Ian Smith
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Ian Douglas Smith (8 avril 1919-) était un homme politique de Rhodésie du Sud, premier ministre de Rhodésie (futur Zimbabwe) du 13 avril 1964 au 1er juin 1979 puis chef de l'opposition parlementaire d'avril 1980 à avril 1987.
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[modifier] Une enfance africaine
Ian Smith est né le 8 avril 1919 à Selukwe (appelé Shurigannina de 1963 à 1968 et de nos jours Shurugwi) en Rhodésie du sud. Il était le plus jeune des trois enfants de la famille et le seul garçon. Elevé à Gwelo (aujourd'hui Gweru), il fait ses études à la prestigieuse Université Rhodes en Afrique du Sud.
[modifier] Pilote de la RAF durant la seconde guerre mondiale
Pilote dans la Royal Air Force durant la Seconde Guerre mondiale, il est gravement blessé lors du crash de son avion au décollage le 4 octobre 1943. Défiguré, la chirurgie plastique lui redonne ses traits mais il continuera à souffrir d'une légère paralysie faciale. Ian Smith n'a alors que 24 ans. C'est à cette époque que son père se suicide.
Rétabli, Smith reprend du service en Italie mais son Spitfire est abattu lors d'une mission au dessus de l'Allemagne. Ayant sauté en parachute, il se retrouve derrière les lignes ennemies mais parvient à rejondre les résistances italiennes et françaises qui le cachent et l'aident à rejoindre les lignes alliés.
[modifier] Ascension politique en Rhodésie
Après la guerre, Smith revient en Afrique, termine ses études et s'achète une ferme à Selukwe.
En 1948, il épouse Janet Watt, déjà mère de deux enfants, avec qui il aura un fils unique, Alec.
C'est aussi en 1948 que Ian Smith entre en politique au sein des Southern Rhodesia Liberals. Il est élu député libéral de Selukwe à l'assemblée législative. Il ne reste député que le temps d'un mandat puis rejoint l'United Federal Party.
Opposé à la Fédération de Rhodésie et du Nyassaland, il fonde le Rhodesia Reform Party avant de fusionner celui-ci en 1962 avec le Dominion Party dans le nouveau Front Rhodésien (RF) qui remporte cette année-là les élections. Smith est alors élu député de Umzingwane et est nommé ministre du trésor dans le nouveau gouvernement de Winston Field.
[modifier] Le premier ministre de Rhodésie (1964-1979)
En 1964, il devient le chef du parti et succède à Field à la tête du gouvernement car Smith défendait farouchement les droits de la minorité blanche de Rhodésie du sud et refusait tout transfert à la majorité noire comme l'y incitait le gouvernement britannique (principe de transmission du pouvoir à la majorité noire avant toute indépendance de la colonie). À l'époque, la colonie est régie par la constitution de 1961 qui prévoit une assemblée nationale de 65 députés élus à deux niveaux. Pour le premier niveau (50 députés), les conditions pour être électeurs sont drastiques et reposent sur un système censitaire combinant différents facteurs dont le niveau d'éducation et la propriété foncière ou immobilière (principe électoral adopté dès 1923). Au bout du compte, 95% du corps électoral de ce niveau était issu de la minorité blanche (8% de la population) alors que le pays comptait 90% de citoyens noirs (5% d'entre eux avaient le droit de vote dans ce corps électoral). Pour le second niveau (15 députés), les conditions pour être électeurs étaient moins contraignantes. Du coup, 90% de ce corps électoral était issu de la communauté noire. Par conséquent, 50 députés étaient issus de la communauté blanche et seulement 16 de la communauté noire. Ian Smith défendait ce principe de représentation à deux niveaux qui évitait les critère raciaux et qui théoriquement, permettait à très très long terme la constitution d'une majorité politique noire dans le pays.
