Monnaie
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Instrument d'échange remplaçant le troc, symbole de la puissance des Etats, variable économique majeur.
Une des définitions de la monnaie consiste à dire que c'est un bien économique qui a trois fonctions :
- La fonction d'intermédiaire dans les échanges.
- La fonction de mesure des valeurs.
- La fonction de réserve de valeur (stockée en espèces, en dépôt ou en épargne).
La monnaie particulière d'un pays est appelée devise.
[modifier] Définition
La monnaie matérialise pour son détenteur la croyance en une valeur d'échange, un crédit supposé et donc en contrepartie, la dette potentielle de quelqu'un ou de quelqu'un d'autre (crédit signifie confiance). La monnaie reçue lors d'une opération économique ou commerciale ne vaut que par la possibilité d'être acceptée par un grand nombre d'utilisateurs. Les métaux précieux, l'or, l'argent mais aussi le cuivre servirent de monnaie pour les civilisations de l'Antiquité. Les tyrans antiques se saisirent progressivement du droit de battre monnaie - à leur effigie -, et les imposèrent comme instruments commerciaux obligatoires dépossédant leurs sujets du privilège de la confiance et la concentrant entre leurs mains.
Mais pour être crédible une monnaie devait avoir une certaine valeur d'échange ou être « garantie » (exactement comme un garant ou une caution pour un prêt).
Cela était compromis par de nombreuses malversations (métaux non précieux ajoutés à l'or et l'argent) réduisant finalement la valeur de la monnaie et produisant de l'inflation. La monnaie perd alors sa valeur et ceux qui la détiennent sont ruinés.
Des billets furent émis qui représentaient une contrepartie en or. Car pour ainsi dire partout l'or pouvait être reçu en échange. Seules les banques (après les villes, seigneurs, guildes et autres groupes humains) reçurent le privilège d'émettre des billets. Singulièrement, la banque centrale à partir du XVIIIe siècle en Grande-Bretagne et les banques en France sous Napoléon devaient posséder pour chaque billet émis la garantie or. L'accroissement de la masse monétaire ainsi permis facilita la croissance économique. Mais un tel monopole garanti par l'État allait permettre de se passer de la garantie or. Subissant une crise économique il fut décidé de « libérer » la monnaie de sa garantie or. Cela permit aux États occidentaux de pouvoir émettre plus de monnaie qu'il n'existait de contrepartie physique à celle-ci. Ils pallièrent ainsi la crise économique en endettant les citoyens.
En règle générale, chaque pays donne un monopole à une seule monnaie, contrôlée par une Banque centrale d'État, bien qu'il existe des exceptions. Plusieurs pays peuvent utiliser le même nom, chacun pour sa propre monnaie (par exemple franc français, belge, suisse, CFA), plusieurs pays peuvent utiliser la même monnaie (par exemple l'euro) ou bien un pays peut déclarer que la monnaie d'un autre pays a cours légal (souvent le dollar). Le franc CFA a ceci de particulier que sa valeur est indexée sur celle du franc français. Ainsi, 1 franc français vaut 100 francs CFA, ou encore, étant donnée la parité franc français - euro, 1 euro = 655,96 francs CFA.
L'unité monétaire majeure est habituellement subdivisée en unités mineures. Très souvent, l'unité de subdivision monétaire a une valeur égale à 1/100 de l'unité de base. Cependant, certains pays ont une subdivision valant 1/10, 1/20 ou même 1/1000 de l'unité de base, alors que quelques-uns, comme l'Italie avant l'euro ou le Japon, n'en possèdent pas car la valeur de l'unité de base de leur monnaie est trop faible.
[modifier] Définir la valeur d'une monnaie (cotations)
Sans parler de la valeur faciale d'une monnaie, la question que tout le monde se pose quand il retrouve une de nos anciennes monnaies est, dans 80% des cas, : "combien ça coûte ?"
Il faut savoir que plusieurs éléments entrent en compte :
- Le type. Par exemple : 20 francs Cérès, 20 francs or Charles X, etc. C'est tout simplement le nom de la monnaie.
- Son état de conservation. Les états de conservation se font dans 90 % des cas avec les abréviations suivantes et sont généralement accompagnées d'un + ou d'un - pour peaufiner la cotation : B pour bien, TB, TTB, SUP pour superbe, SPL pour splendide (bien que cela soit un état plus commercial qu'officiel...), FDC pour fleur de coin.
