Problème de Mengoli
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Le problème de Mengoli est un problème célèbre dans la théorie des nombres, posé en premier par Pietro Mengoli en 1644, et résolu par le mathématicien suisse Leonhard Euler en 1735. Le problème résistait aux attaques des mathématiciens éminents de l'époque, ainsi, la solution d'Euler lui apporta une notorité immédiate à l'age de 28 ans. Euler a considérablement généralisé le problème, ses idées furent reprises par le mathématicien allemand Bernhard Riemann dans son article de 1859, dans lequel il a défini sa fonction ζ et démontré ses propriétés de base.
Le problème de Mengoli demande le résultat d'une somme précise des inverses de carrés de nombres positifs, c.a.d. qu'il demande le résultat précis de la série :
La série est approximativement égale à 1,644934. Le problème de Mengoli nous demande de trouver la somme exacte de cette série, ainsi qu'une démonstration que notre somme est correcte. Euler trouva la somme exacte et annonça cette découverte en 1735. Ses arguments étaient basés sur des manipulations qui ne furent pas justifiées en même temps, et ce n'est que dix ans plus tard qu'il fut capable de produire une démonstration vraiment rigoureuse.
Sommaire |
[modifier] Euler attaque le problème
La déduction originale d'Euler de la valeur est intelligente et originale. Il développa essentiellement des observations sur les polynômes finis et assura que ces mêmes propriétés sont toujours vraies pour les séries infinies. Bien sur, le raisonnement original d'Euler requiert une justification, mais même sans justification, en obtenant simplement la valeur correcte, il fut capable de la vérifier numériquement par rapport aux sommes partielles de la série. La concordance qu'il observa lui inspira suffisamment confiance pour annoncer son résultat à la communauté mathématique.
Pour suivre l'argument d'Euler, rappelons le développement en série de Taylor de la fonction sinus
En divisant par x, nous avons
Maintenant, les racines (zéros) de apparaît précisément pour , où n = 1, 2, 3, ... Supposons audacieusement que nous pouvons exprimer cette série infinie comme un produit de facteurs linéaires donnés par ses racines, comme nous le faisons pour les polynômes finis :
Si nous multiplions formellement ce produit et factorisons tous les termes , nous voyons que le coefficient de de est
Mais, à partir du développement de la série infinie originale de , le coefficient de est . Ces deux coefficients doivent être égaux ; ainsi,
Multiplier les deux cotés de cette équation par nous donne la somme des inverses des carrés d'entiers positifs.
[modifier] La fonction Zeta de Riemann
La fonction zeta de Riemann est une des plus importante fonctions des mathématiques, à cause de sa relation avec la distribution des nombres premiers. La fonction est définie pour tout nombre complexe s avec une partie réelle > 1 par la formule suivante :
En prenant s = 2, nous voyons que est égale à la somme des inverses des carrés d'entiers positifs :
Comment savons-nous qu'elle converge pour tous ? Nous pouvons démontrer ceci avec l'inégalité suivante :
Ceci nous donne la limite supérieure , mais la valeur exacte était inconnue pour un certain temps, jusqu'à ce que Leonhard Euler la calcula en 1735. Il peut être montré que a une belle expression en nombres de Bernoulli quand s est un entier positif pair.
[modifier] Une démonstration rigoureuse
L'argument suivant prouve l'identité , où est la fonction Zeta de Riemann. C'est de loin, la démonstration la plus simple disponible ; car la plupart des démonstrations utilisent des résultats de mathématiques avancées, telle que les série de Fourier, l'analyse complexe, et le calcul à plusieurs variables, celle qui suit ne requiert même pas le calcul à une variable (bien qu'une limite est prise à la fin).
[modifier] Historique de la démonstration
L'origine de cette démonstration n'est pas claire. Elle apparaît dans le journal Eureka en 1982, attribuée à John Scholes, mais Scholes déclara qu'il avait appris la démonstration de Peter Swinnerton-Dyer, et dans tous les cas il maintient que la démonstration était un « savoir commun de Cambridge à la fin des années 1960 ».
[modifier] Ce que vous avez besoin de connaître
Pour comprendre la démonstration, vous aurez besoin de comprendre des énoncés suivants :
- La formule de De Moivre qui énonce que pour tout nombre réel x et tout entier n,
- Démonstration : ceci peut être prouvé à partir de la formule d'Euler.
- Le formule du binôme de Newton, qui énonce que pour tout nombre réel x et y et tout entier positif n,
- où nous avons les coefficients binomiaux
- Démonstration: se démontre par récurrence.
- La fonction cot2 x est injective sur l'intervalle (0, π/2).
- Démonstration : Supposons cot2 x = cot2 y pour un certain x, y dans l'intervalle (0, π/2). En utilisant la définition de la cotangente cot x = (cos x)/(sin x) et l'identité trigonométrique cos2 x = 1 − sin2 x, nous voyons que (sin2 x)(1 − sin2 y) = (sin2 y)(1 − sin2 x). En soustrayant (sin2 x)(sin2 y) de chaque coté, nous avons sin2 x = sin2 y. Comme la fonction sinus est toujours positive sur l'intervalle (0, π/2), ceci veut dire que sin x = sin y, mais cela est géométriquement évident (en regardant le cercle unité) que la fonction sinus est injective sur l'intervalle (0, π/2), donc, que x = y.
