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Un hiéroglyphe est un caractère de l’écriture égyptienne.
L’écriture hiéroglyphique est figurative : les caractères qui la composent représentent en effet des objets divers, - naturels ou produits par l'homme -, des plantes, des figures de dieux, d'humains et d'animaux (cf. Classification des hiéroglyphes). Les égyptologues distinguent traditionnellement les idéogrammes (ou pictogrammes), qui figurent l’élément lui-même, les phonogrammes, qui correspondent à une consonne isolée ou à une série de consonnes[1], et les déterminatifs, signes « muets » qui indiquent le champ lexical auquel appartient le mot.
Apparue au début du IVe millénaire avant notre ère, elle perdurera jusqu’à l’époque romaine, soit pendant plus de trois mille ans. La connaissance des hiéroglyphes se perdit avec la fermeture des lieux de culte païens par l’empereur Théodose, et il faudra la chance exceptionnelle de trouver la pierre de Rosette ainsi que le génie de Jean-François Champollion pour briser, après quatorze siècles, ce qui paraissait être « un sceau mis sur les lèvres du désert »[2].
Le mot hiéroglyphe dérive du mot grec ἱερογλύφος / hieroglúphos, formé lui-même à partir de ἱερός / hierós (« sacré ») et γλύφειν / glúphein (« graver »).
À l'époque gréco-romaine, le mot désignait « celui qui trace les hiéroglyphes » et non les hiéroglyphes eux-mêmes, qui se disaient τὰ ἱερογλυφικά (γράμματα) / tà hieroglyphiká (grámmata), c'est-à-dire « les (caractères) sacrés gravés » sur les monuments (stèles, temples et tombeaux). Ultérieurement, par un glissement de sens, le mot hiéroglyphes finit par désigner les caractères hiéroglyphiques eux-mêmes.
Les Égyptiens eux-mêmes nommaient leur écriture medou-netjer (« parole divine ») soit, en translittération, mdw nṯr : |
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Par extension, on qualifie souvent de hiéroglyphique une écriture utilisant le même principe logographique que l'égyptien. Ainsi, on parle du hittite hiéroglyphique. Il n'est cependant pas admis de dire des caractères chinois qu'ils sont des hiéroglyphes (ce sont des sinogrammes). Hiéroglyphes comme sinogrammes appartiennent à l’ensemble plus vaste des logogrammes (à ne pas confondre avec les logotypes).
[modifier] Histoire et évolution
Dernière inscription hiéroglyphique connue, porte d'Hadrien à
Philæ
L'écriture hiéroglyphique est attestée dès la fin du IVe millénaire av. J.-C., à peu près à l'époque où les caractères cunéiformes apparurent en Mésopotamie. Elle fut employée pendant plus de 3 000 ans : la dernière inscription connue à ce jour est datée du 24 août 394, et se trouve dans le temple de Philae[3].
Dès l'Ancien Empire[4], l’égyptien hiéroglyphique fut un système d’écriture où se mêlent idéogrammes, signes consonantiques (unilitères, bilitères, et même trilitères) et déterminatifs (voir plus bas). À partir de la XVIIIe dynastie, les scribes utilisaient un certain nombre de bilitères comme syllabaires (sȝ, bȝ, kȝ etc.) pour transcrire les noms sémitiques ou d’origine sémitique, mais l’écriture dite syllabique ne sortit jamais de ce domaine.
Quelle que soit leur fonction, les signes sont figuratifs : ils représentent quelque chose de tangible, souvent facilement reconnaissable, même pour quelqu'un qui ignore le sens du signe. En effet, pour le dessin des hiéroglyphes, les Égyptiens s'inspirèrent de leur environnement : objets de la vie quotidienne, animaux, plantes, parties du corps. À l'époque de l'Ancien, du Moyen et du Nouvel Empire, il existait environ 700 signes hiéroglyphiques, alors qu'à l'époque gréco-romaine, on en dénombrait plus de 6 000.
