Créole réunionnais
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Parlé en | Réunion (département français d'outre-mer) | |||
Région | ||||
Nombre de locuteurs | 600 000, dont 550 000 à la Réunion | |||
Classement | ||||
Typologie | — | |||
Classification par famille | ||||
- Pidgins et créoles (Dérivée de la classification SIL)
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Statut officiel et codes de langue | ||||
Langue officielle de | ||||
Régi par | ||||
ISO 639-1 | — | |||
ISO 639-2 | cpf | |||
ISO/DIS 639-3 |
rcf (en) |
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SIL | RCF | |||
Voir aussi : langue, liste de langues, code couleur |
Le créole réunionnais est un créole d'origine française avec des apports mineurs africains, indiens et malgaches parlé à l'île de la Réunion. L'influence du gallo et du bas-normand y est prépondérante, de telle sorte qu'un habitué des patois bas-normands pourra sans trop de peine comprendre ses interlocuteurs créolophones réunionnais. Le créole réunionnais est issu du même tronc commun des créoles francophones de l'océan Indien appelé créole bourbonnais.
L'usage du créole reste très vivace dans la population. Bien souvent les Réunionnais n'utilisent le français que dans le cadre professionnel ou pour regarder la télévision. Il est courant que les enfants n'apprennent le français qu'à partir de 4 ou 5 ans à l'école.
Contrairement au créole mauricien, qui était plus proche du français mais qui s'en éloigne, le créole réunionnais plus différent autrefois s'en rapproche du fait de l'influence permanente de la culture française sur les médias et du français sur la vie de tous les jours.
Sommaire |
[modifier] Les types de créole
On peut distinguer ensuite trois types de créole :
- Le créole des Bas (du littoral de l'île), au système phonologique pauvre,
- Le créole des Hauts (des montagnes de l'île), au système phonologique plus riche (chuintantes et voyelles centrales),
- Le créole urbain, qui est analogue au système phonologique du français et plus francisé que les deux autres.
[modifier] L'écriture du créole
Ce créole est avant tout une langue parlée. Une tradition écrite existe malgré tout, bien que son implantation soit difficile comme pour toute langue jeune. Elle s'est traduite par la rédaction d'une grammaire et de dictionnaires, ainsi que par l'emploi du créole dans des articles de presse, des recueils de poésie, des romans... Un point d'acchopement demeure : l'établissement d'une graphie 'académique'.
Avant les années 1970, la graphie se faisait uniquement avec les phonèmes français. Le texte à l'écrit restait assez accessible à un locuteur francophone. Entre les années 1970 et 90 d'autres types de graphie sont apparus, mi phonologiques, mi phonétique, mais ils ne se sont pas imposés.
Avec l'apparition de l'enseignement du créole à l'école, le besoin d'une graphie plus logique et systèmatique est apparu. Le Tangol a été proposé pour cet enseignement. Cependant cette graphie reste très controversée car :
- Elle n'est plus accessible au locuteur francophone sans apprentissage spécifique.
- Elle oblige les enfants à apprendre deux graphies différentes, ce qui complique leur apprentissage de la lecture.
- L'enseignement du créole apparait inutile à de nombreux locuteurs créoles, le tangol en faisant les frais.
La graphie et l'enseignement du créole ont toujours fait débat, notamment du fait que l'écriture strictement phonétique, loin de la simplifier, complexifie sa lecture : beaucoup de réunionnais la considèrent d'ailleurs comme étrangère à leur propre culture, et plutôt réservée à une élite, focalisée sur la recherche d'une identité locale.
[modifier] Les Apports - Exemples
Le Créole Réunionnais est un véritable creuset de langues. On observe plusieurs types d'apports:
[modifier] Apports Malgaches
Les premiers habitants de l'île étaient des français de Fort-Dauphin et des malgaches, d'où de nombreux termes issus de dialectes de Madagascar.