- Si p(t) est un polynôme de degré m, alors p n'a pas plus que m racines distinctes.
- Démonstration : Ceci est une conséquence du théorème fondamental de l'algèbre.
- Si p(t) = amtm + am − 1tm − 1 + ... + a1t + a0, alors la somme des racines de p (comptées avec leurs multiplicités) est −am − 1/am.
- Démonstration : Si am = 1, alors p(t) = le produit de tous les (t − s), où s s'étend sur toutes les racines de p. En développant ce produit, nous voyons le coefficient de tm − 1 est moins la somme de toutes les racines. Si am ≠ 1, alors nous pouvons diviser chaque terme par lui, en obtenant un nouveau polynôme avec les mêmes racines, dont le premier coefficient est maintenant 1; en appliquant l'argument précédent, on montre que la somme des racines de p(t) = somme des racines de ce nouveau polynôme = −am − 1/am.
- L'identité trigonométrique cosec2 x = 1 + cot2 x.
- Démonstration : Ceci découle de l'identité fondamentale 1 = sin2 x + cos2 x après avoir été divisé par sin2 x.
- Pour tout nombre réel x avec 0 < x < π/2, nous avons les inégalités cot2 x < 1/x2 < csc2 x.
- Démonstration : Premièrement, notons que 0 < sin x < x < tan x. Ceci peut être vu en examinant la figure suivante :
- Maintenant, inversons tout cela et élevons au carré. Souvenons-nous que l'inégalité change de sens.
- Soit a, b, et c des nombres réels, avec a et c différents de zéros ensemble; alors la limite de la fonction (am + b)/(am + c) quand m tend vers l'infini est 1.
- Démonstration : Divisons chaque terme par m, nous obtenons (a + b/m)/(a + c/m). Si nous divisons un nombre fixé par un grand nombre, le quotient tend vers zéro ; ainsi, le numérateur et le dénominateur du dessous tend vers a, et ainsi leur quotient tend vers 1.
- Le théorème des gendarmes, qui énonce que si une fonction est « encadrée » entre deux autres fonctions, et que chacune de ces deux fonctions tendent vers une limite commune, alors la fonction « encadrée » tend aussi vers la même limite.
- Démonstration : Voir l'article pour une discussion et une démonstration.
[modifier] La démonstration
L'idée principale derrière la démonstration est de borner les sommes partielles
entre deux expressions, chacune tendra vers quand m tend vers l'infini. Les deux expressions sont issues des identités impliquant la fonction cotangente et la fonction cosécante. Ces identités découlent à leur tour de la formule de De Moivre, et nous servent à établir ces identités.
Soit x un nombre réel avec 0 < x < , et soit n un entier positif. Alors, à partir de la formule de De Moivre et de la définition de la fonction cotangente, nous avons
A partir du théorème du binôme, nous avons
En combinant les deux équations et en égalisant les parties imaginaires, nous avons l'identité
Nous prenons cette identité et nous fixons n = 2m + 1, où m est un entier positif, et x = rπ/(2m + 1), où r = 1, 2, ..., m. Alors nx = rπ, donc que sin(nx) = 0, ainsi
Cette équation est valable pour chacune des valeurs x = rπ/(2m + 1), où r = 1, 2, ..., m. Ces valeurs de x sont des nombres distincts strictement compris entre 0 et π/2. Puisque la fonction cot2(x) est injective sur l'intervalle (0, π/2), les nombres cot2(x) = cot2(rπ/(2m + 1)) sont par conséquent distincts pour r = 1, 2, ..., m. Mais par l'équation précédente, chacun de ces nombres m distincts est une racine du polynôme de degré m
Ce qui veut dire que les nombres x = cot2(rπ/(2m + 1)), pour r = 1, 2, ..., m sont précisément les racines du polynôme p(t). Mais nous pouvons calculer la somme de ces racines directement en examinant les coefficients, et la comparaison montre que
En substituant l'identité csc2 x = cot2 x + 1, nous avons
Maintenant, considérons l'inégalité cot2 x < 1/x2 < csc2 x. Si nous additionnons toutes ces inégalités pour chaque nombre x = rπ/(2m + 1), et si nous utilisons les deux identités ci-dessus, nous obtenons
En les multipliant par (π/(2m + 1))2, cela devient
Lorsque m tend vers l'infini, la partie gauche et droite tendent chacune vers π2/6, donc, par le théorème des gendarmes,
[modifier] Références
- Number Theory: An Approach Through History, Andre Weil, Springer, ISBN 0817631410
- Euler: The Master of Us All, William Dunham, MAA, ISBN 0883853280
- Prime Obsession: Bernhard Riemann and the Greatest Unsolved Problem in Mathematics, John Derbyshire, Joseph Henry Press, ISBN 0309085497
- Proofs From the Book, Martin Aigner, Gunter Ziegler, Springer, ISBN 3540678654
- Riemann's Zeta Function, Harold M. Edwards, Dover, ISBN 0486417409
[modifier] Liens externes
- Une page dédiée à ζ(2) (en anglais)
- Une solution d'Euler sur le problème de Mengoli (en anglais) -- l'histoire plus longue (PDF)
- Comment Euler le fit (en anglais) (PDF)
- The infinite series of Euler and the Bernoulli's spice up a calculus class (PDF)
- Quatorze démonstrations de l'évaluation de ζ(2), (en anglais) compilées par Robin Chapman