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Fernand Bonnier de La Chapelle

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Fernand Bonnier de La Chapelle, né en 1922 à Alger et fusillé dans cette même ville le 26 décembre 1942, est un résistant principalement connu pour avoir exécuté l'amiral François Darlan, ancien chef du gouvernement de Vichy et maître de l'Afrique du Nord, qu'il abattit le 24 décembre 1942.

Il fit ses études secondaires au Lycée Stanislas, à Paris. Il fut ensuite étudiant à Alger, où son père était journaliste à la Dépêche Algérienne. Son geste, qui lui coûta la vie, changea considérablement la donne politique en Afrique du Nord.

Sommaire

[modifier] L'engagement au Corps Franc d'Afrique

Étant de ceux qui n'avaient pas approuvé l'armistice, il a participé le 11 novembre 1940, à l'Arc de Triomphe, à la manifestation anti-allemande des étudiants. Il aurait ensuite rejoint la zone libre en passant clandestinement la ligne de démarcation et, étant rentré à Alger, où son père était journaliste à la Dépêche algérienne, il y fit un séjour aux Chantiers de Jeunesse. Après avoir passé son baccalauréat en 1942, il y fût surpris par le débarquement allié du 8 novembre 1942 (Opération Torch), et regretta que ses camarades qui avaient participé au putsch du 8 novembre, et permis ainsi le succès du débarquement, ne l'aient pas associé à leur entreprise.
À la suite de ce débarquement, Fernand Bonnier de La Chapelle fut l’un des premiers à s’engager au Corps Franc d’Afrique en formation sous la direction initiale d'Henri d'Astier de la Vigerie, ancien chef de la résistance nord-africaine. Ce choix d’engagement impliquait nécessairement des convictions personnelles hostiles au vichysme. En effet, cette formation avait été fondée par un groupe de résistants du 8 novembre qui trouvaient insupportable le maintien au pouvoir de l’« Amiral de la Flotte » François Darlan compromis notoirement dans la collaboration, et qui, d’autre part, ne voulaient pas servir sous les ordres des généraux qui venaient de faire tirer sur nos alliés à Oran et au Maroc, alors qu'ils avaient livré sans combat la Tunisie à l’ennemi.
Lorsque Henri d’Astier fut nommé à la tête de la police comme Secrétaire-adjoint à l'Intérieur, par Darlan, qui espérait ainsi(et à tort) se l'attacher, les membres du Corps franc d'Afrique maintinrent des relations officieuses avec ce dernier, et ce fut Bonnier qui fut désigné pour assurer cette liaison. Il rendit donc souvent visite, à cet effet, au domicile d’Henri d’Astier, où il rencontra aussi le lieutenant abbé Cordier, lui aussi résistant du 8 novembre, ami et confesseur de d’Astier.

[modifier] L'impopularité de Darlan

À cette époque, des membres du Corps franc venaient presque toutes les nuits à Alger, où ils couvraient les murs de slogans peu amènes pour Darlan, telles que « L’amiral à la flotte ! ».
Darlan n’encourait pas seulement des reproches pour ses trahisons passées, mais aussi pour son attitude présente, puisqu’il maintenait dans le camp allié les pires lois d’exclusion d’inspiration hitlérienne, ainsi que les mesures de répression vichystes, telles que l’internement dans les camps de concentration du sud de plusieurs milliers de résistants français, de républicains espagnols et de démocrates d’Europe centrale, coupables de s’être engagés en 1940 dans la Légion étrangère afin de combattre pour la France (voir Régime de Vichy en Afrique libérée(1942-43)).
Par conséquent les volontaires pour abattre Darlan ne manquaient pas parmi les éléments patriotiques de la population algéroise.

[modifier] La conspiration

C’est dans ce climat que, passant des paroles aux actes, Fernand Bonnier de la Chapelle tira à la courte paille avec 3 de ses compagnons d’armes, qui avaient participé, quelques semaines plus tôt au putsch du 8 novembre 1942 dont avait découlé le succès de l'Opération Torch, celui d’entre eux qui se dévouerait pour débarrasser la France de Darlan, dont la présence au pouvoir rendait impossible toute union avec la France Libre.
À la suite de ce tirage au sort, Bonnier se procura un vieux pistolet "ruby" 7,65, et, le 24 décembre 1942, jour choisi pour accomplir son geste, il rencontra d’abord l’abbé Cordier auquel il se confessa. L’abbé, après l’avoir entendu, lui donna par avance compte tenu de la fermeté de sa décision, l’absolution. Puis Bonnier, accompagné en voiture par ses camarades, se présenta en fin de matinée au Palais d’Eté, où, Darlan étant absent, il lui fut conseillé de revenir l’après-midi.