Les hiéroglyphes furent gravés sur pierre ou bien, dans le cas de l'écriture hiératique, tracés au calame et à l'encre sur un support moins durable.
L'utilisation des hiéroglyphes gravés se limitait aux domaines où l'esthétique et/ou la valeur magique des mots avaient de l'importance : formules d'offrandes et fresques funéraires, textes religieux, inscriptions officielles.
L'écriture hiératique en est la forme cursive. Réservée aux documents administratifs et aux documents privés, elle avait pour support le papyrus, les ostraca (tessons de poterie ou de calcaire), le parchemin ou encore des tablettes de bois. Les égyptologues la distinguent des hiéroglyphes appelés linéaires, qui furent peints sur les sarcophages en bois et les papyrus des « Livres des morts ». Les hiéroglyphes linéaires conservent davantage l'aspect figuratif des hiéroglyphes gravés, mais furent tracés avec moins de précision que ces derniers.
À partir de l'époque saïte (XXVIe dynastie), l'hiératique fut partiellement supplanté par une nouvelle cursive, le démotique. Il s'agit d'une simplification extrême de l'écriture hiératique, réservée aux actes administratifs et aux documents de la vie courante, d'où son nom d'écriture « populaire ». L'hiératique n'était alors plus utilisé que pour consigner des textes religieux ou sacerdotaux, conjointement avec les hiéroglyphes, d'où son nom d'écriture « sacerdotale ». À l'époque ptolémaïque, le grec s'imposa de plus en plus comme langue administrative : à partir de -146 les contrats écrits uniquement en démotique avaient perdu toute valeur légale.
Le copte est le dernier stade de la langue et de l'écriture égyptiennes. Il est encore utilisé de nos jours, mais uniquement comme langue liturgique. Il s'écrit au moyen de l'alphabet grec auquel on a ajouté sept caractères démotiques pour transcrire les sons étrangers au grec.
L'écriture égyptienne n'est plus utilisée actuellement pour écrire quelque langue moderne que ce soit. Cependant, il faut noter que selon certains chercheurs, c'est elle qui, via le proto-sinaïtique, aurait donné naissance à l'alphabet phénicien, lequel, à son tour, sera à l'origine des alphabets hébreu, araméen et grec, donc des caractères latins et cyrilliques[5].
[modifier] Le système d'écriture
Les hiéroglyphes gravés sont tous, ou peu s'en faut, figuratifs : ils représentent des éléments réels ou imaginaires, parfois stylisés et simplifiés, mais parfaitement reconnaissables dans la plupart des cas.
Champollion, le déchiffreur des hiéroglyphes, considéré comme le père de l'égyptologie, définit le système hiéroglyphique comme suit :
« C'est un système complexe, une écriture tout à la fois figurative, symbolique et phonétique, dans un même texte, une même phrase, je dirais presque dans un même mot[6]. »
En effet, un même caractère peut, selon le contexte, être interprété de diverses manières : comme phonogramme[7] (lecture phonétique), comme idéogramme ou comme déterminatif (lecture sémantique). Nous verrons plus loin que le déterminatif, qui ne se lit pas, facilite la lecture en « déterminant » le champ lexical auquel le mot appartient : ainsi, le déterminatif de l'« homme assis » (A 1 d'après la classification de Gardiner) accompagne les mots désignant la fonction (« vizir », « prêtre »), la profession (« artisan »), l'ethnie (« Asiatique », « Égyptien », « Libyen », « Nubien ») ou encore les liens de parenté (« père », « fils », « frère »).
Note : Dans les parties qui suivent, les hiéroglyphes seront translittérés, c'est-à-dire transcrits en caractères latins. (cf. l'article sur la translittération)
[modifier] Lecture phonétique
Une tête de bœuf, un serpent, une main...