- La date : elle est quasiment toujours dans la légende. Pour les monnaies romaines, l'empereur définit généralement la date.
- L'atelier de fabrication : généralement, c'est une lettre ou un symbole présent sous le buste (ex : A = Paris)
- La frappe. Deux types de frappes existent : frappe monnaie et frappe médaille. Pour vous aider, faites pivoter une monnaie entre vos doigts. Si les deux faces se présentent face à vous dans le bon sens, c'est une frappe médaille.
www.acbon.net Informations et cotations
[modifier] Étymologie
Le terme monnaie vient du verbe latin monere, qui signifie « avertir ».
En effet la monnaie romaine fut d'abord frappée dans un atelier monétaire voisin du temple de Junon Moneta — Junon « qui avertit » — sur le Capitole. Ce temple avait reçu ce surnom avec l'épisode des oies du Capitole, car ce sont les oies sacrées de ce temple qui en furent les « héroïnes ».
[modifier] Les différents types de monnaie
Si nous avons maintenant l'habitude de compter et de payer dans la même monnaie, il n'en a pas toujours été ainsi. On pourrait même considérer cette conjonction entre la monnaie de compte et la monnaie d'échange comme exceptionnelle.
En fait, pendant toute la grande période où l'or (et l'argent) ont été des monnaies pratiquement universelles, chaque pays voire chaque région d'un royaume disposait de sa propre monnaie de compte (parfois basée sur l'or, comme la livre, parfois basée sur l'argent, comme le mark), mais les paiements en or (ou en argent) de n'importe quelle provenance étaient souvent acceptés (généralement avec une décote par rapport à la monnaie locale, à poids de métal précieux identique, et parfois en passant outre à des interdits imposés par le seigneur local).
Ainsi et par exemple, la France de l'Ancien Régime comptait ses espèces en livres tournois (c'est à dire de la région de Tours), mais on y payait -- comme dans toute l'Europe -- avec des ducats vénitiens, des écus français, des florins (de Florence), des doublons espagnols, etc.
Ce n'est qu'avec la généralisation de la monnaie fiduciaire que la monnaie de compte s'est imposée pour les autres usages, puisque les billets se sont trouvés libellés directement dans cette monnaie de compte.
[modifier] Origine de la valeur de la monnaie
Historiquement (depuis Aristote, qui, le premier, donne une définition de la monnaie), deux pratiques se sont succédé :
- La première implique que la monnaie utilisée ait une valeur intrinsèque (commodity money). En fait, l'achat avec de la monnaie n'est alors considéré que comme un troc particulier. Beaucoup de supports ont servi de monnaie, puis au fil des siècles des métaux tels que l'argent et l'or se sont imposés, en effet ils répondent parfaitement aux critères de durabilité, de relative rareté et de divisibilité ; des substituts papier à cette monnaie peuvent aussi avoir cours (representative money).
- La seconde, qui est celle de l'ère moderne (abandon de l'étalon-or au cours du XXe siècle) mais qui apparaît très tôt, considère la monnaie comme une convention sociale : peu importe qu'elle n'ait aucune valeur intrinsèque (le papier-monnaie n'est que du papier, pratiquement inutilisable pour un autre usage que celui de monnaie) du moment que tout le monde l'accepte comme monnaie (de gré ou de force ...). On parle alors de monnaie fiduciaire (de fides : la foi, la confiance) ou de monnaie décrétée (fiat money).
- Paradoxalement, la nature même de la monnaie est une question peu étudiée par les économistes, à quelques illustres exceptions près : selon Karl Marx par exemple, elle représente seulement une valeur d'échange distincte de la valeur du travail qui a été nécessaire pour produire un bien (la différence étant accaparée par le propriétaire des moyens de production). Marx a consacré le chapitre 3 de son ouvrage Le Capital à cette question.
Deux économistes, Michel Aglietta et André Orléan, analysent eux dans « La violence de la monnaie » (1982-84) trois phases « historiques » dans la constitution d'une monnaie :
- L'évolution d'un produit couramment utilisé lors d'échanges en « marchandise universelle », servant à mesurer les valeurs de deux objets dans un troc.
