Marie Lacoste-Gérin-Lajoie
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Marie Lacoste Gérin-Lajoie (Montréal, 19 octobre 1867 - Montréal, 1er novembre 1945) est une pionnière du mouvement féministe au Québec, une juriste autodidacte et une activiste sociale.
[modifier] Une formation juridique autodidacte
Marie Gérin-Lajoie, née Lacoste, est issue d'une famille de la bourgeoisie montréalaise francophone. Elle s'initie au droit par elle-même, à une époque où les femmes n'ont pas accès à l'enseignement supérieur au Québec, au moyen des ouvrages juridiques de son père, sir Alexandre Lacoste, avocat, professeur de droit à l'Université Laval à Montréal (1880-1923), sénateur (1884-1891), puis juge en chef de la province de Québec (1891-1907). Elle peut aussi bénéficier de la bibliothèque de son mari qu'elle épouse en 1887, l'avocat montréalais Henri Gérin-Lajoie, fils du poète Antoine Gérin-Lajoie, petit-fils du journaliste Étienne Parent et frère du sociologue Léon Gérin.
Ses lectures lui font prendre conscience de la situation juridique de la femme mariée au Québec, le code civil alors en vigueur dans cette province en faisant une perpétuelle mineure aux yeux de la loi. Afin d’informer les femmes sur leur condition légale, elle publie en 1902 un Traité de droit usuel, ouvrage de vulgarisation de droit civil et constitutionnel s'adressant en particulier aux femmes. Réédité à plusieurs reprises, cet ouvrage va devenir une référence pour les militantes souhaitant améliorer le statut juridique des femmes.
[modifier] L'action au sein du Montreal Local Council of Women
Le 30 novembre 1893, elle est parmi les rares femmes francophones, avec entre autres sa mère, Marie-Louise Globensky (« Lady Lacoste ») à participer à la fondation du Montreal Local Council of Women (MLCW) (l'actuel Conseil des femmes de Montréal) sous l'égide de Ishbel Aberdeen, l'épouse du gouverneur général du Canada de l'époque. Le MLCW, affilié au Conseil national des femmes du Canada, et, à travers lui, au Conseil international des femmes, est une organisation rassemblant alors majoritairement des femmes anglophones et est destinée à coordonner les efforts et les actions des multiples associations féminines oeuvrant alors dans le domaine social, avec pour objectif d’améliorer la société en général, en particulier la condition des femmes et des enfants[1]. Cette association est l’un des premiers groupements féministes au Québec. Marie Gérin-Lajoie, qui y militera activement, siégera au sein de son conseil d'administration de 1900 à 1906[2].
[modifier] La fondation de la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste
En 1907, partageant le malaise d'autres femmes francophones à militer au sein d'un mouvement laïc et majoritairement anglophone, elle se dissocie du MLCW pour fonder, avec Caroline Béïque et les femmes issues de la section des Dames patronnesses de l'Association Saint-Jean-Baptiste, la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste (FNSJB), destinée selon l'intention de ses fondatrices, à «grouper les Canadiennes françaises catholiques en vue de fortifier par l'union leur action dans la famille et dans la société »[3].
La FNSJB, jusqu'au milieu des années 1920, va notamment jouer un rôle important dans les débuts du mouvement féministe au Québec et la lutte pour l'obtention du suffrage féminin au Québec[4]. Marie Gérin-Lajoie va profondément marquer la FNSJB de son empreinte personnelle, y occupant les fonctions de secrétaire (1907-1913), puis de présidente (1913-1933).
[modifier] Les débuts de la lutte pour l'obtention du suffrage féminin au Québec
À la fin de l'année 1921, après l'obtention au niveau fédéral du droit de vote des femmes en 1918 et la démobilisation du mouvement suffragiste qui suivit, elle relance la lutte au niveau provincial en fondant en 1922 le Comité provincial pour le suffrage féminin (CPSF) qui rassemble militantes anglophones et francophones. Le 9 février 1922, elle conduit à Québec une délégation de 400 femmes pour tenter de convaincre, en vain, le premier ministre Louis-Alexandre Taschereau. La délégation doit faire face à un très fort mouvement d'opposition provenant à la fois du clergé catholique, des journalistes (notamment Henri Bourassa), des politiciens et de femmes. Le projet de loi déposé à l'Assemblée législative par un député libéral sympathique à la cause est défait.
En mai de la même année, Marie Gérin-Lajoie se rend à Rome pour assister au congrès de l’Union internationale des ligues féminines catholiques afin de recevoir l’assentiment du pape concernant le suffrage des femmes au Québec, espérant ainsi contourner la forte opposition de la hiérarchie catholique québécoise. L’Union se prononce en faveur du mouvement suffragiste, mais déclare, à l'instigation du représentant du pape, que les démarches doivent se faire avec l'accord de l’épiscopat local.