On lit le caractère indépendamment de son sens, selon le principe du rébus. Les phonogrammes sont formés soit d'une consonne (signes dits mono- ou unilitères), soit de deux (signes bilitères) ou de trois (signes trilitères). Les vingt-quatre signes unilitères constituent le pseudo-alphabet hiéroglyphique (voir plus bas).
Il faut préciser que l'écriture hiéroglyphique s'apparente à un abjad : elle ne note pas les voyelles, à la différence du cunéiforme par exemple. C'est une écriture défective.
Ainsi, le hiéroglyphe représentant un canard se lit sȝ, car telles étaient les consonnes du mot désignant cet animal. On peut cependant utiliser le signe du canard sans rapport avec le sens pour représenter les phonèmes s et ȝ à la suite (indépendamment des voyelles qui pourraient accompagner ces consonnes) et ainsi écrire des mots comme sȝ, « fils » ou, en complétant avec d'autres signes qu'on détaillera plus loin, sȝw, « garder, surveiller », sȝṯ.w, « terre ferme » :
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: le même caractère utilisé seul (le sens du petit trait vertical sera expliqué plus loin) pour signifier « canard » ou, avec le déterminatif approprié, « fils », deux mots ayant les mêmes consonnes ; |
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: le caractère sȝ au sein du mot sȝw, « garder, surveiller » et dans |
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, sȝṯ.w, « terre ferme ». |
[modifier] L'« alphabet » hiéroglyphique
Pour certains caractères, le principe du rébus devint celui de l'acrostiche : on ne lit plus que la première consonne du mot.
Par exemple,
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, r et ȝ, sont les consonnes du mot pour « bouche ». |
Ce sont celles qu'on lit quand le mot désigne effectivement la bouche. Ce caractère, cependant, s'utilise dans les autres cas pour sa seule consonne initiale, le r.
La pièce de tissu pliée
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est de même un caractère qui se lit snb, « être en bonne santé », |
dans la formule optative « qu'il vive, soit prospère, en bonne santé », sinon comme unilitère s[8].
Ainsi, on peut regrouper les vingt-quatre signes unilitères en une sorte d'« alphabet » hiéroglyphique, qui, cependant, ne fut jamais utilisé comme tel en remplacement des autres hiéroglyphes, bien que c'eût été possible : en effet, tous les mots égyptiens auraient pu être écrits au moyen de ces seuls signes, mais les Égyptiens n'ont jamais franchi le pas et simplifié leur écriture complexe en alphabet.
Le pseudo-alphabet égyptien est donc composé de caractères ne notant qu'une seule consonne, bien que certains d'entre eux en désignent plusieurs quand ils sont employés comme idéogrammes. Les voici dans l'ordre conventionnel des dictionnaires et des grammaires :
Signe |
Translittération |
Objet représenté |
Valeur phonétique |
Code Gardiner |
|
ȝ |
vautour |
aleph hébreu |
G 1 |
|
ỉ |
roseau fleuri |
yod hébreu |
M 17 |
|
y |
deux roseaux fleuris |
yod hébreu |
- |
|
ˁ |
avant-bras |
ˁayin hébreu |
D 36 |
|
w |
caille |
ou français |
G 43 |
|
b |
pied |
b |
D 58 |
|
p |
siège |
p |
Q 3 |
|
f |
vipère à cornes |
f |
I 9 |
|
m |
chouette |
m |
G 17 |
|
n |
eau |
n |
N 35 |
|
r |
bouche |
r |
D 21 |
|
h |
abri en roseaux |
h |
O 4 |
|
ḥ |
tresse de lin |
h emphatique |
V 28 |
|
ḫ |
placenta (?) |
ch écossais (dans loch) |
Aa 1 |
|
ẖ |
pis et queue d’un mammifère |
ch allemand (dans ich) |
F 32 |
|
s |
verrou |
z français |
O 34 |
|
ś |
étoffe pliée |
s |
S 29 |
|
š |
pièce d’eau |
sh anglais (dans ship) |
N 37 |
|
ḳ |
pente |
qu anglais (dans queen) |
N 29 |
|
k |
corbeille |
k |
V 31 |
|
g |
support de jarre |
g |
W 11 |
|
t |
pain |
t |
X 1 |
|
ṯ |
entrave |
tj |
V 13 |
|
d |
main |
d |
D 46 |
|
ḏ |
cobra |
dj |
I 10 |
[modifier] Les compléments phonétiques
L'écriture égyptienne est souvent redondante : en effet, il est très fréquent qu'un mot soit suivi de plusieurs caractères notant les mêmes sons, afin de guider la lecture. Par exemple, le mot nfr, « beau, bon, parfait », peut n'être écrit qu'au moyen du trilitère
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mais il est bien plus fréquent qu'on ajoute à ce trilitère les unilitères pour f et r. |
Il est donc écrit nfr+f+r, mais on lit nfr.