- L'accumulation de cette monnaie par certains, qui leur permet alors d'acheter le travail d'autres personnes.
- La constitution de fortunes suffisantes pour permettre l'investissement (prêter de l'argent à intérêt pour une activité économique).
Lors des crises économiques, cette triple nature de la monnaie est mise en évidence: la confiance en la monnaie diminue, les estimations sur la conjoncture future deviennent pessimistes, et le crédit d'investissement se tarit (3). Ce tarissement du crédit entraine une chute de l'activité, et donc de l'emploi (2). Dans leurs phases ultimes, les crises économiques se caractérisent par une perte de confiance totale en la monnaie et par le retour à des pratiques de troc pour les échanges (1). Ainsi, la monnaie ne diminue pas l'asymétrie ou la violence éventuelle des rapports sociaux, elle les dilue dans l'ensemble du corps social usager de cette monnaie.
- En fait, On peut considérer que la monnaie a une valeur d'échange comme toute marchandise qui circule dans le système économique. La meilleur preuve étant qu'elle est soumise à la loi de l'offre et de la demande (ex : les tentatives de contrôler l'inflation en jouant sur le taux d'intérêt des crédits). Or, pour maintenir une "demande" de monnaie, condition siné qua non de sa valeur, il est nécessaire d'entretenir sa rareté. En effet, dans un système régi par la loi de l'offre et de la demande, on voit bien qui si l'offre augmente trop, la demande diminuera, étant satisfaite, ainsi que la valeur de l'argent. On peut donc sans crainte de se tromper dire qu'il est nécessaire qu'il n'y ait "pas assez" d'argent, car si personne n'en demande, il n'a pas de valeur, autrement dit, il est nécessaire qu'il y ait de la pauvreté, qui est simplement pris ici comme équivalent de "demande" (voir Friedmann).
[modifier] Les fonctions de la monnaie
Historiquement la monnaie a connu trois fonctions.
[modifier] Unité de compte
La monnaie permet d'affecter une valeur absolue à un bien ou à un service. La fonction d'unité de compte est souvent disjointe de celle de moyens de paiement. Aujourd'hui encore, de nombreux Français parlent en franc alors que le moyen de paiement reconnu est l'euro. Bien après la Seconde Guerre mondiale dans les magasins de luxe britannique, les prix étaient exprimés en Guinea. Celle-ci n'ayant aucune représentation matérielle, il fallait donc convertir les prix en livre pour pouvoir effectuer un paiement. En bref, la fonction unité de compte ne caractérise pas à elle seule la monnaie.
[modifier] Réserve de valeur
Par réserve de valeur, on entend la capacité que possède un instrument financier ou réel de transférer du pouvoir d'achat dans le temps. Ainsi, un bien immobilier constitue une réserve de valeur puisqu'il peut être acheté aujourd'hui et revendu dans le futur en procurant pouvoir d'achat à son détenteur. On appelle cela un actif réel par opposition à la notion d'actifs financiers ou titre parmi lesquels actions et obligations.
Il faut faire une distinction entre la monnaie et les autres actifs. Ceux-ci sont soumis au risque de perte en capital ou à l'opportunité d'une augmentation en capital. Au contraire, la monnaie a une valeur constante dans le sens qu'un billet de 20 euros vaudra 20 euros dans un an. En revanche, la monnaie n'est pas à l'abri des pertes liées à l'inflation : un billet de 20 € gardera la même valeur mais son pouvoir d'achat pourra être modifié.
[modifier] Moyen de paiement
Le moyen de paiement est sans doute la fonction qui caractérise vraiment la monnaie puisque, dans ce rôle, la monnaie à un monopole. Légalement, une dette ne peut être éteinte que par un transfert de monnaie. Il est certes vrai que d'autres moyens de paiement sont possibles, par exemple en nature. On trouve encore des contrats de ce type dans les baux de fermage, toutefois la généralisation de la monnaie en tant que moyen de paiement n'a pas fait disparaître l'échange des biens les uns contre les autres. En fait, la monnaie a supplanté le troc pour des raisons essentiellement techniques. À l'échelle globale pour que le troc puisse fonctionner il faut remplir deux conditions:
- un agent n'acceptera un bien que s'il y a une demande pour ce bien là,
- un agent n'acceptera pas de recevoir un bien en quantité supérieure à la quantité qu'il demande, si promptement aucun agent ne fournira un bien en quantité supérieure à celle qu'il offre. Ces deux conditions réunies s'appellent la double coïncidence des désirs.
