Bildungsroman
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Le Bildungsroman, ou roman de formation, est un genre romanesque né en Allemagne à l'époque des Lumières. Il a pour thème le cheminement évolutif d'un héros, souvent jeune, jusqu'à ce qu'il atteigne l'idéal de l'homme accompli et cultivé. Le terme de Bildungsroman est dû au philologue allemand Johann Carl Simon Morgenstern qui voyait dans le Bildungsroman « l'essence du roman par opposition au récit épique ».
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[modifier] Note linguistique
Si le mot Bildungsroman est passé tel quel dans le langage technique des études littéraires en français (et concurrence ainsi l’expression « roman de formation »), c’est en partie à cause de la polysémie difficile à traduire du mot allemand Bildung, qui renvoie à des notions aussi proches et variées que construction, modelage, formation, éducation et culture (comme somme individuelle d’expériences et de connaissances).
Mais c’est aussi en raison du fait que les Bildungsromane allemands constituent un modèle du genre et représentent dans la littérature allemande un genre littéraire à part entière, avec pour modèle historique et classique Les Années d'apprentissage de Wilhelm Meister de Johann Wolfgang von Goethe.
[modifier] Caractéristiques principales
[modifier] Définition générale
Un Bildungsroman traite de la « confrontation d'un personnage central avec différents domaines du monde » (Jacobs, p. 271). Le personnage central, le héros, suit une évolution déterminée par son rapport aux différents domaines du monde auxquels il est confronté (voir Jacobs, p. 14). Le récit présente généralement la jeunesse du héros et le temps du récit s'étend sur plusieurs années, et parfois même sur plusieurs décennies. Le Bildungsroman présente ainsi certaines caractéristiques typiques de la biographie (voir Selbmann, p. 39).
[modifier] Éducation au siècle des Lumières
Au cours de cette évolution, le concept (historique) de « formation » ou d’« éducation » joue un rôle central. Dérivé de l’Antiquité, le concept de « formation » (Bildung) signifie depuis les Lumières et l'époque du Sturm und Drang l'évolution d'un individu libérée des normes culturelles et sociales vers un état positif et supérieur (voir Selbmann, p. 2). Le concept concerne aussi bien l’éducation de l’entendement que celle du caractère national (ibidem). Une autre caractéristique du concept historique de « Bildung » est l’assimilation d’influences extérieures et l'épanouissement de prédispositions personnelles (ibidem).
[modifier] Rapport d’éducation entre l’auteur accompli, le héros et le lecteur
La « formation » n’est pas seulement au cœur du roman, elle est également destinée au lecteur (voir Selbmann, p. 37). À l’instar du roman didactique des Lumières, cette volonté d’éducation du lecteur découle du « sentiment de supériorité et de l’esprit missionnaire d’un narrateur sûr de lui qui fait valoir son avance éducative sur celle de son héros et celle de son lecteur » (Selbmann, p. 40). Ce narrateur distancié et souvent ironique est donc l’élément essentiel d’une relation d’éducation qui s’établit entre lui, le héros et le lecteur.
[modifier] Contenu et structure
[modifier] Structure en trois parties
La structure du Bildungsroman est souvent tripartite, selon un schéma « Années de jeunesse » - « Années d'apprentissage » - « Années de maîtrise », comme par exemple dans Les Années d'apprentissage de Wilhelm Meister de Johann Wolfgang von Goethe qui est reconnue comme l'idéal et le prototype du Bildungsroman de langue allemande (voir Borcherdt, p. 177). Ce schéma tripartite n'est cependant pas représentatif de tous les romans de formation (voir Selbmann, p. 23).
[modifier] Opposition héros-environnement
Le héros du Bildungsroman est tout d'abord directement confronté à son environnement. Alors qu'il est encore jeune, naïf et plein d'idéaux, il fait face à un monde hostile et réaliste qui ne correspond que très partiellement à ce qu'il en imaginait. Jacobs parle de « rupture entre une âme pleine d'idéaux et une réalité qui résiste » (Jacobs, p. 271). Les conséquences sont de l'incompréhension et du refus des deux côtés (voir Hegel, p. 557).