Les caractères redondants accompagnant les signes bilitères ou trilitères sont appelés « compléments phonétiques ». Ils se placent devant le signe à compléter (rarement), après (en règle générale) ou bien ils l'encadrent, servant ainsi d'aide à la lecture, d'autant que le scribe, pour des raisons de calligraphie, inversait parfois l'ordre des signes (voir plus bas) :
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mdw +d +w (les compléments sont placés après) → on lit mdw, « paroles, langue » ; |
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ḫ +p +ḫpr +r +j (les compléments encadrent) → on lit ḫpr.j, « Khépri ». |
Les compléments phonétiques permettent notamment de différencier les homophones. En effet, les signes n'ont pas toujours une lecture unique :
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par exemple, le siège, peut se lire st, ws et ḥtm, selon le contexte dans lequel il se trouve. |
La présence de compléments phonétiques - et du déterminatif approprié - permet de savoir quelle lecture suivre :
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st (écrit st+t ; le dernier caractère est le déterminatif de la maison ou de ce qui s'y rapporte), « siège, trône, endroit » ; |
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st (écrit st+t ; le dernier caractère est l'œuf, déterminatif du nom de la déesse Isis), « Isis ». |
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wsjr (écrit ws+jr, avec comme complément phonétique l'œil, qui se lit jr, suivi du déterminatif du dieu), « Osiris ». |
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ḥtm.t (écrit ḥ+ḥtm+m+t, avec le déterminatif du chacal), un type de bête sauvage, peut-être l'ours ; |
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ḥtm (écrit ḥ+ḥtm+t, avec le déterminatif de l'oiseau s'envolant), « disparaître ». |
Enfin, il arrive parfois que des mots aient changé de prononciation par rapport à l'ancien égyptien : dans ce cas, il n'est pas rare que l'écriture adopte un compromis dans la notation, les deux lectures étant indiquées conjointement. C'est le cas notamment pour l'adjectif bnrj, « doux (i. e. d'une saveur agréable) », devenu bnj, et le verbe swri, « boire », devenu swj. On les écrit, en moyen égyptien, bnrj et swri,
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, qui se lisent toutefois bnj et swj, le r n'ayant été conservé que pour garder un lien écrit avec le mot ancien (à la manière de notre monsieur, qui ne se lit plus comme il s'écrit). |
[modifier] Lecture sémantique
Outre une interprétation phonétique, les caractères peuvent être lus pour leur sens : on parle dans ce cas de logogrammes (ou idéogrammes) et de déterminatifs (ou sémagrammes)[9].
