Alexandre Koyré
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Alexandre Koyré (1882, Taganrog, Russie – 1964, Paris) est un philosophe français d’origine russe.
Koyré quitte la Russie en 1898. À Göttingen, il assiste aux cours du philosophe Edmund Husserl et du mathématicien David Hilbert. Il s’installe ensuite à Paris pour étudier l’histoire de la philosophie.
Ses travaux d’épistémologie et d’histoire des sciences portent sur Galilée ainsi que sur la cosmologie aux XVIe et XVIIe siècles. Il voit dans la naissance de la physique moderne au XVIIe siècle une « révolution scientifique ». Cette expression est caractéristique de la conception discontinuiste de l’histoire des sciences qu’il partage avec Gaston Bachelard. Passer du « monde clos » de la cosmologie aristotélicienne à la théorie d’un « univers infini » suppose ainsi une transformation radicale des bases métaphysiques sur lesquelles repose la physique.
Sommaire |
[modifier] Biographie succincte
- 1882 : né à Taganrog (Russie), le 29 avril et donné le nom Александр Владимирович Койракский.
- 1908-1909 : études à Gottingen (Husserl, Hilbert), suit les travaux du cercle de Gottingen.
- 1912-1913 : études à Paris, suit les cours de Bergson au Collège de France.
- 1914 : s'engage dans l'armée.
- 1917 : armée du Tsar, puis opte pour la révolution soviétique.
- 1920 : retour à Paris, prépare sa première thèse.
- 1922 : thèse
- 1929 : thèse d'État
- 1931 : recherches philosophiques.
- 1934 : traduit Nicolas Copernic
- 1939 : publie les Études galiléennes
- 1941 : engagé pour la France libre
- 1945 : publie Introduction à la lecture de Platon
- 1946: étudie à Princeton
- 1950 : publie la Philosophie Russe
- 1951 : rejet de sa candidature au Collège de France
- 1952 : nommé à l'Académie internationale d'histoire des sciences.
- 1955 : publie ses travaux sur les mystiques.
- 1957 : publie Du monde clos à l'Univers infini
- 1961 : publie La révolution astronomique
- 1964 : s'éteint à Paris, le 29 avril
- 1965 : publication posthume des Études newtoniennes
- Plusieurs congrès lui seront consacrés.
[modifier] Curriculum vitæ
Rédigé en février 1951, sans doute en vue de sa candidature au Collège de France : il y exprime sa conviction de l'unité de la pensée humaine; d'où l'impossibilité de séparer, en compartiments étanches, l'histoire de la pensée philosophique et celle de la pensée religieuse dans laquelle baigne toujours la première, soit pour s'en inspirer, soit pour s'y opposer. Conviction féconde pour l'intellection de la pensée médiévale et moderne (même pour l'étude de Spinoza).
L'influence de la pensée scientifique est présente chez Descartes ou Leibniz, certes, mais aussi dans des doctrines mystiques : la mystique de Bœhme est rigoureusement incompréhensible sans référence à la nouvelle cosmologie créée par Copernic.
Ces considérations l'ont amené, ou, plutôt, l'ont ramené, à l'étude de la pensée scientifique: astronomie d'abord, puis physique et mathématiques, sachant que la liaison qui s'effectue entre physique céleste et physique terrestre est à l'origine de la science moderne. L'évolution de la pensée scientifique est très étroitement liée à celle des idées transscientifiques, philosophiques, métaphysiques, religieuses.
L'astronomie copernicienne n'est pas une économie des "cercles" : elle élève la Terre au rang des planètes. L'œuvre de Kepler est union entre théologie chrétienne et pensée de Proclus : perte de la circularité des orbes, mais contre Giordano Bruno, elle reste dans un monde clos. Descartes apporte l'infini en mathématiques et en sciences. Enfin arrive Leibniz avec sa conception du possible, intermédiaire entre l'être et le néant, qui avait bloqué Pascal. D'où les publications : 1933, études sur Paracelse, 1934, études sur Copernic, 1940, études galiléennes. Il y eut bouleversement profond des cadres de notre pensée. C'est pourquoi la découverte de lois très simples, telle la loi de la chute des corps, a coûté à de très grands génies de si longs efforts qui n'ont pas toujours été couronnés de succès. Ainsi, la notion d'inertie, aussi manifestement absurde pour l'Antiquité et le Moyen Âge qu'elle nous paraît plausible, voire évidente, aujourd'hui, n'a pu être dégagée dans toute sa rigueur même par la pensée d'un Galilée et ne l'a été que par Descartes, suite à Baliani.