[modifier] L'attentat

Il déjeuna le même jour avec Henri d’Astier, et revint au Palais d’Été où on l’installa dans un couloir pour attendre Darlan. Après avoir patienté quelque temps, il vit enfin l’Amiral apparaître et se diriger vers son bureau, accompagné du capitaine de Frégate Hourcade. Bonnier vint à sa rencontre et l’abattit de 2 balles. Puis comme Hourcade s’accrochait à lui, il le blessa d’une balle pour se dégager, mais fut rapidement maîtrisé par les occupants des bureaux voisins. Interrogé le soir même par deux policiers, il déclara avoir agi seul, et ne parut pas s’inquiéter de la suite des évènements.

[modifier] L'exécution précipitée de Bonnier

Le lendemain matin, le 25 décembre 1942, un capitaine-juge d'instruction, bâcla en moins d'une heure l'instruction le matin du 25 décembre. Après une déclaration de Bonnier affirmant qu'il avait agi seul pour des raisons de propreté morale, ce juge, peu curieux, estima en savoir suffisamment pour clore là l'enquête, et signa une ordonnance de renvoi au tribunal militaire d'Alger.

Ce tribunal siégea le soir même, et, dépourvu lui aussi de curiosité, rejeta les demandes de supplément d'enquête, qui, pourtant, étaient de droit, présentées par Mes Viala et Sansonnetti, les avocats de l'inculpé. Le reste de la procédure se déroula en moins d'un quart d'heure, et le tribunal, ne tenant ni compte des motivations patriotiques de Bonnier, ni de son âge, le condamna à mort.

Un recours en grâce, dont le pourvoi était suspensif, fut alors immédiatement présenté. Il aurait dû légalement être soumis au chef de l'État, le maréchal Pétain, puisque, tant Darlan que les autres membres du Conseil Impérial exerçaient leur autorité au nom du « Maréchal empêché », ce qui aurait conduit à attendre la fin des hostilités pour permettre à celui-ci de se prononcer.

Noguès, doyen du Conseil impérial, se proclama Haut-commissaire par intérim, en vertu d'une ordonnance prise par Darlan du 2 décembre 1942, mais non publiée (ce qui lui retirait toute valeur légale, même dans l'ordre juridique de Vichy), et, usurpant la fonction de Chef de l'État du Maréchal, dont pourtant il prétendait tenir ses pouvoirs, il rejeta immédiatement, en pleine nuit, le recours en grâce. Giraud, qui dirigeait alors la justice militaire en tant que Commandant en Chef, refusa de différer l'exécution, et donna l'ordre de fusiller ce jeune résistant dès le lendemain matin, à 7h30. Deux heures plus tard Giraud s'agenouillait devant le cadavre de Darlan.

Or, dans la nuit, peu après la condamnation, un évènement s'était pourtant produit, qui aurait pu sauver Bonnier à la dernière minute. Celui-ci, alarmé par sa condamnation, avait demandé à parler à nouveau à un policier. Ce fut le commissaire Garidacci qui vint l’entendre. Il semble qu’alors, Bonnier ait révélé que l'Abbé Cordier était au courant de son entreprise, et qu'il se soit également prévalu de la protection d'Henri d’Astier, Secrétaire à l'Intérieur du Haut-Commissariat, dont il connaissait l’hostilité à Darlan. Il avait jusque là compté sur celle-ci, en cas de succès de son acte, mais n'étant pas au courant des démarches déjà entreprises par d'Astier et ses amis, il se sentait soudain abandonné. Garidacci conserva par devers lui cette confession sans en parler à quiconque, au lieu de la communiquer à ses supérieurs, avec l'intention, pense-t-on, de faire chanter ultérieurement son chef, Henri d'Astier, si bien qu'elle ne fut découverte que quelques jours plus tard, au cours d'une fouille de son bureau, trop tard pour Bonnier.