[modifier] Émission de monnaie

[modifier] Par des individus
Lorsque la monnaie est constituée de biens dont la valeur est reconnue sans qu'une autorité particulière l'impose, elle peut-être émise par n'importe qui. C'était probablement le cas dans les premier temps, cela l'est encore dans certaines circonstances (ruée vers l'or).
Mais les possibilités que donne le pouvoir de « battre monnaie », notamment les manipulations de valeur et la taxation implicite que cela représente, ont rapidement conduit les autorités politiques à chercher à se réserver l'émission monétaire.
[modifier] Par les autorités financières
Les autorités financières ne sont généralement pas les créateurs primaires de monnaie, mais exercent une supervision de cette création, incombant de nos jours aux banques (voir ci-dessous). Par ailleurs les budgets publics peuvent avoir une incidence indirecte sur la demande de monnaie.
Autrefois, les institutions monétaires relevaient directement du pouvoir exécutif. La création de la monnaie et la politique monétaire relevaient directement du gouvernement, ces prérogatives étant assimilées à un droit régalien. De nos jours, les autorités financières sont incarnées par les Banques Centrales. Ces dernières peuvent être autonomes ou non face à l'exécutif politique.
Les autorités financières ont comme première vocation de « garantir » (au sens figuré) la valeur de la monnaie, autrement dit, la « confiance » portée par les porteurs et détenteurs (potentiels) de monnaie envers ladite monnaie. Le terme « garantir » revêt également un sens propre, que ce soit dans le système de l’étalon-or (les réserves d’or détenues par une Banque Centrale étant la « preuve » que la confiance monétaire est fondée) ou, dans le système moderne, par une banque centrale préteur en dernier ressort.
La seconde vocation d’une autorité financière est de créer (voir de détruire) de la monnaie (pièces et billets par exemple, mais en réalité, un simple jeu d’écriture peut permettre de créer de la monnaie). Toutefois, la création de nouvelle monnaie a un impact direct sur l’inflation (voir émetteur et détenteurs de monnaie).
En pratique moderne, les autorités financières ne créent pas elles-mêmes la monnaie. Cette fonction est déléguée aux banques elles-mêmes. Toutefois, elles supervisent l’ensemble : - en jouant sur les taux directeurs (les banques empruntent à une banque centrale avec un taux d’intérêt, les taux directeurs ou taux de refinancement (voir banque centrale, incidences d’une banque centrale sur l’économie) - en imposant des règles à l’ensemble des banques, afin que ces dernières présentent des garanties au regard des risques qu’elles prennent (voir banque – rôle et directives Bâle II notamment)
De nos jours, les autorités sont amenées à gérer la création monétaire de façon « raisonnable », en fonction de l’abondance ou de la rareté des liquidités, afin d’éviter des phénomènes de corrections importantes susceptibles d’engendrer de graves crises.
La troisième vocation d’une autorité financière est d’orienter « l’économie » en fonction de priorités qui lui sont généralement fixées par le pouvoir politique. Parmi les priorités politiques (par extensions, les priorités d’une Banque Centrale autonome), on peut normalement citer :
- la volonté de garantir une relative stabilité monétaire et, notamment, d’éviter des phénomènes d’inflation trop forte, ou, à l’inverse, de déflation, ces deux cas pouvant engendrer des corrections brutales et des crises graves. Concrètement, cela se traduit par la détermination de taux d’intérêts qui restent toujours « raisonnables » (disons entre 2% et 5%)
- la volonté de favoriser la croissance via la baisse des taux d’intérêts, ce qui permet d’accroitre les liquidités du marché. Ceci favorise normalement les investissements d’une part ainsi qu’une montée des salaires d’autre part (par redistribution des liquidités qui sont plus facilement disponibles), et donc, sous certaines conditions, la relance de la croissance économique. A contrario, l’afflux de liquidités favorise également l’inflation, ceci pouvant affecter le pouvoir d’achat. Importante et prolongée, l’afflux de liquidité fait perdre sa valeur à la monnaie.
