Lou Andreas-Salomé
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Lou Andreas-Salomé (Louise von Salomé, 12 février 1861 - 5 février 1937 à Göttingen) est une femme de lettres et psychanalyste allemande d'origine russe.
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[modifier] Formation
Née à Saint-Pétersbourg, fille d'un général balte et protestant d’origine allemande et d’une mère danoise, Lou Salomé reçut une éducation plus poussée que celle donnée en général aux femmes de l'époque. Elle lut très jeune Spinoza et Kant. Lou Salomé est élevée dans un environnement romantique, elle fascine les plus grands penseurs masculins de son temps sans jamais se donner à eux.
[modifier] Sa rencontre avec Nietzsche
Jeune, elle fait la rencontre de Friedrich Nietzsche qui, durant l’année 1882, vit sa seule véritable histoire d’amour dans une escapade à trois avec Paul Rée, un philosophe juif qui demande Lou en mariage.
L’amour des trois intellectuels reste platonique. Elle a en commun avec Nietzsche d’avoir réfléchi à la mort de Dieu ; au décès de son père, une passion pour l’hindouisme et une santé faible qu’elle ne peut soigner qu’en Italie où elle fait de nombreux voyages… Lou et Nietzsche passèrent trois semaines d’errance à discuter de philosophie.
Nietzsche voit en Lou une enfant incroyablement douée et en même temps insupportable. C'est finalement Elisabeth Nietzsche, la sœur du philosophe, qui écarte la Russe, ce que son frère ne lui pardonnera jamais. Nietzsche sombre alors dans une profonde dépression et écrit Ainsi parlait Zarathoustra.
[modifier] La femme d'Andreas et la muse de Rilke
En 1887 (elle a 26 ans), un botaniste excentrique, spécialisé dans l’étude des serpents, manque de se donner la mort devant elle si elle refuse de l’épouser. Andreas, hypnotisé par son nouveau cobra, obtient gain de cause même si leur mariage n'est pas consommé. Leur union n’a jamais aucun sens pour Lou qui porte quand même le nom de ce mari d’opérette jaloux mais inoffensif.
En fait, la vie de Lou Andreas-Salomé reste celle d’une bohémienne intellectuelle pan-européenne qui voyage en permanence et correspond avec les plus grands. Femme libre avant son temps, en 1897, elle rencontre Rainer Maria Rilke, qui a quatorze ans de moins qu'elle et qui ne se remettra pas non plus de leur rencontre. Elle part en voyage avec lui en Russie en 1900. Leur relation dure trois ans (et leur correspondance toute leur vie), et Rilke est peut-être le seul homme qu’elle ait aimé physiquement (ce qui fait d'elle une sorte de vierge laïque ou de prostituée sacrée, si l'on songe à l'orientation christique de la poésie de Rilke). Elle change son nom de « René » pour « Rainer », simplifie son style et devient sa mère et sa muse à la fois. On l'a classée facilement dans la catégorie "égéries" parce qu'elle a rencontré les esprits les plus remarquables de son temps, sans voir qu'elle traitait avec eux d'égal à égal. Cela a nui à la connaissance de son œuvre, d'une grande richesse, qui reste encore à étudier. Y voisinent les romans : Ruth (1895), Enfant des hommes (1899), Rodinka (1922) ; des essais sur Nietzsche, sur Tolstoï, sur Rilke, sur la psychanalyse, sur le féminisme ; une autobiographie qu'elle a voulue posthume, Ma vie (1951), et une très importante correspondance.
[modifier] L'amie de la famille Freud
Mais c'est la rencontre avec Sigmund Freud, en 1911, durant les années de naissance de la psychanalyse, qui sont les plus marquantes. Lou Andreas-Salomé devient l’amie de la fille chérie du psychanalyste, Anna Freud.
Lou entretient une correspondance avec le docteur de Vienne et participe activement à l’établissement des principaux concepts du maître par un esprit critique. Elle s’oppose d'ailleurs à lui au sujet de la religion qui intéresse Freud à la fin de son œuvre.