Giraud, qui n'avait rien fait pour empêcher l'exécution, ni même pour la retarder, en fut récompensé le jour même par les membres vichystes du Conseil impérial, qui l'élirent, sans aucune objection, à la place de Darlan. Il prit alors comme adjoint le général Bergeret, ancien ministre de Pétain, et maintint, à son tour, dans le camp allié, le régime de Vichy dans toute sa rigueur. Lorsque diverses personnes, dont Henri d’Astier, se présentèrent à Giraud, à peine élu, pour demander la grâce de Bonnier, celui-ci leur répondit qu’il était trop tard. Il ne se justifia jamais de sa hâte inattendue à le faire exécuter.

Bonnier de la Chapelle sera exécuté à Hussein-Dey, au carré dit « des fusillés ». Avant de mourir, Bonnier de la Chapelle s'est tourné vers le policier , Albert Antoine, qui était près de lui, a retiré son manteau, et l'a confié au policier, en lui disant « faites en don à un pauvre ».

[modifier] L'arrestation par les vichystes des chefs de la résistance

Cette hâte avec laquelle Giraud et ses collègues du Conseil impérial firent disparaître Bonnier parut encore plus suspecte, lorsque, quelques jours plus tard, le général relança l’enquête.
En effet cette initiative était particulièrement déplacée, de la part de Giraud, qui avait laissé supprimer à la hâte Bonnier, le principal témoin de l’affaire.
Mais plus déplacée encore fut l’initiative que Giraud prit, à l’instigation de son adjoint, le général Bergeret, ancien ministre de Pétain et d’une poignée d’officiers vichystes de son entourage : Il fit arrêter, le 24 décembre, 27 chefs de la résistance algéroise, qui n’avaient rien à voir dans cette affaire. Ils n’en furent pas moins déportés sans délai dans une oasis saharienne, sans que Robert Murphy, représentant personnel de Roosevelt, consente à intervenir en leur faveur (et alors que ces hommes avaient risqué leur vie quelques semaines plus tôt, pour empêcher, par leur putsch du 8 novembre 1942, l'armée d'Afrique de tirer sur les soldats alliés). Quant à d’Astier, il tenta de fuir, mais fut finalement arrêté chez lui, un peu plus tard.

[modifier] Les buts de l'opération de police vichyste

Il s’agissait pour Bergeret et ses hommes, par delà leur désir de se venger des 400 résistants qui les avaient ridiculisé lors du débarquement allié, en neutralisant à eux seuls le XIXe Corps d’Armée d’Alger :
- d’une part de minimiser la portée patriotique de l’acte de Bonnier en donnant à croire qu’il n’avait agi que pour ouvrir la voie à Henri d'Orléans (« comte de Paris »), c'est-à-dire dans un but de basse politique. (Encore qu’en réalité, il eût été tout à fait possible, à cette époque, d’être à la fois monarchiste et résistant, comme l’avait démontré Henri d’Astier, le 8 novembre 1942) ;
- et d’autre part d’impliquer de Gaulle dans le meurtre, par l’intermédiaire d’Henri d’Astier, auquel son frère François, général d’aviation, commandant les Forces aériennes françaises libres (FAFL), avait rendu visite quelques jours plus tôt.

[modifier] L'échec de Giraud

Les correspondants de guerre alliés à Alger, avertis en pleine nuit, le 24 décembre, par la sœur de José Aboulker et par son mari, Sam Danan, firent échouer la tentative. Ils alertèrent en effet immédiatement les médias d’Angleterre et des États-Unis où la presse était libre, et, par eux, les opinions publiques des grands pays alliés. Si bien que ce complot vichyste échoua, et qu’après quelques mois d’internement, les 27 résistants furent finalement mis hors de cause, à la suite de la conférence de Casablanca (dite aussi « Conférence d'Anfa »). Pour Henri d’Astier, l’épreuve fut plus longue, et ce fut seulement en novembre 1943, après la prise en mains par de Gaulle seul de la présidence du Comité français de la Libération nationale, qu’Henri d’Astier de la Vigerie et l’Abbé Cordier furent enfin relâchés.

[modifier] La réhabilitation posthume de Bonnier de la Chapelle

Bonnier fut réhabilité par un arrêt de la Chambre des Révisions de la Cour d’Appel d’Alger, du 21 décembre 1945, qui jugea que l’exécution par ses soins de cet amiral, collaborateur avoué de l’ennemi, avait été accompli « dans l’intérêt de la libération de la France ».

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