- la volonté de jouer sur les engagements (dettes) d’Etats, en favorisant l’inflation (pour dévaluer la monnaie : voir inflation - inflation et choix économiques)
- influencer la balance commerciale. Plus une monnaie est forte, moins il revient cher d’acheter une ressource étrangère. Mais, réciproquement, la monnaie étant forte, il devient plus difficile d’exporter ses propres productions. La réciproque est vraie pour une monnaie faible (favorisation des exportations, importations plus chères).
En conclusion, les autorités financières ont un rôle capital : elles doivent garantir la valeur de la monnaie en circulation. « Jouer sur la monnaie » peut être considéré comme un jeu dangereux et hasardeux : les variables économiques sont intrinsèquement liées (croissance, emploi, pouvoir d’achat, …) et il n’existe aucune formule magique. Les phénomènes d’inflation et de déflation ont un effet important de correction, qui, brutales peuvent engendrer des crises graves et prolongées (voir banque centrale, cas de la déflation au Japon par exemple).
Ce sont d’ailleurs là les raisons essentielles qui ont conduit beaucoup de Nations à accorder une indépendance aux Banques Centrales, afin que la monnaie soit relativement à l’abri de décisions politiques dangereuses, trop portées sur le jeu monétaire.
[modifier] Par les banques
En pratique la monnaie est continuellement créée par les banques : tout titre qui représente une quantité de monnaie est lui-même de la monnaie, qui peut servir à tous les usages de la monnaie, y compris celui de servir de caution pour un nouveau titre, etc. La seule limite est qu'à chaque étape, on doit conserver une confiance dans la possibilité de retrouver la monnaie initiale : cette confiance se prouve par le fait qu'à tout moment la conversion est possible chez le dépositaire.
Il est de ce fait tout à fait évident que cette monnaie créée par une première banque peut se retrouver dans une ou plusieurs autres banques, augmentant de ce fait la capacité des autres banques à créer à leur tour de la monnaie ; c'est l'effet multiplicateur du crédit, bien expliqué par André Chaineau (Mécanismes et politiques monétaires - PUF - 1990), et qui fait dire que « l'ensemble du système bancaire privé est créateur de monnaie ex-nihilo ». De fait, la monnaie de crédit (temporaire), représente en France plus de six fois la monnaie permanente (pièces et billets).
Du temps de l'étalon-or, le mécanisme était le suivant:
Si 100 personnes déposent de l'or dans une banque, parce qu'il est plus pratique de se servir de chèques et qu'en plus la banque rémunère le dépôt, la banque constate rapidement qu'elle n'a besoin de conserver à tout moment qu'une fraction de l'or (par exemple celui de 8 personnes), et prêter (credit money) le reste contre garantie et rémunération. Ainsi, sont en circulation 92% de l'or initial, et des titres qui représentent 100% de cet or : la quantité de monnaie a été pratiquement doublée. En outre, l'or remis en circulation peut lui même revenir dans les coffres de la banque, et servir à alimenter le mécanisme : au final circuleront 12,5 fois (100 / 8) la quantité d'or initiale. La banque peut même n'avoir pas besoin de décaisser l'or, et faire le prêt par un simple jeu d'écritures : elle « crédite » le compte de son débiteur, auquel elle accorde la faculté d'émettre des chèques au-delà de son dépôt initial, avec la garantie de la banque.
De nos jours, l'étalon or ayant définitivement disparu dans les années 70, les banques travaillent sans or, sur la base de leurs « fonds propres ». La banque centrale a pour mission première d'assurer la solidité du système, en :
- contrôlant cette création monétaire effectuée par les banques ;
- et en étant prêteur en dernier ressort, ce qui de facto garantit toute « banque de dépôt » contre une panique qui pousserait ses déposants à retirer leurs avoirs tous en même temps (il suffit à la banque centrale de faire un prêt temporaire, le temps que les épargnants reviennent placer leurs économies dans la première banque ou une autre).
[modifier] Historique
Depuis des temps préhistoriques, les hommes ont compté leurs biens. Rapidement, un étalon s'impose dans chaque groupe humain : coquillage, minéraux précieux ou utiles comme le sel, petits lingots de métal (fer, puis argent ou or), etc.
