie, édité par le Comité national métropolitain du centenaire de l'Algérie en 1930).
- ↑ Tiwizi de nos jours fait encore partie intégrante de la société kabyle. Lire à ce sujet : Tiwizi ou la création collective : le toit de la solidarité reportage de Rachid Oulebsir (3 Mars 2007).
[modifier] Bibliographie
- « La Kabylie et les coutumes kabyles » - A. Hanoteau et A. Letourneux, éd. Bouchène, Paris, 2003 (ISBN 2-912946-43-3).
- « Hommes et femmes de Kabylie » - Salem Chaker, éd. Edisud, 2000 (ISBN 2744902349).
- « Berbères aujourd’hui » - Salem Chaker, éd. L’Harmattan, 1999 (ISBN 2738473512).
- « Les Kabyles. Éléments pour la compréhension de l'identité berbère en Algérie » - Tassadit Yacine, GDM, Paris, 1992 (ISBN 2-906589-13-6).
- « Les kabyles propos d'un témoin » - Jean Morizot, éd. L'Harmattan, Paris, 2003 (ISBN 2-7475-1027-1).
- « De la question berbère au dilemme kabyle, A l'aube du XXIème siècle » - Maxime Ait Kaki, éd. L'harmattan, mars 2004 (ISBN 2747557286).
- « L’émigration kabyle en France : une chance pour la culture berbère ? » - Nadia Belaïdi, U21-Editions universitaires de Dijon, Dijon, 2003 (ISBN 2-905965-82-7).
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens internes
[modifier] Liens externes
- (fr) Laïcité et athéisme en Kabylie : Mythes et ambigüités par Yidir Plantade.
- (fr) « Kabylie : Organisation Sociale » par Farida Aït Ferroukh
- (fr) « Géographie culturelle et géopolitique en Kabylie » par Camille Lacoste-Dujardin
- (en) Kabyle - Joshua Project
- (fr) « La maison Kabyle (Axxem) » - Kabylie n'At Wartilan
- (fr) « La Femme kabyle » - Karim Danoun
- (fr) Kabyles.com - Site d'actualité
- (kab) Imyura.net - La littérature des Kabyles
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