- Kalou, pilon (du malgache halu ou akalu)
- sézy, natte (du malgache seza lui-même du français chaise)
- soso, bouillie de riz ou de maïs (du malgache sosoa)
- far-far, petite étagère au dessus du foyer (du malgache farafara)
- bib, araignée (du malgache biby)
- valal, sauterelle mante religieuse (du malgache valala)
- maf, humide, blet (pour parler du temps ou des légumes) (du malgache mafy gluant, mou)
- vouve, panier de peche conique pour attraper les bichiques (du malgache vovo)
- totoche, frapper (du malgache totoky)
- taï, crotte. Voir le "col du Taïbit" qui signifie en malgache "crotte de lapin"
- bichique, alevin (du malgache bitsika)
- fanjan, fougère arborescente (du malgache fantsaha)
- malole, chassie au coin de l'œil (du malgache lelo, morve)
- voulvoul, moutons de poussières (du malgache volvolo, petits poils)
- zamal, chanvre indien (du malgache jamala)
- chipèque, mante religieuse (du malgache tsipekona)
- masiak, méchant (du malgache masiaka)
- an misouk, en cachette, à la dérobée (du malgache misokosoko)
- papang, milan noir (du malgache papango)
- sakaf, repas (du malgache sakafo)
- sigid, gri-gri, sort (du malgache mpisikidy)
- soubik, panier à deux anses (du malgache sobika)
- tant, panier tresè (du malgache tanty)
- zourit, poulpe (du malgache orita)
[modifier] Apports relatifs à la toponymie
- Manapany: "chauve-souris" en malgache. Autrefois dans ce lieu-dit, les esclaves malgaches avaient pour habitude de se nourrir de cet animal nocturne
- Cilaos: du malgache "tsilaosana", qui signifie "lieu que l'on ne quitte pas" car c'était autrefois un refuge pour les "marrons" (esclaves en fuite)
- Salazie: du malgache, "bon campement", pour la pureté de ses eaux
- Grand Bénare (2892m d'altitude): du malgache be (grand) et nare (froid). Le rajout "grand" en français est donc redondant. À noter qu'il existe également un sommet tout proche appelé le petit Bénare
[modifier] Apports Indo-Portugais
Du fait du développement du commerce vers l'Inde, on trouve quelques termes portugais ou venus d'Inde par les portugais, comme :
- rak, rhum (de l'Inde)
- achards, légumes confits dans du piment et de l'huile (du malais atchar ou du persan atchanrd)
- bazar, marché, vendeur de légumes (de l'Inde)
- brède, feuilles de diverses plantes qu'on fait sauter pour accompagner le riz (de l'indien 'feuille bonne à manger')
- bringèle, aubergine, du portugais berinjela
- cafre, Noir, terme appliqué aux individus d'origine africaine, (de l'arabe kafir, signifiant infidèle, nom donné aux habitants du Mozambique pour les conquérants Arabes)
- camaron, grosse crevette (du portugais camarão)
- carapate, tique (du portugais du Cap-Vert carrapato)
- caria, termite (de l'Inde)
- cancrelat, blatte (de l'Inde)
- figue, banane (du portugais figo d'orta, figue de jardin... On appelait la banane également "figue d'Inde" au XVIe siècle )
- goni, sac de jute, toile de sac (de l'hindi 'gon', sac)
- kaloupilé, arbuste aux feuilles aromatiques (du tamoul karupilleil')
- langouti, pièce de toile enserrant les reins, vieux vêtement (de l'hindi langoti)
- malbar, individu d'origine indienne (du portugais malabar, côte de Malabar habité par les Maleatar)
- Rougail, préparation culinaire à base de légumes ou de fruits fortement pimenté (peut-ere accompagnée d'une viande ou d'un poisson) (du tamoul *ouroukaille, fruit vert confit)
- chabouk, fouet (de l'Inde sabuk) (à rapprocher de l'indonésien cambuk qui donne en Afrique du Sud : Sjambok [1] qui est aussi un fouet.)
- samoussa, petit beignet triangulaire fourré (de l'hindi sambosa issu lui même de l'arabe sambusaq)
- varangue, galerie ou terrasse couverte formant une partie de la façade de la case créole (du portugais varanda puis varango qui désigne la loggia sur l'arrière des galions)
[modifier] Vocabulaire marin et apports des îles
La Réunion faisait partie de l'empire colonial français. Du fait de voyages des navigateurs, certains termes utilisés aux Antilles ou plus généralement dans les îles sont parvenus à La Réunion.
- amarrer, attacher (très usité) (terme de marine)
- habitation, exploitation agricole (vient du fait qu'à l'origine les concessions étaient données aux premiers colons avec le 'droit d'habiter'. Ce terme est utilisé également dans les Antilles à Haïti et en Louisiane avec la même signification).