On en trouve les premières traces modernes en Europe chez les Grecs anciens, au VIe siècle av. J.-C..
Alors que la monnaie représente déjà une certaine quantité de biens, qu'on ne pourrait pas manipuler aussi facilement, l'étape suivante est la mise en place d'une monnaie de second niveau, qui elle-même représente une grande quantité de monnaie métallique laissée en dépôt en lieu sûr. Ainsi apparaît la monnaie papier (le billet de banque, connu en Chine dès le VIIIe siècle), qui ne représente originellement qu'une dette payable à vue sous forme de métal ou d'autres biens.
On peut distinguer plusieurs étapes dans l'évolution historique qui a conduit de la monnaie métallique à la monnaie fiduciaire que nous connaissons aujourd'hui :
- le système bi-métallique (jusqu' aux XIXe siècle) : toutes les monnaies sont définies à la fois par rapport à l'or et par rapport à l'argent (métal). Chaque État, en fonction de ses disponibilités métalliques, utilisent préférentiellement l'un ou l'autre métal, et se sert de l'autre comme appoint. Les pièces d’or et d’argent notamment, de par leur valeur intrinsèque, circulent fréquemment en dehors de leur pays d’origine. Les découvertes minières et les évolutions financières dans une économie largement mondialisée à l'époque font fluctuer les proportions entre les deux métaux, et le développement de la monnaie papier et du crédit permettent de limiter les besoins de métal, et de supprimer l'argent-métal comme étalon.
- l'étalon-or « classique » (jusqu'en 1914) : toutes les monnaies sont définies par rapport à l'or. La monnaie-papier est un substitut à l'or (une once d'or équivaut à 20 dollars, 4 livres britanniques, etc.). Les taux de conversion de chaque monnaie en or, et donc entre elles, sont fixes. Cela assure la stabilité de la monnaie et empêche une inflation provoquée artificiellement par une augmentation de la masse monétaire (procédé auquel les États auront constamment recours par la suite).
- En 1865, est créée l'Union monétaire latine, une convention monétaire entre la Belgique, la France, l'Italie et la Suisse, convention à laquelle adhère la Grèce en 1868. Cette convention est restée en vigueur, moyennant plusieurs aménagements, jusqu'au 1er janvier 1927. Elle avait pour but d'harmoniser les monnaies de ces pays (module, titre, poids) qui avaient ainsi une circulation transfrontalière.
- l'étalon de change-or (1914-1971) : il s'agit d'un système mixte par lequel certains pays veulent conserver les avantages de l'étalon-or, alors que d'autres veulent se garder la latitude (via la « planche à billets ») d'avoir des taux de change variables. Ce système va devenir caduc en quelques décennies :
- Première Guerre mondiale : en raison du coût de la guerre toutes les monnaies européennes sont fortement dévaluées par rapport à l'or.
- 1922 : conférence de Gênes. Un nouvel ordre monétaire est mis en place où seuls les États-Unis conservent l'étalon-or classique. Le dollar repose sur l'or, la livre britannique sur le dollar, et les autres monnaies européennes sur la livre britannique.
- 1931 : le Royaume-Uni, conduit à augmenter sa masse monétaire, abandonne le système de change-or.
- 1934 : le dollar est défini comme 1/35 d'once d'or. Les citoyens états-uniens n'ont pas le droit de posséder de l'or.
- 1944 : accords de Bretton Woods : le système monétaire repose sur le dollar, seule monnaie encore ancrée à l'or.
- 1971 : sous Nixon, les États-Unis, ne pouvant plus maintenir le prix de l'or à 35 dollars l'once ni éviter une dévaluation du dollar, abandonnent l'étalon-or.
- le régime des changes flottants (à partir de mars 1973) : après l'abandon des accords de Bretton Woods, les monnaies varient entre elles librement, suivant l'offre et la demande, et donc en principe selon la quantité de crédit émise par chaque pays (une politique monétaire laxiste est « punie » par une baisse de la valeur de la monnaie locale par rapport aux autres devises). Il n'y a plus de contrepartie métallique à la monnaie émise, seulement de la dette.
Sur l'organisation et l'évolution du marché des changes depuis 1973, voir notamment : Forex et Dollar US.
