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Croix-de-feu

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L'association des Croix-de-Feu ou "Association des combattants de l'avant et des blessés de guerre cités pour action d'éclat", fondée le 26 novembre 1927 par Maurice d'Hartoy, regroupait des anciens combattants français décorés de la Croix de Guerre pour leur bravoure.

Les aspirants à l'adhésion devaient apporter la preuve formelle de leurs distinctions et mérites militaires. La présidence d'honneur, fonction honorifique, fut confiée à l'écrivain et journaliste Jacques Péricard.

A partir de 1929, une association jumelle, les Briscards, permit aux anciens combattants ayant passé au moins six mois au feu de venir grossir les rangs des Croix-de-Feu sans avoir été forcément décoré ou blessé.

Sommaire

[modifier] Fondements

La création du mouvement répond à l'origine au désir de revivre l'esprit de fraternité des tranchées et de réparer un acte jugé ignominieux (la tombe du soldat inconnu ayant été souillée lors d'une manifestation en août 1927). L'historien spécialiste des droites françaises René Rémond évoque la volonté de "rassembler le meilleur des anciens combattants, dans le souvenir et la camaraderie, de former une chevalerie du courage militaire, de jeter les fondements d'une sorte de nouvelle légion d'honneur" (La droite en France, paris, Aubier, 1968, volume I, page 219). L'insigne du mouvement Croix-de-Feu est une tête de mort superposée sur la Croix de Guerre et sa doctrine est résumée dans le Manifeste Croix-de-Feu.

L'association est hébergée, à sa création, dans l'immeuble du figaro par François Coty, parfumeur et patron de presse, et compte approximativement 500 membres en 1928.

Les principales activités du mouvement Croix-de-Feu se répartissent en trois types : les réunions patriotiques, les défilés du souvenir au cours des cérémonies sous l'Arc de Triomphe et des pèlerinages sur les champs de batailles.

[modifier] Evolution sous François de la Rocque

Fin 1929, Maurice d'Hartoy se retire et François de la Rocque, recommandé par les maréchaux Foch, Fayolle et Lyautey, est sollicité pour prendre la direction de l'association. Il en devient vice-président en 1930, puis président général en 1931. La direction de la Rocque entraîne de nombreux changements au sein de l'association, tant dans sa structure qu'idéologiquement, et constitue un véritable tournant dans l'existence des Croix-de-Feu. Fondé comme une amicale du souvenir, le mouvement devient politique et ouvertement nationaliste.

La Rocque est l'artisan de l'indépendance financière et politique des Croix-de-Feu. Il décide de quitter l'immeuble du Figaro et organise le transfert du siège de l'association rue de Milan, à Paris. Le langage extrémiste qui s'immisçait parfois dans certains tracts du temps d'Hartoy est banni et laisse place à l'esprit de "réconciliation nationale" autour des trois piliers "Travail, Famille, Patrie", qui sera l'idée-force du mouvement. Les Croix-de-Feu demeurent donc fidèles à l'esprit nationaliste, s'opposant ainsi à l'internationalisme du parti communiste et des ligues d'extrême gauche, qui viendront fréquemment troubler les défilés. La Rocque est également le maître d'œuvre du développement organique de l'association. Il organise la propagande afin de privilégier les principes symbolisés par la fraternité combattante de ses membres (égalité, fidélité et respect) et transforme "Le Flambeau", l'organe de presse mensuel du mouvement, en hebdomadaire.

Le programme politique et social du mouvement est défini à partir de 1931. Les Croix-de-Feu proposent le reclassement des pouvoirs dans la constitution de la IIIe République, notamment le renforcement de la Défense nationale face au "danger allemand" (articles de La Rocque dans la Revue Hebdomadaire et la Revue de Paris), et le développement de la collaboration entre le Capital et le Travail. Afin de créer la base d'une action sociale, il mène également une stratégie d'élargissement du recrutement à d'autres catégories de sympathisants par la création d'un réseau d'associations :

  • Les Fils et Filles de Croix-de-Feu (décembre 1932).
  • Les Volontaires Nationaux (octobre 1933), auxquels appartiendront François Mitterrand (de 1935 à 1936) et Jean Mermoz (membre du comité directeur en juillet 1935).
  • Le Regroupement national autour des Croix-de-Feu (novembre 1933), réunit les sympathisants et lecteurs du Flambeau.
  • Les Sections Féminines (mars 1934).
  • Les Groupes Universitaires (février 1935).

Le lieutenant-colonel de la Rocque diversifie également les activités du faisceau d'associations en privilégiant les activités sociales :

  • Colonie des enfants Croix-de-Feu (1930).
  • Service d'entraide et de placement en région parisienne réservé aux membres (1931).
  • Mouvement social des Croix-de-Feu (1934): intervention auprès des victimes de catastrophes diverses et actions de bienfaisance de proximité (soupe, entraide matérielle)
  • Service de Préparation et d'Education Sportive, dit SPES (1936) : fait participer des enfants déshérités à des activités sportives.
  • Travail et Loisirs : association à vocation sociale et artistique dirigée par la mère de Jean Mermoz.