- bagasse, résidu fibreux du broyage de la canne à sucre (de l'espagnol, utilisé dans les Antilles)
- bras, affluent de rivière (se retrouve dans la toponymie haïtienne)
- boucan, cabane, paillote (existe aux Antilles, viendrait du mot tupi mocaem)
- boug, homme, personne (se dit aussi aux Antilles)
- case, maison (courant aux Antilles, de l'espagnol casa)
- créole, individu né à La Réunion (de l'espagnol criollo)
- mapou, arbre (monimia rotundifolia) (attesté aux Antilles, de l'indien caraïbe mapou)
- morne, montagne massive (existe aux Antilles, viendrait du mot espagnol morro, monticule)
- marron, sauvage (adj.)(le terme s'appliquait à l'origine aux esclaves fugitifs, attesté aux Antilles, viendrait de l'espagnol cimarron)
- palmiste, sorte de palmier (attesté aux Antilles avant La Réunion, du portugais palmito)
- paille-en-queue, phaeton (oiseau) (langage marin)
- pistache, arachide (terme également utilisé en Martinique et à Haïti à la place de cacahuète)
- piton, sommet (utilisé aussi aux Antilles)
- souker déployer un effort physique. "souker in' moun'" frapper quelqu'un
- takamaka, arbre (calophyllum tacamahaca) (n'est pas d'origine malgache! il s'agit d'une drogue oléorésineuse médicinale d'Amérique le tacama haca)
- zatte, fruit (également appelé pomme canelle en Martinique, Anona squamosa) (terme d'origine américaine atta)
Les termes s'échangent encore entre les îles et on trouve des termes réunionnais dans les créoles antillais (par exemple zoreil, métropolitain, ou achards cf. ci-dessus).
[modifier] Apports africains
- makatia, petit pain sucré (du swahili mkate, pain)
[modifier] Apports Gallo / Français
- astèr, maintenant (vient de "à cette heure", à comparer au bas-normand asteur)
- moque, tasse, boîte en fer (à comparer au normand mogue)
- gra'mound, personne âgée, (de "grand" et "monde)
- li, il, lui
- a'soir ce soir, cette nuit
Certains mots du français ont subi une évolution phonétique particulière, par prosthèse, aphérèse ou par dyslexie, notamment :
- zèf, œuf
- zenfant, enfant
- bertelle, sac plat à bretelles (du français déformé bretelle)
- colomme, économe (déformation du français)
- margotte, marcotte (id.)
- lentourage, clôture
- zoryé, oreiller
- riskab ou reskap et aussi somanké les trois termes signifiant il est possible que (venant respectivement de reste capable et de sûrement que)
- zarab, individu d'origine indo-pakistanaise
- craser, écraser
- dopain, pain
- li caab, il est capable
- assizer, s'assoir
D'autres sont issus de survivances dialectales ou d'archaïsme français
- causement, conversation gagner in kozman: se faire sermoner, se faire prendre à partie
- compliment, rappel du souvenir adressé à une personne absente
- linge, vêtement
- languette, injure à caractère sexuel (viendrait du populaire linguetta, clitoris)
- grègue, filtre à café (viendrait de la mode du café à la grecque)
- monmon, maman
- nénène, nourrice (en français nounou, en anglais nanny)
etc.
[modifier] Autres exemples
- zandette, larve
- dalon, copain
- carreau, fer à repasser
- bonbon la fesse, suppositoire
[modifier] L'apprentissage du créole
[modifier] Une langue maternelle et familiale
Bien que le français tende à s'imposer en tant que langue dominante dans la société réunionnaise, les Réunionnais continuent d'utiliser le créole oralement, comme langue première, maternelle et référente d'une identité.
[modifier] Le créole à l'école
L'enseignement du créole à l'école fait l'objet de débats virulents depuis les années 1970. Un sondage IPSOS (publié le 11 novembre 2003) révèle que 47,3 % des enquêtés se déclarent "pour le créole à l’école" contre 42,7 % "contre" et 10 % d’indécis. On voit à quelle point la population est partagée
cf. le lien sur Tangol
[modifier] Voir aussi
[modifier] Bibliographie
- BAGGIONI Daniel "Dictionnaire créole Réunionnais / Français" - Ed. Azalées, Université de la Réunion, unité associée au C.N.R.S. 1990, in-8 relié cartonnage glacé, 376 pages
- ARMAND (Alain), Dictionnaire Kréol rénioné - Français, Océan Editions, 1987, ISBN 2-907064-01-0
- BÉNARD (Jules), Petit glossaire créole, Azalées Editions, 1999, ISBN 2-908127-72-5
- BAISSAC (Jean-François), L'apprentissage du français en milieu créolophone, Azalées Editions, 1999, ISBN 2-913158-11-0
- ALBANY (Jean), P'tit glossaire - le piment des mots créoles, Editions Hi-Land, 1997, ISBN 2-910822-01-X
- GUNET (Armand), Le grand lexique créole de l'île de La Réunion, Azalées Editions, 2001, ISBN 2-913158-52-8
- TURPIN (Philippe) & DE LESPARDA (Dalie et Gil), L'Alfabé kréol, Le Patio éditeur, éditions Orphie, 2001, ISBN 2-909219-32-1
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