[modifier] Monnaies atypiques
[modifier] Monnaie de nécessité
À l'occasion de grandes difficultés économiques (guerres, sièges, crise économique) la monnaie courante d'un pays, particulièrement les pièces divisionnaires, peut disparaître rapidement, pour permettre néanmoins les échanges, des organismes publics ou privés sont amenés à émettre une monnaie temporaire et locale, la monnaie de nécessité. Ce phénomène se produisit avec une ampleur considérable en France entre 1914 et 1926.
[modifier] Monnaie fondante
La valeur de la monnaie est variable, et relativement incontrôlée. Mais, dans certaines circonstances économiques, une des principales qualités de la monnaie (sa capacité à être stockée) devient un grave défaut : en période de déflation, il est plus avantageux de stocker le numéraire que de s'en servir, car le prix des biens s'effondre. La généralisation d'un tel comportement conduit à une grave crise économique, la production locale devient une activité à perte croissante jusqu'à la faillite, alors que les importations peuvent se poursuivre.
Une solution (déjà employée) consiste à lutter contre le sentiment de stabilité de la monnaie par l'usage de monnaie « fondante », par différents moyens qui organisent une sorte d'inflation forcée :
- chaque billet est daté, et sa durée de vie est limitée ; au terme de sa courte vie il sera échangé contre une coupure plus faible.
- chaque billet est muni d'un coupon dont on détache chaque jour un morceau, ce qui lui fait perdre une partie de sa valeur
- etc.
Voir à ce sujet l'article sur Silvio Gesell, inventeur de ce concept.
[modifier] Monnaie à droits spéciaux
Lorsqu'une monnaie est trop déstabilisée, il arrive qu'on la remplace par une nouvelle. Pour que l'opération se fasse, il faut que la nouvelle monnaie présente un avantage, une économie de coûts, pour les utilisateurs, ce qui implique souvent l'attribution d'avantages spécifiques :
- accès prioritaire, voire accès exclusif, pour l'achat de biens que l'État va aliéner (comme avec les assignats de la Révolution française, gagés sur les « biens nationaux »)
- réduction fiscale pour les paiements en cette nouvelle monnaie
- etc.
[modifier] Monnaies restreintes
Il est fréquent de mettre en place des monnaies spécialisées, qui permettent d'acheter seulement certains types de biens.
- chèque restaurant
- jeton de kermesse ou de fête foraine
- monnaie de SEL (Cf. infra)
[modifier] Monnaie de système d'échanges locaux
[modifier] Monnaie privée
[modifier] Citations et proverbes
- « L'argent n'a pas d'odeur » (attribué à l'empereur Vespasien)
- « L'argent ne fait pas le bonheur »
- « L'amour de l'argent est la source de tous les maux » (La Bible)
- « Qu'on m'accorde le contrôle de la monnaie d'une nation et je me fiche de qui fait ses lois » (attribué au Baron de Rotschild dans l'édifiante fable "L'Île des naufragés" de Louis Even http://www.michaeljournal.org/ilenauf.htm)
- « Être payé en monnaie de singe »
- « La monnaie c'est de la liberté frappée»
- « La monnaie établit un lien entre le passé et l'avenir»(attribué à Keynes)
[modifier] Autres types
- Tranches trouées de pierres, dans les îles Yap, encore d'usage aujourd'hui. Ces pierres étaient transportées pendant 400 km par mer des îles Palau jusqu'aux Yap, car là-même il n'y avait pas de carrière de pierres. Les pierres avaient jusqu'à 4 m de diamètre. En l'an 1880 un beau cochon coûtait une pierre de diamètre égal à 2 largeurs de main. On pouvait obtenir un canoe pour une pierre de 1,8 m de diamètre. Plus un propriétaire de hutte avait de pierres et plus grosses étaient les pierres, plus riche et respecté il était. * Les femmes avaient leur propre monnaie. Elle était constituée de coquilles d'huitres perlières. Ces coquilles étaient percées et enfilées.
- Dans les hautes terres de Nouvelle-Guinée on utilisait aussi des huitres perlières en tant que monnaie: la "Kina", une coque d'une espèce d'huitre perlière polie en forme de demi-lune parfois peinte. Elle jouait un rôle dans l'achat de cochons ou quand le prix de la promise devait être payé. La Kina a donné comme valeur actuelle à la Nouvelle-Guinée son nom et est représentée sur les billets de banque du pays.