Mais au début des années soixante, alors que la plupart des anciennes colonies britanniques accèdent ou sont en voie d’accéder à l’indépendance, les Rhodésiens noirs se regroupent dans des mouvements nationalistes dont le but est la prise du pouvoir. Parmi ceux-ci, le Zimbabwe African National Union (radical) et le Zimbabwe African People’s Union (parti ethnique).
De leur côté, les loyalistes rhodésiens optent pour le statu quo: pas d’indépendance sans pouvoir majoritaire donc pas de pouvoir majoritaire ni d’indépendance. Le Front rhodésien et Smith veulent au contraire forcer les choses.
[modifier] La déclaration unilatérale d'indépendance
Le 11 novembre 1965, après l’échec des dernières tractations avec le Royaume Uni et le blanc seing accordé au gouvernement par les Blancs, Smith signe unilatéralement l'indépendance de la Rhodésie faisant de la colonie britannique un état souverain. Cet acte entraîne une condamnation internationale alors que l'Organisation des Nations unies enjoint au gouvernement britannique de mettre fin aux actions de sa colonie rebelle. Le pays est soumis à un embargo international. Bien que partageant la même vision raciale de la place de l'homme blanc en Afrique, la Rhodésie n’est même pas reconnue par son grand voisin, la république d'Afrique du Sud.
Les gains apparaissent alors bien maigre hormis une fierté nationale rhodésienne. À deux reprises, Smith se rend à Gibraltar négocier avec le gouvernement britannique une sortie de crise mais c’est l’échec. Les britanniques avaient pourtant offert à Smith la possibilité de prolonger la domination politique blanche pour une période fixée assez longue le temps qu’une élite noire prenne la relève. Les intérêts économiques de la minorité auraient été garantis. Mais les négociations achoppèrent sur le sort du gouvernement rebelle qui aurait du se dissoudre et appeler l’intervention direct du gouverneur britannique pour gérer la colonie, lequel aurait eu tout loisir pour former un gouvernement nationaliste noir sans tenir compte des dernières élections favorables au front rhodésien. Selon le premier ministre Harold Wilson, Smith n’avait pas l’intention de concéder un jour le pouvoir à la majorité noire. Les relations entre les deux négociateurs sont en fait détestables. Quant aux Rhodésiens, ils sont assignés à domicile car leurs passeports ne sont pas reconnus. Smith lui-même ne peut assister au mariage de son propre fils en Norvège en 1975. Malgré la sympathie ou l’aide stratégique de pays comme le Portugal, Israël, Taiwan ou l’Afrique du Sud, les sanctions finissent par étrangler le pays alors qu’une guérilla meurtrière commence à ravager la Rhodésie au début des années 1970.
[modifier] La république de Rhodésie
En 1970, les derniers liens avec la métropole sont rompues quand la république de Rhodésie est proclamée . En 1971, une autre tentative de conciliation est offerte sur les mêmes bases au gouvernement rhodésien qui finalement l’accepte. Mais le projet prévoit l’approbation de la majorité noire. Une commission royale sillonna tout le pays pour obtenir le sentiment de la population noire. Elle en conclura que si les chef tribaux étaient bien dans l’ensemble favorables au projet intérimaire, la population était majoritairement hostile. L’échec de ce projet débuta sur la guerre du bush mené par les nationalistes du ZANU et du ZAPU.
En 1974, c’est au tour de John Vorster, premier ministre d'Afrique du Sud, d’intervenir auprès de Smith pour tenter de l’amener à négocier la fin de la domination de la minorité blanche. Pour Vorster, il s’agit de poursuivre la politique de détente de l'Afrique du Sud avec les pays africains qu’il mène avec un certain succès et d’amener une Rhodésie pacifiée au sein d’une constellation d’états africains modérés. Vorster aurait reçu la garantie de certains de ces états africains de tolérer la domination blanche en Afrique du Sud à condition qu’elle eu cessé en Rhodésie. Il doit faire admettre à Smith que le principe de la domination blanche des 275 000 Rhodésiens blancs sur les 3 millions de noirs ne peut durer indéfiniment.