Pendant la guerre, absorbé par d'autres tâches, il n'a pu consacrer autant de temps qu'il l'aurait désiré aux travaux théoriques. Mais depuis 1945, il a entrepris une série de recherches nouvelles sur la formation, à partir de Kepler, de la grande synthèse newtonienne. Ces recherches formeront la suite de ses travaux sur l'œuvre de Galilée. La philosophie de Newton compte avec son génie mathématique. Il réussit où d'autres échouent, faute d'insuffisance philosophique (Boyle et Hooke), et ce sont de profondes divergences philosophiques qui ont nourri l'opposition de Huygens et de Leibniz à Newton : conférences à Chicago, Yale, Harvard, Congrès de Paris (1949), Congrès d'Amsterdam (1950). Il a étudié la transition du « monde de l'à-peu-près à l'univers de la précision », l'élaboration de la notion et des techniques de mensuration exacte, la création des instruments scientifiques qui on rendu possible le passage de l'expérience qualitative à l'expérimentation quantitative de la science classique, enfin, les origines du calcul infinitésimal.
Il est essentiel de replacer les Œuvres étudiées dans leur milieu intellectuel et spirituel, de les interpréter en fonction des habitudes mentales, des préférences et des aversions de leurs auteurs. II faut résister à la tentation, à laquelle succombent trop d'historiens de sciences, de rendre plus accessible la pensée souvent obscure, malhabile et même confuse des Anciens, en la traduisant en un langage moderne qui la clarifie, mais en même temps la déforme : rien, au contraire, n'est plus instructif que l'étude des démonstrations d'un même théorème données par Archimède et Cavalieri, Roberval et Barrow. On ne saurait sous-estimer l'intérêt des polémiques d'un Guldin ou d'un Tacquet contre Cavalieri et Torricelli.
On doit, enfin, étudier les erreurs et les échecs avec autant de soin que les réussites.
Suit la description d'un programme de travail ambitieux, sur l'Histoire de la pensée scientifique, jusqu'au XXe siècle.
Hélas, sa non-nomination, puis sa mort prématurée laisseront ce grand-œuvre inachevé.
(texte paraphrasé de Études d'histoire de la pensée scientifique, éd Gallimard,1973, magnifique ouvrage posthume, rassemblant des textes aussi splendides (entre autres) que :
- Galilée et l'expérience de Pise : une légende.
- De motu gravium de Galilée : de l'expérience de pensée et de son abus).
[modifier] La légende de l'expérience de Pise
(in Annales de l'Université de Paris, 1937)
Koyré démontre l'inexistence de cette expérience (relatée sobrement par Viviani dans la biographie de Galilée), en objectant que, depuis Benedetti, dont Galilée connaissait les travaux, Galilée savait qu'une grosse boule d'argile tomberait plus vite qu'une petite dans l'air. Ce qu'il décrit dans les Discorsi. Dans ces conditions, on comprendrait mal comment Galilée aurait pu affirmer quelque chose contraire à son opinion, après une expérience qui justifiait son opinion. Galilée a bien affirmé, a contrario, que dans le vide, tout corps (même une plume) tombe avec la même loi de chute.
Koyré signale par ailleurs les expériences tentées ailleurs (par Baliani[1611 à Savone], Renieri[1641 à Pise], enfin Riccoli [1640-1650, à Bologne]). Son travail de recherche historique et son analyse sont très poussés et emportent la conviction.
Il est remarquable que dans les expériences de l'an 2000 sur la chute d'un unique atome à travers deux trous d'Young, les interférences quantiques suivent bien la loi de Galilée, réécrite en mécanique quantique !