Un hiéroglyphe utilisé comme logogramme désigne l'objet dont il est l'image. Les logogrammes sont donc le plus souvent des noms communs ; ils sont toujours accompagnés d'un trait vertical muet indiquant leur valeur de logogramme (l'utilisation du trait vertical est détaillée plus bas) ; en théorie, tout hiéroglyphe aurait pu servir de logogramme. Les logogrammes peuvent être accompagnés de compléments phonétiques. Voici quelques exemples :
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swt, « jonc » - le t est le complément phonétique; |
Dans quelques cas, le rapport sémantique est indirect (métonymique ou métaphorique) :
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nṯr, « dieu » - le caractère représente en fait un étendard de temple ; |
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bȝ, « bâ » (âme)- le caractère est la représentation traditionnelle du bâ, un oiseau à tête humaine ; |
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dšr, « flamant rose » - le phonogramme correspondant signifie « rouge », et l'oiseau est associé par métonymie à cette couleur. |
Les déterminatifs ou sémagrammes se placent en fin de mot. Ce sont des caractères muets servant à indiquer le champ lexical du mot. Les cas d'homographies étant très fréquents (d'autant plus que seules les consonnes sont écrites), le recours aux déterminatifs est primordial. Si un procédé similaire existait en français, on ferait suivre les mots homographes d'un indice qu'on ne lirait pas, mais qui en préciserait le sens : « vers [poésie] » et le pluriel « vers [animal] » seraient ainsi distingués.
Il existe de nombreux déterminatifs : divinités, humains, parties du corps humain, animaux, plantes etc. Certains déterminatifs possèdent un sens propre et un sens figuré. Ainsi, le rouleau de papyrus,
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, sert à déterminer les écrits, mais aussi les notions abstraites. |
Voici quelques exemples d'utilisation des déterminatifs[10] permettant d'en illustrer l'importance :
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nfr.w (w et les trois traits sont les marques du pluriel) : [litt.] « les beaux jeunes gens », |
c'est-à-dire les jeunes recrues militaires. Le mot a comme déterminatif un enfant portant la main à sa bouche.
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nfr.t (t est ici le suffixe de formation du féminin) : « la jeune fille nubile », avec comme déterminatif une femme assise ; |
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nfr.w (le triplement du caractère sert à exprimer le pluriel, désinence w) : « fondations (d'une maison) », |
avec comme déterminatif le plan d'une maison ;
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nfr : « vêtement », où le déterminatif est une bande d'étoffe frangée ; |
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nfr : « vin » ou « bière », avec comme déterminatifs une cruche et les trois traits du pluriel. |
Nota :
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Ce déterminatif est un raccourci pour signaler trois occurrences du mot, c'est-à-dire son pluriel (puisque la langue égyptienne |
connaît un duel, indiqué parfois par deux traits).
Tous ces mots ont la connotation méliorative « bon, beau, parfait ». Notons qu'un dictionnaire récent[11] indique une vingtaine de mots se lisant nfr ou formés à partir de ce mot – preuve de l'extraordinaire richesse de la langue égyptienne.
[modifier] Sens de lecture
Les hiéroglyphes s'écrivent de droite à gauche, de gauche à droite ou de haut en bas, la direction usuelle étant de droite à gauche. Le lecteur, pour connaître le sens de lecture, doit considérer la direction dans laquelle sont tournés les hiéroglyphes asymétriques. Par exemple, quand les figures humaines et les animaux, facilement repérables, regardent vers la gauche, il faut lire de gauche à droite, et inversement.
Les mots ne sont pas séparés par des blancs ou des signes de ponctuation. Cependant, certains caractères apparaissent surtout en fin de mot, de sorte qu'il est parfois possible de distinguer les mots par ce biais. Il est évident toutefois que seule une solide connaissance de la langue et de sa syntaxe permet de découper un texte en mots.
Les hiéroglyphes ne sont cependant pas simplement alignés les uns à la suite des autres : en effet, ils se répartissent harmonieusement dans un carré virtuel (c'est-à-dire non tracé), ou quadrat (aussi écrit cadrat), à la manière des sinogrammes. À la différence des sinogrammes, cependant, tout caractère ne remplit pas entièrement le quadrat.
