Exclusive
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Dans le cadre d'une élection pontificale, l’exclusive ou veto est un privilège que possédaient la France, l'Espagne et l'Autriche (en tant qu'héritière du Saint-Empire romain germanique), consistant à exclure officiellement l'un des candidats du scrutin. Elle est confiée normalement au cardinal protecteur du pays concerné, qui se charge de signifier le veto aux autres cardinaux.
[modifier] Émergence du droit d'exclusive
L'exclusive se distingue de l'approbation impériale, en vigueur dans les premiers siècles du christianisme, par laquelle l'Empereur sanctionne après coup le résultat du scrutin.
Elle tire ses origines des pressions exercées à partir du XVIe siècle par la couronne d'Espagne. Si Charles Quint se contente de pressions officieuses, son fils Philippe II fournit en 1590 une liste de sept cardinaux parmi lesquels le conclave est censé faire son choix, posant ainsi son veto contre tout autre candidat. Il s'agit bel et bien de pressions politiques et non d'un privilège juridique. Néanmoins, les cardinaux obtempèrent : Grégoire XIV figure bien parmi les sept candidats impériaux. En 1591, Philippe II fait de même pour le conclave dont sortira Innocent IX.
L'attitude de la papauté vis-à-vis de ces pression officielles n'est pas claire. Pie IV les reconnaît dans sa bulle In eligendis (1562) mais il les fait apparaître comme de simples recommandations. En 1621, Grégoire XV, dans Æterni Patris, condamne les conventions d'élection, mais sans les nommer. Clément XII en 1732 fait de même. La couronne d'Espagne continue donc à distribuer vetos ou listes de candidats officiels. Elle est rejointe en 1655 par la couronne de France, qui prohibe l'élection du cardinal Sacchetti. Cependant, Louis XIV reste timide en la matière : il laisse ainsi élire le cardinal Chigi, futur Alexandre VII, lors de ce même conclave. Le terme de jus exclusivæ (« droit d'exclusive ») commence à apparaître, mais le prétendu « droit » n'est toujours pas reconnu officiellement.
[modifier] L'exclusive moderne
En 1691, Léopold Ier, empereur romain germanique, émet son veto contre la candidature du cardinal Barbarigo. Le conclave voit un tournant : auparavant, les vetos devaient, pour fonctionner, être soutenus par des cardinaux convaincus de leur utilité. Désormais, c'est la seule voix du monarque qui compte. Le nombre des pays susceptibles de porter l'exclusive se stabilise à trois : l'Espagne, le Saint-Empire (dont le droit sera récupéré ensuite par l'Autriche) et la France, malgré les tentatives de la couronne de Portugal pour s'en faire reconnaître le droit. Le droit de veto se réduit à un seul et unique nom, annoncé de manière officielle par l'ambassadeur du pays près le Saint-Siège ou un cardinal ressortissant du pays, qui prend le nom de « cardinal protecteur » (ou « cardinal procurateur ») du pays. Cette formalisation de l'exclusive pousse paradoxalement les monarques à recourir de nouveau aux pressions officielles, quand leur droit d'exclusive a été épuisé.
On peut mentionner les exclusives :
- du Saint-Empire contre le cardinal Paolucci en 1721 (Innocent XIII est élu) ;
- de l'Espagne contre le cardinal Imperiali en 1730 (Clément XII est élu) ;
- de la France contre le cardinal Cavalchini en 1758 (Clément XIII est élu) ;
- de l'Autriche contre le cardinal Severoli en 1823 (Léon XII est élu) ;
- de la France contre le cardinal Albani en 1829 (Pie VIII est élu) ;
- de l'Espagne contre le cardinal Giustiniani et de la France contre le cardinal Macchi en 1830 (Grégoire XVI est élu) ;
- de la France contre le cardinal Bilio en 1878 (Léon XIII est élu).
Il faut y ajouter la tentative d'exclusive du conclave de 1846, où le cardinal Gaysruk, mandaté par l'Autriche, arrive trop tard pour empêcher l'élection du cardinal Ferretti. On peut également remarquer que la France de la IIIe République, en 1878, reprend une prérogative attachée à la couronne de France.
L'exclusive la plus célèbre est celle portée le 2 août 1903 par le cardinal Puzyna, prince-évêque de Cracovie, contre le cardinal Rampolla, qui réunit alors sur son nom 29 voix. Malgré les protestations des cardinaux, l'exclusive porte ses fruits : lors du second vote, Rampolla gagne une voix, mais en perd six, puis encore huit le lendemain. L'une des premières actions du vainqueur, Pie X, sera d'interdire sous peine d'excommunication à un cardinal de porter une exclusive (constitution apostolique Commissum nobis du 20 janvier 1904), « afin d'empêcher les chefs d'État de s'interposer ou de s'ingérer sous quelque prétexte » dans le conclave.
Cette disposition fait désormais partie du serment d'observance prêté par tout néo-cardinal, ainsi que du règlement du conclave. Elle n'a été remise en question par aucun successeur de Pie X.
[modifier] Bibliographie
- A. Battandier, « L'exclusion dans l'élection des souverains pontifes », Annuaire pontifical catholique, Libreria Editrice Vaticana, 1910 ;
- P. Blet, « La diplomatie française et l'élection de Pie X », Pro fide et iustitia, Mélanges pour le 70e anniversaire du cardinal Agostino Casaroli, Berlin, 1984, p.549–562 ;
- Philippe Levillain (dir.), Dictionnaire historique de la Papauté, s. dir. Philippe Levillain Fayard, 2003 (ISBN 2-21361-857-7)
- Joël-Benoît d'Onofrio, article « veto »,
- Pierre Blet, article « Exclusive » ;
- G. Vidal, Du droit d'exclusive en matière d'élection pontificale, Toulouse, 1906.
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