Marie Gérin-Lajoie, à la suite de fortes pressions du clergé qui souhaite dissocier la FNSJB de toute implication du mouvement suffragiste, démissionne de la présidence de la section francophone du CPSF, tout en demeurant membre du conseil d'administration jusqu'en 1928. Le CPSF va demeurer virtuellement inactif jusqu'à sa reprise en main, en 1927, par Thérèse Casgrain.
[modifier] L'amélioration de la situation juridique de la femme mariée
Multipliant depuis 1896 les conférences, les écrits et les démarches en faveur de l'amélioration juridique de la femme mariée au Québec, elle obtient en août 1929 la tenue d'une Commission d'enquête sur les droits civiques des femmes au Québec (Commission Dorion), devant laquelle elle témoigne en novembre 1929 au nom de la FNSJB, en compagnie notamment de Thérèse Casgrain et d'Idola Saint-Jean.
À la suite du dépôt du rapport de cette commission, le 15 février 1930, les premières véritables mesures destinées à l'amélioration de la condition juridique de la femme mariée au Québec vont être adoptées : libre disposition de son salaire (et des biens ainsi acquis) par la femme mariée, libre disposition de ses biens par la femme séparée de son mari sans besoin de l'accord de celui-ci.
[modifier] Fin de vie
Elle démissionne de la présidence de la FNSJB en 1933. Après la mort accidentelle de son époux, le 7 mai 1936, elle se retire auprès de sa fille et homonyme, l'activiste sociale Marie Gérin-Lajoie, à l'Institut Notre-Dame-du-Bon-Conseil fondé par cette dernière, où elle meurt en 1945.
L'un de ses petit-fils, Paul Gérin-Lajoie, ministre de l'Éducation du Québec de 1964 à 1966, a joué un rôle clé dans la réforme du système éducatif québécois au cours de la Révolution tranquille.
[modifier] Principaux écrits
- Traité de droit usuel. Montréal : Beauchemin, 1902.
- La Communauté légale : sauvons nos lois françaises !. [s.l.]: [s.n.], 1927.
- La Femme et le code civil : plaidoirie de Mme Marie Gérin-Lajoie devant le Comité des bills publics, en faveur de certains amendements au Code civil de la province de Québec. [s.l.]: [s.n.], 1929.
[modifier] Notes et références de l'article
[modifier] Notes
- ↑ Conseil des femmes de Montréal / Montreal Council of Women, « Ce que nous sommes » [en ligne] (page consultée le 21 mars 2007); Sabine Hilairet, « Présentation du Montreal Local Council of Women », Montreal Local Council of Women, 2002 [en ligne] (page consultée le 21 mars 2007)
- ↑ Sabine Hilairet. « Marie Lacoste Gérin-Lajoie (1867-1945) », Montreal Local Council of Women, 2002 [en ligne] (page consultée le 21 mars 2007)
- ↑ «La Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste veut avoir sa maison», La Bonne parole, 11, 12 (décembre 1923), p. 4, cité dans HÉBERT, Karine. « Une organisation maternaliste : La Fédération Nationale Saint-Jean-Baptiste et la lutte des femmes pour le droit de vote », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 52, n° 3 (hiver 1999) [en ligne], note 2.
- ↑ LAVIGNE, Marie, Yolande PINARD et Jennifer STODDART. «La Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste et les revendications féministes au début du 20e siècle» dans Marie LAVIGNE et Yolande PINARD, dir. Travailleuses et féministes. Montréal: Boréal Express, 1983, p. 199-216.
[modifier] Références
- HÉBERT, Karine. « Une organisation maternaliste : La Fédération Nationale Saint-Jean-Baptiste et la lutte des femmes pour le droit de vote », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 52, n° 3 (hiver 1999) [en ligne].
- LAVIGNE, Marie, Yolande PINARD et Jennifer STODDART. «La Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste et les revendications féministes au début du 20e siècle» dans Marie LAVIGNE et Yolande PINARD, dir. Travailleuses et féministes. Montréal: Boréal Express, 1983, p. 199-216.
- SICOTTE, Anne-Marie. Marie Gérin-Lajoie : conquérante de la liberté. Montréal : Éditions du remue-ménage, 2005.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Articles connexes
[modifier] Liens et documents externes
[modifier] Écrits en ligne de Marie Lacoste Gérin-Lajoie
- « De l'enseignement du droit civil aux jeunes filles », L'Enseignement primaire, novembre 1904, p. 132-136.
- « Le suffrage féminin », La Bonne parole, Vol. 10 (1922), p. 3, 6.
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