Il existe des hiéroglyphes prenant tout le quadrat : |
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d'autres en occupent la moitié, verticalement ou horizontalement : |
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d'autres enfin tiennent en un quart de quadrat : |
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Dans un texte écrit de gauche à droite, les quadrats s'enchaînent évidemment de gauche à droite ; les signes qui les occupent se lisent de gauche à droite puis de haut en bas ou bien de haut en bas puis de gauche à droite. Si le texte est disposé en colonnes verticales, les quadrats sont empilés les uns sur les autres, mais il n'empêche que le sens de lecture est le même que pour un texte disposé en lignes horizontales.
[modifier] Particularités calligraphiques et contraintes
Il existe plusieurs particularités calligraphiques, dont voici les principales :
- les caractères se répartissent en quadrats (voir plus haut) ;
- pour éviter qu'un quadrat ne soit incomplet, on inverse parfois des signes afin de rendre l'ensemble plus compact. De même, dans un souci d'esthétique, on choisit avec soin les compléments phonétiques, quoiqu'il y ait redondance ;
- on inverse parfois les hiéroglyphes d'oiseaux tenant en un quadrat et les signes d'un quart de quadrat (le p par exemple); dans ce cas, le petit caractère précède et occupe le creux du quadrat ;
- on peut omettre des signes, surtout ceux notant les phonèmes ȝ et j ;
- les signes désignant les dieux sont placés en tête d'énoncé, de syntagme ou de mot composé, par antéposition honorifique (inversion respectueuse).
Cependant, même si les hiéroglyphes sont inversés, la lecture et la translittération n'en tiennent évidemment pas compte.
[modifier] Signes annexes
[modifier] Trait de remplacement
Un caractère parfois jugé offensant : « mettre au monde »
Les caractères offensants, funestes, tabous, rares ou complexes peuvent être remplacés par un trait oblique :
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ms(j), verbe signifiant « mettre au monde », peut être écrit : |
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le déterminatif de la femme accouchant (dernier caractère) étant parfois jugé offensant (ou tout simplement trop difficile à dessiner) ; |
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m(w)t, « (la) mort, mourir », sera aussi écrit : |
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pour éviter le déterminatif de l'ennemi à terre (dernier caractère), signe funeste. |
On place dans un cartouche les noms de dieux (exceptionnellement) et les deux derniers noms (Roi de Haute et Basse-Égypte et Fils de Rê) de la titulature royale (toujours) :
[modifier] Trait de remplissage
On fait usage du trait de remplissage pour terminer un quadrat qui serait, sinon, incomplet.
[modifier] Signes agglutinés
Il existe des signes qui sont la contraction de plusieurs autres. Ces signes ont cependant une existence propre et fonctionnent comme nouveaux signes : par exemple un avant-bras dont la main tient un sceptre sert de déterminatif aux mots signifiant « diriger, conduire » et à leurs dérivés.
Le redoublement d'un signe indique son duel, le triplement son pluriel.
[modifier] Signes non-figuratifs
Il s'agit :
- du trait vertical indiquant qu'il s'agit d'un idéogramme ;
- des deux traits obliques du duel et des trois traits verticaux du pluriel ;
et, emprunté à l'hiératique, le suffixe de formation du pluriel : |
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La notion d'une orthographe « correcte » de l'égyptien hiéroglyphique ne se pose pas dans les mêmes termes que pour les langues modernes. En effet, pour presque chaque mot, il existe une ou plusieurs variantes. Par conséquent, on peut se demander si la notion de correction orthographique n'était pas étrangère à la langue égyptienne. En effet, on y trouve :
- des redondances ;
- des omissions de graphèmes, dont on ignore si elles sont intentionnelles ou non ;
- des substitutions d'un graphème à un autre, de sorte qu'il est impossible de distinguer une « faute » d'une orthographe « alternative » ;
- des erreurs et des omissions dans le tracé des signes, d'autant plus problématiques quand l'écriture est cursive : écriture hiératique mais surtout démotique où la schématisation des signes est extrême.
- ↑ L'égyptien hiéroglyphique n'écrit pas les voyelles.