- Vêtements
- Foulards
- Anneaux
- Dents de chien
- Dents de morse
- Fourrure de castor
- Dents de cachalot
- Dents de dauphin
- Dents de cochon
- Dents de wapiti
- Plumes
- Céréales
- Colliers de coquillages
- Franges de queue d'éléphant
- Tabac, en Virginie
- Brique de thé, en Chine
- Coquilles kauris (ou cauries), en Chine de 1100 av. JC à 1578 ap. JC; l'emploi s'est étendu au Ve siècle ap. JC en Inde; s'est aussi étendu dans tout le Pacifique; début du XIVe siècle aux Maldives; des commerçants arabes les ont exportés de chez eux vers l'Afrique; de la côte est de l'Afrique ils passent par le Soudan jusqu'en Guinée, puis vers la Mauritanie et jusqu'aux Berbères dans l'Atlas. Jusque dans le XIXe siècle les valeurs-kauri se sont étendues avant tout en Afrique de l'est, particulièrement à Zanzibar ét en Éhyopie. Seulement après 1900 les gouvernements des colonies ont cherché à interdire les kauris en tant que monnaie. Mais les hommes y étaient habitués et les utilisaient toujours comme "menue monnaie". Ce n'est qu'en 1955 que les valeurs-kauri devinrent presque totalement hors d'usage.
- Sel
- Poisson séché, en Islande
- Amandes, en Inde
- Fèves de cacao, au Vieux Mexique (Nouvelle-Espagne)[1]
- ...
[modifier] Articles connexes
- Assignat
- Codes des monnaies
- De bon aloi
- Déflation
- Devise
- Fleur de coin
- Inflation
- Liste des articles sur la monnaie et ses collections
- Moyen de paiement
- Prix
- Seigneuriage
- Unités monétaires
- Valeur
- Silvio Gesell
- Crise de liquidité
- Étalon-or
- Banque mondiale
[modifier] Musées monétaires
- Musée de la Monnaie (hôtel de la Monnaie, Paris, France) (c/o: [2])
- Musée des Médailles et des Monnaies (Perpignan, France)
- Musée de la fausse monnaie (Saillon, Valais, Suisse)
- Musée monétaire cantonal,Lausanne, Vaud,Suisse)[3]
[modifier] Bibliographie
- Histoire de la monnaie, Véronique Lecomte-Collin et Bruno Collin, Éditions Trésor du Patrimoine, 2004
- Les monnaies dans les collections publiques françaises, Véronique Lecomte-Collin et Bruno Collin, Éditions Hervas, 1989
- Les monnaies de France : Histoire d'un peuple, Jean Belaubre et Bruno Collin, Éditions Perrin, 1991
- Monnaie - Banques et Banques centrales dans la zone euro, Philippe Narassiguin, Editions De Boeck, 2004
- Histoire de la Monnaie, du troc à l'euro, Jean-Marie Albertini, Véronique Lecomte-Collin et Bruno Collin, Éditions Sélection du Reader's Digest, 2000
- Histoire morale et immorale de la monnaie, René Sédillot, Éditions Bordas, coll. « Cultures », 1989
- La violence de la monnaie, Michel Aglietta et André Orléan, Presses Universitaires de France, 1998.
- Le Capital, Karl Marx, 1861.
- "L'Île des naufragés" de Louis Even Michaeljournal
- Was ist Was. Geld. de Franziska Jungmann-Stadler, ISBN 3-7886-0418-2 (en allemand)
[modifier] Liens externes
- (fr) Histoire monétaire française (depuis l'Antiquité), sur le site de l'Université de Poitiers]
- (fr) Ordonnances monétaires françaises, d'Hugues Capet à Louis XVI : Site très spécialisé. Certains règnes ne sont pas encore traités.
- (fr) Documentation sur la monnaie canadienne en général
- (fr) La monnaie : définition, fonction et évolution
- (fr) Dossier d'Étude de la monnaie en 9 articles, publiés par La Grande Relève de décembre 2002 à août 2003.
- (en) Une courte histoire de la monnaie, et des considérations anti-FED (discutables) du Mise Institute, USA.
- (fr) Monnaies du monde en images
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