[modifier] Appropriation d’expériences concrètes par le héros
Le rapport du héros à son environnement déclenche son processus d'évolution et d'éducation. Dans cet environnement, le héros fait des expériences concrètes qui le font peu à peu grandir et mûrir. Il est décrit comme « entrant dans la vie avec joie, cherchant des âmes sœurs, rencontrant l'amitié et l'amour, mais bientôt confronté à la dure réalité et mûrissant au fil de ses diverses expériences de la vie » (Dilthey, p. 327).
[modifier] Réconciliation avec le monde
Ce cheminement se termine par un « harmonieux état d'équilibre » (Jacobs, p. 14) avec le monde extérieur. Le « processus d'évolution l'a mis au clair avec lui-même et avec le monde » (ibidem, p. 271). Le héros s'est ainsi réconcilié avec le monde et y prend sa place, il choisit un métier et devient un « Philistin, comme tous les autres » (Hegel p. 557 sq.). Il devient une partie de ce même monde qu’au départ il méprisait.
[modifier] Bilan du passé
Une autre caractéristique du Bildungsroman sont les « moments charnières du processus d'évolution » (Jacobs S. 271), les regards portés par le héros sur son passé, ses réflexions. Ces moments charnières structurent le récit et contribuent à clarifier l'évolution du héros, ils distinguent les différentes étapes de cette évolution et les concluent (ibidem).
[modifier] Exemples
Le premier Bildungsroman est généralement attribué à Christoph Martin Wieland, avec son roman paru vers 1766, Die Geschichte des Agathon. Le roman de Johann Wolfgang von Goethe, Les Années d'apprentissage de Wilhelm Meister est souvent présente comme particulièrement exemplaire et représentatif du genre, même si le héros aspire à un idéal de culture aristocratique (l’égale culture du corps et de l'esprit) et renie ses origines bourgeoises. Karl Philipp Moritz propose également avec son autobiographie Anton Reiser (1785-1790) un exemple d’évolution ratée, ce qui en fait une sorte de « roman de formation négatif » un peu à part dans l’histoire de la littérature allemande.
On trouve également le roman Soll und Haben de Gustav Freytag.
Les romans de formation d’une grande qualité littéraire sont souvent ceux dans lesquels les héros échouent, comme dans Henri le vert de Gottfried Keller, ou bien dans lesquels la formation elle-même est remise en question, par exemple dans Nachsommer d’Adalbert Stifter.
David Copperfield (1849) est un célèbre Bildungsroman pseudo-autobiographique de Charles Dickens.
Demian (1919) est un Bildungsroman sur fond d'autobiographie de Hermann Hesse. Ce roman a eu — comme le rapporte Thomas Mann dans sa préface à l'édition américaine du récit — un impact électrique sur la jeune génération d’après la Première Guerre mondiale et correspondait exactement à l’état d'esprit de l'époque, tout comme Les Souffrances du jeune Werther de Johann Wolfgang von Goethe.
Dans La Montagne magique, Thomas Mann passe en revue toute l’histoire culturelle de l'Occident dans l'atmosphère de laboratoire du sanatorium de Davos, avant que la Première Guerre mondiale ne pervertisse toute idée même d’évolution et de progrès. Dans Les Confessions du chevalier d'industrie Felix Krull (1922-1954), le Bildungsroman est associé au roman de brigands.
On trouve un exemple moderne de Bildungsroman sous la plume de Peter Handke avec La Courte Lettre pour un long adieu (1972).
[modifier] Bibliographie
- (de) Hans Heinrich Borcherdt: Bildungsroman in: Reallexikon der deutschen Literaturgeschichte. 2. Aufl. 1958, I. Band. S. 175-178.
- (de) Wilhelm Dilthey: Das Erlebnis und die Dichtung. Lessing, Goethe, Novalis, Hölderlin. Vier Aufsätze. Leipzig 1906. S. 327-329
- (de) Georg Wilhelm Friedrich Hegel: Vorlesungen über die Ästhetik. Hrsg. v. Friedrich Bassenge. Berlin 1955 (=Klassisches Erbe aus Philosophie und Geschichte)
- (de) Jürgen Jacobs: Wilhelm Meister und seine Brüder. Untersuchungen zum deutschen Bildungsroman. München 1972
- (de) Fritz Martini: Der Bildungsroman. Zur Geschichte des Wortes und der Theorie, in: DVjs 35 (1961), S. 44–63
- (de) Rolf Selbmann: Der deutsche Bildungsroman. Stuttgart 1984 (= Sammlung Metzler 214)
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