La dame à la licorne
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La dame à la licorne est une série de six tapisseries datant du XVe siècle, que l'on peut voir au musée national du Moyen Âge (Thermes et hôtel de Cluny, à Paris).
Toutes les tapisseries reprennent les mêmes éléments : sur une sorte d'île, on voit une femme entourée d'une licorne à droite et d'un lion à gauche, parfois d'une servante et d'autres animaux.
Cinq de ces représentations illustrent un sens :
- le goût : la dame prend une dragée que lui tend sa servante ;
- l'ouïe : la dame joue de l'orgue ;
- la vue : la licorne se contemple dans un miroir tenu par la dame ;
- l'odorat : pendant que la dame fabrique une couronne de fleurs, un singe respire le parfum d'une fleur dont il s'est emparé ;
- le toucher : la dame tient la corne de la licorne ainsi que le mât d'un étendard.
La sixième tapisserie, sur laquelle on peut lire la formule « A mon seul désir », est plus difficile à interpréter.[1]. Suivant Arnaud, ces tapisseries auraient été réalisées à partir de cartons du peintre Jean Perréal, dit Jehan de Paris. Selon le catalogue d'une exposition consacrée aux Primitifs français au Louvre en 2004, ce serait plutôt le style du Maître d'Anne de Bretagne (Jean d'Ypres, mort en 1508, ou son frère Louis, tous deux issus d'une lignée de peintres) qui aurait inspiré les cartons des tapisseries.[2]
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[modifier] Histoire et légendes
Inspirées d'une légende allemande du XVe siècle, les tapisseries dites de « La Dame à la licorne » furent tissées dans les Flandres entre 1484 et 1500. Elles avaient été commandées par Jean Le Viste, président de la Cour des Aides de Lyon. À la suite d'héritages successifs, elles passèrent des Le Viste aux Robertet, aux La Roche-Aymon, puis aux Rilhac, qui les firent transporter dans le courant du XVIIIe siècle dans leur château de Boussac.
En 1833, le château fut vendu à la municipalité de Boussac par leur lointaine héritière, la comtesse de Ribeyreix (née Carbonnières) ; il devint en 1838 le siège de la sous-préfecture de l'arrondissement.
Les tapisseries y avaient été laissées, et nombreux furent ceux qui eurent l'occassion de les admirer et d'échafauder les hypothèses les plus invraisemblables sur leur origine. C'est ainsi que l'on attribua leur réalisation au prince ottoman, Djem (« Zizim »), malheureux rival de son frère le sultan Bajazet II, qui, en attendant d'être claquemuré dans la tour construite à son intention à Bourganeuf (voir cet article pour plus de détails), avait séjourné dans divers châteaux de la région, dont celui de Boussac (ce qui n'a jamais été établi). Pour tromper son ennui, il les aurait confectionnées avec l'aide de sa suite. Suivant d'autres sources, tout aussi fantaisistes, ces tapisseries auraient été réalisées à Aubusson : on sait qu'il n'en est rien.
Parmi les familiers de la sous-préfecture de Boussac figurait George Sand, la « voisine de Nohant ». Dans son roman Jeanne et dans divers articles, elle évoqua ces tapisseries[3]. Et c'est elle, très vraisemblablement, qui en signala l'existence à son éphémère amant, Prosper Mérimée, inspecteur des monuments historiques, qui visita la région en 1841 et les fit classer au titre des monuments historiques.
La correspondance de Mérimée apporte une précision intéressante à propos des tapisseries : il y en existait d'autres "plus belles, me dit le maire, mais l'ex propriétaire du château - il appartient aujourd'hui à la ville - un comte de Carbonière [sic] les découpa pour en couvrir des charrettes et en faire des tapis"[4]. Reste à savoir si les tapisseries découpées faisaient partie de la suite de la Dame à la licorne, ou s'il s'agissait d'autres tapisseries...
En 1882, la municipalité de Boussac vendit les six tapisseries pour une somme de 25000 francs-or à un collectionneur parisien, M. Du Sommerard. Celui-ci les installa dans son hôtel de Cluny à Paris (aujourd'hui Musée national du Moyen Âge), qu'il devait léguer avec toutes ses collections à la ville de Paris.
[modifier] Notes
- ↑ La thèse d'André Arnaud, exposée dans la Revue de l'Art n° 209 d’octobre 1981, numéro spécial Magie de la tapisserie, soutient que la mystérieuse Dame à la Licorne du musée de Cluny serait Mary Tudor, troisième épouse de Louis XII et sœur d’Henry VIII, qui fut reine de France d’août à décembre 1514. La suivante de Marie sur la tapisserie serait Claude de France, épouse de François 1er. Elle est développée et soumise à discussion sur un site perso : http://perso.orange.fr/dame.licorne/
- ↑ Musée du Louvre, Catalogue de l'exposition Primitifs français, Paris, 27 février 2004-17 mai 2004)
- ↑ Voir notamment L'Illustration, 3 juillet 1847 (cité dans George Sand, Promenades dans le Berry, éd. Complexe, 1992 (préface de Georges Lubin), pp. 94-101). Dans cet article George Sand cite huit tapisseries (alors que six seulement nous sont connues). Les commentaires qu'elle ajoute à propos de ces tapisseries et de leur relation avec le séjour du prince turc "Zizim" (Djem) à Bourganeuf relèvent toutefois de l'imagination la plus fertile.
- ↑ Prosper Mérimée, Correspondance, Paris, Le Divan, 1943 (édition Parturier), tome III, année 1841, p. 94
[modifier] Anecdote
Cette tapisserie a inspiré le nom du roman Les Dames à la licorne de René Barjavel et Olenka De Veer.
[modifier] Bibliographie
- Erlande-Brandebourg (Alain), La Dame à la licorne, Paris, éd. des Musées nationaux, 1989, 83 p., bibliogr.
- Erlande-Brandebourg (Alain), La Dame à la licorne, (nouvelle édition revue et augmentée), avec des photos de Caroline Rose, Paris, Aveline, 1993, 226 p., bibliogr.
[modifier] Voir aussi
- Sutherland Lyall, La Dame et la Licorne, Parkstone Press, Londres, 2000, ISBN 1-85995-514-2.
- Tracy Chevalier a écrit en 1998 un roman, La Dame à la licorne, qui retrace l'histoire imaginaire de Nicolas des Innocents, miniaturiste à la cour de Charles VIII, choisi par Jean Le Viste pour réaliser les cartons de la suite des tapisseries. À la fin de du roman, Tracy Chevalier a ajouté, avec beaucoup d'honnêteté, deux pages précisant ses sources avec quelques notes (non exemptes d'erreurs) sur les origines et l'histoire de ces tapisseries. Voir (en) T. Chevalier.