Référence citée par Koyré : Lane Cooper, Aristote and the tower of Pisa, Ithaca, N.Y.,1935.
L'article sur la gedankenexperimente du De motu gravium de Galilée (Revue d'histoire des sciences et de leurs applications, PUF, XIII, 1960, p. 197-245) pèse lourd aussi dans la formation épistémologique en histoire des sciences.
[modifier] Œuvres
- Koyré (Alexandre), Études galiléennes. Paris : Hermann, 1939.
- Koyré (Alexandre), Du monde clos à l’univers infini, trad. Raïssa Tarr. Paris : Gallimard ; 3e éd. 1988. (Tel ; 129). 350p. ISBN 2-07-071278-8.
- Koyré (Alexandre), Études d’histoire de la pensée scientifique, Paris : Gallimard, 1966 ; 3e éd. : 1985. (Tel ; 92). 412p. ISBN 2-07-070335-5.
- Koyré (Alexandre), Mystiques, spirituels, alchimistes du XVIe siècle allemand. Paris : Gallimard, 1970. (Bibliothèque des idées ; 233). 184p. ISBN 2-07-035233-1.
- Koyré (Alexandre), Études d’histoire de la pensée philosophique. Paris : Gallimard, 1971 ; 3e éd. 1990. (Tel ; 57). 364p. ISBN 2-07-023981-0.
- Koyré (Alexandre), Chute des corps et mouvement de la terre de Kepler à Newton. Histoire et documents d'un problème. Paris : J. Vrin, 1973. (L'histoire des sciences. Textes et études). 220p. ISBN 2-7116-0446-2.
- Koyré (Alexandre), La philosophie de Jacob Boehme. Etude sur les origines de la métaphysique allemande; 3e éd. Paris : J. Vrin, 1979. (Bibliothèque d'histoire de la philosophie). xvii-526p. ISBN 2-7116-0445-4.
- Koyré (Alexandre), Études newtoniennes. Paris : Gallimard, 1991. (Bibliothèque des idées). 353p. ISBN 2-07-027142-0.
- Koyré (Alexandre), De la mystique à la science. Cours, conférences et documents. 1922-1962 ; éd. Pietro Redondi. Paris : EHESS, 1986. (Histoire des sciences et des techniques ; 2). ISBN 2-7132-0873-7.
- Stoffel (Jean-François), Bibliographie d'Alexandre Koyré. Firenze, L. Olschki, 2000. 195 p. ISBN 88-222-4914-3.
- Jorland (Gérard), La science dans la philosophie. Les recherches épistémologiques d'Alexandre Koyré. Paris : Gallimard, 1981. (Bibliothèque des idées). 372p.
[modifier] Textes édités par Alexandre Koyré
- Anselme (saint), Fidens quaerens intellectus ; trad. Alexandre Koyré. Paris, J. Vrin, 1930 ; réimpression 1992. (Bibliothèque des textes philosophiques). ISBN 2-7116-0673-2.
- Copernic (Nicolas), Des révolutions des orbes célestes ; trad. par Alexandre Koyré <du livre I, chapitres 1-11>. Paris, A. Blanchard, 1970 ; rééd. Paris, Diderot, 1998. (Pergame). ISBN 2-84352-086-X.
- Newton (Isaac), Isaac Newton's Philosophiae naturalis principia mathematica / assembled and ed. by Alexandre Koyré and Isaac Bernard Cohen, with the assistance of Anne Whitman.
- Volume 1, Text. Cambridge [USA] : Harvard University Press, 1972. xl-547p. ISBN 0-674-66475-2.
- Volume 2, Introduction to Newton's Principia. Cambridge [USA] : Harvard University Press, 1971 ; rééd. 1978. ISBN 0-674-46193-2.
- Spinoza (Baruch), Traité de la réforme de l'entendement ; trad. Alexandre Koyré. Paris, J. Vrin, 1974 ; réimpression 1990. (Bibliothèque des textes philosophiques). ISBN 2-7116-0687-2.
[modifier] Liens externes
Centre Koyré : http://www.koyre.cnrs.fr/