L'ambition politique de l'association prend de l'ampleur et se précise dans l'ouvrage de la Rocque "Service Public", qui a paru en novembre 1934. Il met en avant la nécessité de brasser les classes (fait existant au sein des Croix-de-Feu) et de généraliser le modèle de coopération qui a prévalu durant la Grande Guerre. La pierre angulaire de la "mystique Croix-de-Feu" est donc la réforme, tant institutionnelle que sociale :

  • Droit de regard de l'ouvrier sur la gestion de l'entreprise.
  • Profession organisée : coopération des industries par type d'activité et réunion des travailleurs par branches.
  • Salaire minimum.
  • Congés payés.
  • Extension des loisirs populaires.
  • Vote des femmes.
  • Réforme des procédés de travail parlementaire.

Sous la direction de La Rocque, le mouvement Croix-de-Feu et son faisceau d'associations parentes voient leur importance numérique croître : 500 membres en 1928, 60.000 fin 1933, 150.000 dans les mois qui suivirent la manifestation du 6 février 1934 et 400.000 fin 1935. Les Croix-de-Feu représentent alors un puissant mouvement de masse et se posent en arbitre des partis, sans vouloir pour le moment participer aux élections.

[modifier] Polémique

La question de l'appartenance des Croix-de-Feu aux ligues d'extrême-droite est épineuse et René Rémond qualifie même le cas de « pièce maîtresse de la controverse sur le fascisme en France » (ibidem, édition de 1982). En effet, si les Croix-de-Feu sont une ligue nationaliste et paramilitaire, puisqu'ils en possèdent certains attributs secondaires (sauf les principaux, à savoir les armes et les uniformes) : stricte discipline, mouvement fortement centralisé, délibérations secrètes, service d'ordre (les Dispos), ils se distinguent radicalement des mouvements d'extrême-droite antiparlementaristes en affichant plusieurs fois leur légalisme et leur indépendance.

Pour contrer le slogan de l'Action française, « Politique d'abord ! », élaboré par Charles Maurras, La Rocque fait adopter à son mouvement la devise « Social d'abord ! ». En décembre 1932, ils refusent de s'associer aux manifestations ultranationalistes diligentées par l'Action française et les Jeunesses patriotes contre le paiement de la dette contractée auprès des États-Unis.

Lors des manifestations du 6 février 1934 consécutives à l'Affaire Stavisky, le colonel de la Rocque se refuse à attaquer le parlement (cf. Michel Winock) alors qu'il dispose de la force numérique suffisante pour le faire, il se situe cependant au bord de la Seine avec ses forces, à seulement quelques centaines de mètres des combats. Toutefois, les autres ligues vouent alors la Rocque aux gémonies, parlant volontiers de trahison, et ne décolèrent pas lorsque les Croix-de-Feu refusent d'adhérer au Front National ( des ligues ), constitué fin février 1934, ou de participer aux élections de 1936 pour lutter contre le Front populaire (ce refus provoquera le départ de plusieurs militants en 1935, surnommés "les maréchaux", qui rejoindront le PPF de Doriot en 1936 ). La Rocque n'en passe pas moins dans la société de l'époque pour l'incarnation du fascisme français, en dépit d'une hostilité à l'antisémitisme et au nazisme : sa défense de la nation française primait pour lui devant tout autre type d'idées, spécialement si elles provenaient de l'étranger.

Selon de nombreuses sources, notamment René Rémond et les auteurs du rapport parlementaire sur le DPS (partie III, page 14 [1]), cette accusation, encore relayée de nos jours par ceux qui affirment qu'un fascisme français a existé dans les années 30, est fausse. Le mouvement Croix-de-Feu n'aurait jamais été mu par une idéologie fasciste et La Rocque dénonçait d'ailleurs la religion d'État, le racisme et la lutte des classes comme les principaux obstacles à la « réconciliation nationale » tant souhaitée (discours du 23 mai 1936).

Il faut noter que malgré ces éléments, certains historiens étrangers, tels que Zeev Sternhell, continuent dans leurs écrits à catégoriser Les Croix de Feu comme l'exemple d'une mouvance fasciste française.