En 1976, c’est au tour du secrétaire d’état américain Henry Kissinger de prendre l’initiative auprès de Smith. À Pretoria, Kissinger rencontre Vorster et Smith alors que le premier ministre britannique James Callaghan apporte son soutien au plan de paix américain. Celui-ci est finalement accepté par Smith avec répugnance qui doit alors le faire ratifier par son propre parti.
[modifier] La transition politique
Ayant donné son accord au principe majoritaire, Smith ne prend pas cependant les dispositions immédiates pour le faire appliquer. Il est pourtant alors le leader incontesté et respecté de la minorité blanche et aucun autre blanc rhodésien n’est en mesure de se confronter politiquement à lui. Il entreprend alors des négociations secrètes avec des leaders noirs. En fait Smith craint un piège britannique. Les lois du Royaume Uni considèrent en effet que les signataires de la déclaration unilatérale d'indépendance sont coupables de haute trahison, susceptible de la peine capitale. Or, toute rétrocession au Royaume Uni sans l’abrogation de ces lois est un danger potentiel pour les ministres rhodésiens lesquels constituent l’élite politique de la minorité indispensable à une Rhodésie nouvelle. D’autre part, la guérilla commence à marquer des points à partir de janvier 1977 (vol civil d'Air Rhodesia abattus par des lances-roquettes) et toute perspective de défaite militaire empêche des négociations favorables aux intérêts de la minorité blanche.
En 1978, une solution interne est donc négociée avec les leaders africains modérés. Un tiers des sièges du parlement était garanti à la représentation blanche (5% de la population), un quart des postes de ministre et le contrôle de l’armée, de la police et des services judiciaires.
En 1979, un accord interne est trouvé avec les partis noirs modérés. Le premier gouvernement multiracial est mis en place après les premières élections multiraciales. Cependant, les nationalistes de la ZANU et de la ZAPU refusent de participer et de reconnaître l’accord interne tout comme la communauté internationale. Pourtant en juin 1979, Smith cède son poste de premier ministre à Abel Muzorewa du Congrès National Africain Uni. Smith reste au gouvernement alors que le pays devient la Zimbabwe-Rhodésie.
En septembre 1979, le gouvernement britannique de Margaret Thatcher persuade le gouvernement rhodésien de négocier à Lancaster House. En décembre, la Rhodésie redevint colonie britannique.
Malgré ses réserves, Smith approuve les accords de Lancaster House de décembre 1979 préparant le passage de pouvoir à la majorité noire et l'indépendance du Zimbabwe. La minorité obtient une représentation garantie de 20 députés pendant sept ans et l’absence d’expropriation foncière pendant 10 ans. Enfin, une amnistie est garantie à tous, guérilleros et membres du gouvernement et des forces militaires.
Smith espérait former une coalition avec l’UANC et le ZAPU mais la victoire absolue des radicaux du ZANU aux élections de février 1980 mettait fin au projet de gouvernement modéré. Smith tenta de faire annuler l’élection au motif de multiples mesures d’intimidations des électeurs dans les campagnes reculées mais les observateurs internationaux déclarèrent l’élection juste et démocratique .
Alec Smith de retour en Rhodésie arrangea une entrevue entre Smith et Robert Mugabe, le futur premier ministre, pour tenter de trouver un accord de gestion. L’entretien de plusieurs heures fut amical selon les témoins. Smith demanda alors aux Rhodésiens blancs d’accepter le résultat des élections et de se montrer pragmatique à l’avenir. Il leur demanda de rester dans le pays et de coopérer avec le nouveau gouvernement ZANU-PF.
Le Zimbabwe accède à l'indépendance le 18 avril 1980.
[modifier] L'opposant irréductible
Quelques mois plus tard, Ian Smith fait partie d'une délégation du Zimbabwe en visite en Europe à la recherche d’investisseurs étrangers.