- ↑ « Les langues sacrées ont laissé lire leur vocabulaire perdu ; jusque sur les granits de Mezraïm, Champollion a déchiffré ces hiéroglyphes qui semblaient être un sceau mis sur les lèvres du désert, et qui répondait de leur éternelle discrétion … » (François-René de Chateaubriand, Les Mémoires d’Outre-Tombe, IV, XII, chap. 9)
- ↑ Le dernier nom de souverain écrit en hiéroglyphes — il s'agit en l'occurrence de l'empereur romain Decius (249 à 251) — se trouve dans le temple d'Esna.
- ↑ cf. Elmar Edel, Altägyptische Grammatik I, Rome, 1955, p. 13
- ↑ cf. W. V. Davies, Egyptian Hieroglyphs dans Reading the Past, British Museum Press, 1996, p. 129 sqq ; voir aussi J. F. Healy, The Early Alphabet, ibid., p. 197 sqq.
- ↑ Jean-François Champollion, Lettre à M. Dacier relative à l'alphabet des hiéroglyphes phonétiques, 27 septembre 1822
- ↑ caractère qui représente un son ou phonème
- ↑ cf. Alan H. Gardiner, Egyptian Grammar, London, 1973, p. 507
- ↑ cf. Antonio Loprieno, Ancient Egyptian, A Linguistic Introduction, Cambridge University Press, 1995, p. 13
- ↑ empruntés à l'ouvrage Je lis les hiéroglyphes de Jean Capart
- ↑ Raymond O. Faulkner, A Concise Dictionary of Middle Egyptian, Griffith Institute, Oxford, 1962, reprinted 1972, 1976, 1981, 1986, 1988, 1991, 1996, 1999, (ISBN 0-900416-32-7)
- Sur l'étymologie, l'histoire et l'évolution : cf. Elmar Edel, Altägyptische Grammatik, Pontificium Institutum Biblicum, Roma, 1955, pp. 1 - 12 ; Alan H. Gardiner, Egyptian Grammar - Being an Introduction to the Study of Hieroglyphs, Oxford University Press, London, 1973, p. 6 sqq. ; Gustave Lefebvre, Grammaire de l’égyptien classique, Imprimerie de l’Institut français d’archéologie orientale, Le Caire, 1955, p. 5 sqq. ; Antonio Loprieno, Ancient Egyptian - A Linguistic Introduction, Cambridge University Press, 2004, p. 5 sqq. Voir aussi Pierre Grandet & Bernard Mathieu, Cours d'égyptien hiéroglyphique, Khéops, Paris, 1997, (ISBN 2-9504368-2-X) et François Neveu, La langue des Ramsès - grammaire du néo-égyptien, Khéops, Paris, 1996.
- Sur l’écriture « syllabique » : cf. Jaroslav Cerny and Sarah I. Groll, A Late Egyptian Grammar, Biblical Institute Press, Rome, 1975, p. 2 ; Adolf Erman, Neuägyptische Grammatik, Georg Olms Verlag, Hildesheim, 1979, pp. 15 – 19 ; Friedrich Junge, Neuägyptisch - Einführung in die Grammatik, Harrassowitz Verlag, Wiesbaden, 1999, p. 44 sq.
- Sur le système d’écriture : cf. Erhart Gräfe, Mittelägyptisch - Grammatik für Anfänger, Harrassowitz Verlag, Wiesbaden, 2001, pp. 5 – 15 ; Gustave Lefebvre, Grammaire de l’égyptien classique, Imprimerie de l’Institut français d’archéologie orientale, Le Caire, 1955, pp. 9 – 25.
- Sur la valeur phonétique des signes « alphabétiques » : cf. Gustave Lefebvre, Grammaire de l’égyptien classique, Imprimerie de l’Institut français d’archéologie orientale, Le Caire, 1955, pp. 25 – 31.
[modifier] Articles connexes
[modifier] Liens externes
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