La polémique sur Les Croix de Feu se situe au cœur de la controverse entre historiens français (René Rémond, Michel Winock ou Pierre Milza en tête) et historiens étrangers (Sternhell, Nolte). Les premiers récusent l'existence d'un "fascisme français" autre que mineur, les seconds considèrent que la France est le pays de naissance idéologique du fascisme au XIXe siècle (ligues anti-dreyfusardes) et que c'est tout naturellement que durant les années 30 les ligues ont pris cet aspect. Le fait qu'elles n'aient pas accédé au pouvoir relevant pour ces derniers d'un « accident de l'histoire » : la France étant selon eux le berceau du fascisme (bonapartisme). En réponse à Zeev Sternhell, Pierre Milza affirme que : « La Rocque et ses amis chassent sur les terres du parti radical et s'efforcent, en affichant un anticommunisme de choc et un anticapitalisme moins timide qu'il ne l'avait été jusqu'alors dans le milieu Croix-de-Feu, d'attirer à lui les déçus du Front populaire. Ce combat sur deux fronts a valu à La Rocque d'être considéré par la gauche comme le fasciste numéro un - ce que certes il ne méritait pas mais a été le point de départ d'une légende tenace -, de dresser contre lui la droite conservatrice et modérée, qu'il avait bien servie mais qu'inquiétaient désormais ses ambitions électorales, enfin de faire figure aux yeux des véritables ennemis du régime, fascistes et monarchistes, de renégat et de sauveur du parlementarisme honni. Cela n'empêchera pas le PSF (Parti social français), assagi et rallié au principe démocratique des élections, de devenir au cours des deux années qui précèdent le déclenchement de la guerre - avec un effectif qui doit tourner autour du million d'adhérents et son réseau serré de sections et de fédérations - la première grande formation moderne de la droite française. » (Fascisme français, passé et présent, Flammarion, 1991, pp 141-142). Notons donc que selon Milza, ce n'est pas tant la non-accession au pouvoir des ligues qui serait un éventuel accident de l'histoire mais bien la montée avortée par le déclenchement de la guerre du PSF (c'est-à-dire d'un parti légal, créé dans un cadre institutionnel républicain) vers le pouvoir parlementaire.

[modifier] Dissolution

Les Croix de feu et le Mouvement social français, malgré un sursis du Conseil d'État, sont dissous par décret pris en conseil des ministres le 18 juin 1936, en application de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées, sous le gouvernement du Front populaire, et subissent ainsi le même sort que la plupart des ligues d'extrême-droite réactionnaires ou fascisantes, dont La Rocque réprouvait l'activisme et l'anti-républicanisme systématique.

A l'évidence, la dissolution des Croix-de-Feu provient, d'une part, de la peur suscitée par la capacité du mouvement à mobiliser des foules nombreuses et organisées et, d'autre part, de son programme d'action sociale, très proche de celui du Front populaire, le menaçant ainsi de lui ravir de nombreux militants parmi la classe ouvrière.

Des cendres du MSF va naître le PSF ou Parti social français.

[modifier] Bibliographie

  • René Rémond, La droite en France, Aubier-Montaigne, 1968.
  • Jacques Nobécourt, Le Colonel de la Rocque, ou les pièges du nationalisme chrétien, Fayard, Paris, 1996.
  • Kevin Passmore, From liberalism to fascism : the right in a French province, 1928-1939, Cambridge university press, 1997.
  • Michel Winock, Le siècle des intellectuels, Seuil, 1999.
  • Michel Winock: "La Rocque et les Croix de Feu", in "Vingtième siècle", Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, avril-juin 2006, numéro 90
  • David Shapira: "Jacob Kaplan, un rabbin témoin du XXème siècle," Editions Albin Michel, 2007

[modifier] Sources directes

  • François de la Rocque, Pour la conférence du désarmement. La Sécurité française, Impr. De Chaix, 1932.
  • François de la Rocque,Service public, Grasset, 1934.
  • François de la Rocque ,Le Mouvement Croix de feu au secours de l'agriculture française, Mouvement Croix de feu, 1935.
  • François de la Rocque, Pourquoi j'ai adhéré au Parti social français, Société d'éditions et d'abonnements, Paris, décembre 1936.
  • Mouvement social français de Croix-de-Feu, Pourquoi nous sommes devenus Croix-de-Feu (manifeste), Siège des groupes, Clermont, 1937.
  • François de la Rocque, Union, esprit, famille, discours prononcé par La Rocque au Vél'd'hiv, Paris, 28 janvier 1938, Impr. Commerciale, 1938.
  • Paul Creyssel, La Rocque contre Tardieu, F. Sorlot, Paris, février 1939.
  • François de la Rocque, Paix ou guerre (discours prononcé au Conseil national du PSF, suivi de l'ordre du jour voté au Conseil ; Paris, 22 avril 1939), S.E.D.A., Paris, 1939.
  • François de la Rocque, Discours, Parti social français. Ier Congrès national agricole. 17-18 février 1939., SEDA, 1939.
  • François de la Rocque, Disciplines d'action, Editions du Petit Journal, Clermont-Ferrand, 1941.
  • François de la Rocque,Au service de l'avenir, réflexions en montagne, Société d'édition et d'abonnement, 1949.
  • Croix-de-Feu, Le Complot communo-socialiste, l'insurrection armée dans l'unité d'action, Grasset, 1935.
  • Amis de la Rocque, Pour mémoire : La Rocque, les Croix de feu et le Parti social français, Association des amis de La Rocque, Paris, 1985.

[modifier] Liens internes

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