Au parlement, il devient le chef de l’opposition comme leader du Front républicain. Il maintient à son parti le caractère de représentation de la minorité blanche. Entre 1980 et 1985, le RF perd petit à petit 11 de ses élus, ralliés individuellement aux indépendants ou au ZANU du premier ministre Robert Mugabe. Mais aux élections de 1985, il sécurise 15 sièges sur les 20 garantis à la minorité blanche.
En 1986, le RF est rebaptisé Alliance Conservatrice du Zimbabwé (CAZ) et s'ouvre plus largement aux noirs .
En 1987, Mugabe met fin à la représentation blanche. Smith se retire alors dans sa ferme de Shurugwi. L'Alliance conservatrice du Zimbabwe allait finir par se dissoudre à la fin des années 1990 dans le Mouvement pour le changement démocratique.
Opposant irréductible au président Robert Mugabe depuis 1980, Ian Smith est l’un des rares signataires de l’UDI à être resté au Zimbabwe plus de vingt ans après l’indépendance de 1980.
Au début des années 2000, il apporte son soutien au Mouvement pour un Changement Démocratique (MDC) de Morgan Tsvangirai, véritable premier parti d'opposition populaire à Mugabe.
Un peu plus tard, Hailé Mengistu, l’ancien négus rouge d'Éthiopie, rachète sa ferme [1].
En 2006, pour des raisons de santé, il est contraint de s'installer en Afrique du Sud pour suivre un traitement médical. Il vit au Cap chez sa belle-fille.
[modifier] Autobiographie
Ian Smith, surnommé le « lion au cœur fidèle », âgé de 85 ans en 2004, est l'auteur d'une autobiographie « The great Betrayal » (la grande trahison) qui revient sur les années et les ambitions avortées de la Rhodésie, où il fustige les trahisons et les promesses non-tenues d'amis et politiciens occidentaux ou sud-africains.
[modifier] Famille
Son épouse Janet Smith est décédée d'un cancer en 1994.
En février 2006, Alec Smith, âgé de 57 ans, ancien chapelain de réserve de l'armée du Zimbabwe et impliqué dans diverses activités caritatives, est mort d'une crise cardiaque à l'aéroport d'Heathrow, au retour d'un voyage en Norvège. Les relations orageuses personnelles et politiques entre Ian et Alec Smith avaient pris fin dans les années 1990. Alec Smith avait alors aidé son père (veuf) à gérer sa ferme et à rédiger ses mémoires. Alec Smith avait été longtemps ostracisé aussi bien par les blancs de Rhodésie que par les noirs du Zimbabwé (qui lui avaient reproché d'être le fils de Ian Smith, en dépit de leurs oppositions politiques).
Alec Smith laissa derrière lui son épouse d'origine norvégienne, deux filles et un fils.
[modifier] Commentaires de contemporains
- "Ian Smith était un formidable contradicteur mais ce n'était pas un visionnaire. Nous lui avons offert beaucoup plus que ce à quoi il pouvait prétendre et que ce qu'il va avoir maintenant. Il a attendu trop longtemps et il n'aura rien à la fin." - Harold Wilson (ancien premier ministre du Royaume-Uni) dans une interview à la BBC en 1979, juste avant le sommet de Lancaster House.
- "Si Smith eût été un homme noir, je dirais qu'il aurait été le meilleur premier ministre que le Zimbabwe a jamais eu." Morgan Tsvangirai, Leader du MDC, 1999
- "Smith avait beaucoup de qualités comme homme politique. Cependant, il était le produit de son milieu. Sa vie se résumait en parties de cricket, écoles "whites only", la RAF, le country club et la compagnie des autres "gentleman farmers". Il ne s'en est jamais échappé". - Peter Hain, ministre chargé de l'Afrique dans le gouvernement de Tony Blair, interview au journal The Observer, 1999
[modifier] Liens externes
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