Decemviri
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Sous la Rome antique, les decemviri - parfois francisé en décemvir - constituaient un collège de dix (decem) hommes (viri).
Traditionnellement il s'agissait d'un collège religieux qui assistaient les pontifes lors des célébrations de sacrifices.
Les decemviri legibus scribendis (généralement Decemviri - avec une majuscule) ont désigné le collège de 10 anciens consuls rédacteurs de la Loi des XII tables entre 451 av. J.-C. et 449 av. J.-C., premier corps de lois rédigés de la Rome antique.
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[modifier] Le contexte politique
La constitution du collège des decemviri fait suite à une dizaine d’années d’agitation politique qui mit l’existence même de Rome en péril. Les tribuns de la plèbe dénonçaient l’arbitraire des décisions de certains consuls qui interprétaient à leur gré la loi orale et réclamaient depuis 462 av. J.-C. la mise par écrit des droits des consuls (projet de lex Terentilia, tandis que les patriciens repoussaient sans cesse le vote de ce projet. Après des années de tension et de violences, les tribuns proposèrent un compromis, avec la création d’une commission mixte chargée de rédiger des lois communes aux patriciens et aux plébéiens, en contrepartie de l’abandon du projet de loi Terentilia.
Le Sénat accepta, et en 453 av. J.-C., une délégation de trois sénateurs, Spurius Postumius Albus, Aulus Manlius et Publius Sulpicius Camerinus, reçut mission d’aller à Athènes étudier les lois de Solon et celles des autres cités grecques. À leur retour en 452 av. J.-C., et après discussion, une commission spéciale fut constituée pour un an, les decemviri legibus scribendis (littéralement, les dix hommes pour les lois à écrire).
[modifier] Le premier collège des decemviri (451-450)
Les rédacteurs furent tous patriciens, car les Sénateurs estimaient que seuls les patriciens pouvaient proposer des lois, même s’il était convenu que le peuple les voteraient. Furent choisis d’office les membres de la délégation d’Athènes et les consuls désignés pour l’année, Appius Claudius et Titus Genucius. S’y ajoutèrent Publius Sestius, qui avait proposé au Sénat la création de la commission, ainsi que Titus Veturius, Gaius Julius, Publius Curiatius, Titus Romulius[1], anciens consuls dont l’âge devait apporter la pondération utile aux discussions. La direction de la commission fut confiée à Appius Claudius
On leur donna un pouvoir absolu, suspendant celui des consuls et des tribuns de la plèbe, et suspendant aussi le droit d'appel (intercessio) contre une décision injuste. En dehors de leur travail rédactionnel, les decemvirs gouvernaient et rendaient la justice chaque jour à tour de rôle. Le pouvoir du decemvir du jour était manifesté par les douze licteurs (appariteurs) qui le précédaient.
Ces décemvirs gouvernèrent avec modération et impartialité de 451 av. J.-C. à 450 av. J.-C., et eurent la chance qu’aucun ennemi de Rome ne se manifesta pendant cette période. Ils rédigèrent leurs lois sous dix titres, et les soumirent au vote populaire des comices centuriates. Elles furent gravées sur dix tables d'airain, ou de bois selon d'autres traditions.
[modifier] Le second collège (450-449)
Pour compléter ces lois, on organisa l'année suivante des élections pour désigner de nouveaux décemvirs. Appius Claudius se représenta, contrairement à l'usage de ne pas briguer une magistrature deux années de suite, et se fit réélire après une active campagne de séduction auprès du peuple. Furent aussi élus : Marcus Cornelius Maluginensis, Marcus Sergius, Lucius Minucius, Quintus Fabius Vibulanus, Quintus Poetilius, Titus Antonius Meranda, Caeso Duilius, Spurius Oppius Cornicen et Manius Rabuleius[2]. Ils prirent leur fonction au 15 mai 450 av. J.-C., créant la surprise en se présentant chacun précédé de douze licteurs, soit 120 en tout, force de coercition jamais vue à Rome.
Pendant cette seconde année, ces magistrats abusèrent du pouvoir et gouvernèrent avec despotisme, brimant la plèbe et ignorant le Sénat. Appius Claudius, le plus puissant d'entre eux, s'attira la haine du peuple. Au bout de l'année, ils ajoutèrent deux nouvelles tables aux précédentes, ce qui fit appeler ce code Loi des Douze Tables. Après le 15 mai 449 av. J.-C., quoique leur mandat d’un an fût terminé et leur travail législatif fût achevé, les decemvirs entrainés par Appius Claudius gardèrent le pouvoir de leur propre autorité, s'entourèrent d'une garde nombreuse, et étouffèrent toute protestation émanant de la plèbe.
La guerre déclenchée contre Rome par les Sabins et les Èques obligea les decemvirs à réunir le Sénat pour obtenir la levée des troupes romaines. Les decemvirs se partagèrent les secteurs d’opérations, Appuis Claudius et Spurius Oppius assurant la défense de Rome.
Deux crimes des decemvirs déclenchèrent la révolte populaire[3] :
- Dans l’armée en pays sabin, le meurtre de l’opposant plébéien Lucius Siccius, camouflé en perte dans une embuscade ennemie, dressa les soldats contre les decemvirs
- A Rome, Appius Claudius revendiqua comme esclave la jeune Verginia, fille du centurion Lucius Verginius, et promise de Lucius Icilius, ancien tribun de la plèbe. Son père préféra la poignarder en plein forum pour la soustraire aux violences d'Appius Claudius
Tandis que la plèbe se révoltait et se retirait en masse sur le Mont Sacré, les soldats se mutinèrent et revinrent camper sur l’Aventin, face à Rome. Les decemvirs furent contraints de démissionner, le Sénat rétablit les anciennes magistratures, consulat et tribunat. Iciliius et Verginius furent élus tribuns de la plèbe, et firent emprisonner Appuis Claudius, qui se suicida avant son procès. Son collègue Spurius Oppius, emprisonné à son tour, se suicida également. Les autres décemvirs s’exilèrent, et leurs biens furent confisqués.
De cette très grave crise, Rome retirait les fondements de son droit, la Loi des Douze Tables, fondant l’égalité des patriciens et des plébéiens devant une loi enfin rédigée et visible de tous.
Certains historiens modernes ont mis en doutent l’authenticité de l’épisode de Verginia, dont la mort pour sauver sa vertu déclanche une révolution contre un pouvoir despotique, lui trouvant un parallèle trop marqué avec le renversement du roi Tarquin le Superbe suite à la mort de Lucrèce.
[modifier] Notes
- ↑ Diodore de Sicile confirme cette liste donnée par Tite-Live, sauf pour P. Curiatius qu'il remplace par P. Horatius (Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, livre XII, 9)
- ↑ Liste confirmée par Diodore de Sicile, livre XII, 9
- ↑ Diodore de Sicile ne cite que l'épisode de la jeune fille, mais sans nommer ni Verginia, ni Appius Claudius
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens connexes
[modifier] Bibliographie ancienne
- Tite-Live, traduction de Annette Flobert, Histoire romaine, livres I à V, Flammarion, 1995, livre III, 31 à 58
- Diodore de Sicile, Bibliothèque historique [détail des éditions] [lire en ligne] (XII) ;
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