[modifier] Verbatim
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- « Nous sommes profondément apparentés par l’intelligence et par le goût – d’un autre côté il y a tant de choses qui nous opposent, que nous sommes l’un pour l’autre à la fois l’objet et le sujet d’observation le plus instructif qui soit. Je n’ai encore jamais rencontré quelqu’un qui sache extraire de ses expériences une telle quantité de jugements objectifs, personne qui sache tirer autant de choses de tout ce qu’il apprend... Ma sœur est malheureusement devenue une ennemie mortelle de L. » Friedrich Nietzsche à Franz Overbeck (avant la mi-septembre 1882)
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- « ... le jour de notre toute première rencontre qui eut lieu dans l’église Saint-Pierre... Les premiers mots qu’il m’adressa furent : "De quelles étoiles sommes-nous tombés pour nous rencontrer ?" » Lou Andreas-Salomé, Ma vie. Esquisse de quelques souvenirs
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- « Lou trahit beaucoup d’elle-même et de son propre comportement amoureux dans ces récits... et on ne se trompera sans doute pas tout à fait à voir en tante Adèle, belle femme restée vierge, un double lointain de l’auteur dans les années qui ont précédé 1897, et la découverte tardive de l’amour... Elle avait alors trente-six ans... Son attention la plus tendre cependant enveloppe Jutta. Elle lui prête mieux que sa proximité avec la nature : le charme naïf et têtu qui avait été le sien, petite fille, son intrépidité morale qui lui fait brûler les étapes et jouer avec le feu. » S. Michaud, "Préface", Lou Andreas-Salomé, Jutta (2000)
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- « Elle avait besoin pour aimer quelqu’un qu’il fût un écho de Dieu ; mais elle ne pouvait partager sa couche. Et puis, il y avait les autres hommes, les hommes du commun, ceux qui n’étaient pas des dieux ; mais à ceux-là, elle n’accordait que son amitié. Cet éros retenu, nié, et qui pourtant rayonnait insensiblement de toute sa personne, fut la première source de son charme extraordinaire. » P. Citati, Portraits de femmes (1980), "Lou Salomé et Nietzsche"
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- « C’était [Lou] une force de la nature plus qu’un être humain » Paul Bjerre, dans A. Etkind, Histoire de la psychanalyse en Russie (1995)
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- « Elle était d’une modestie et d’une discrétion peu communes. Elle ne parlait jamais de sa propre production poétique et littéraire. Manifestement, elle savait où chercher les vraies valeurs de la vie. Quiconque l’approchait était très fortement impressionné par la sincérité et l’harmonie de son être et s’apercevait avec stupéfaction que toutes les faiblesses féminines, et peut-être la plupart des faiblesses humaines, lui étaient étrangères ou qu’elles les avait surmontées, au cours de sa vie. » S. Freud, Internationale Zeitschrift für Psychanalyse (1935)
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- « (…) bien des exemples m’ont persuadée que quiconque ne l’a pas connue tout personnellement ne comprend pas Lou, peut-être même est-il incapable de la comprendre, car elle avait quelque chose de très inhabituel, à quoi les autres humains ne sont tout simplement pas préparés. » Anna Freud, lettre du 18 décembre 1980
[modifier] Œuvres
- Friedrich Nietzsche à travers ses œuvres, 1894, essai.
- Ruth, 1895, roman autobiographique.
- Enfant des hommes, 1899, roman.
- Rodinka, 1922, roman.
- Le diable et sa grand-mère (1922). Traduction, annotation et postface de Pascale Hummel, 2005.
- L'heure sans Dieu et autres histoires pour enfants (1922). Traduction, annotation et postface de Pascale Hummel (2006).
- Lettre ouverte à Freud pour son 75e anniversaire, 1931.
- Ma vie : Esquisse de quelques souvenirs", PUF Quadrige, 2001, ISBN 2130520405
- avec Anna Freud :"A l'ombre du père : Correspondance 1919-1937", Ed: Hachette, 2006, ISBN 2012357288
[modifier] Bibliographie
- Yves Simon, Lou Andreas-Salomé, éd. Mengès, 2004, coll. Destins, ISBN 2-8562-0443-0. Biographie centrée sur les relations de Lou Andreas-Salomé avec Paul Rée, Nietzsche et Rilke.
- H.F. Peters, Ma sœur, mon épouse (My sister, my Spouse, New York 1962), Gallimard, 1967.
- Liliana Cavani, Au delà du bien et du mal, film, 1977. Biographie romancée.
- Elisabeth Foerster-Niezsche, Friedrich Nietzsche et les femmes de son temps (1935). Traduction, annotation et postface de Pascale Hummel, Paris, Michel de Maule, 2007.
- Pfeiffer Ernest, Nietzsche, Rée, Salomé : correspondance.
- Stéphane Michaud, Lou Andreas-Salomé, éd. Biographie Seuil, 2000, ISBN 2-02-023087-9.