Réalisme fantastique
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Le réalisme fantastique est un mouvement ayant eu son heure de gloire dans les années 1960, et dont l'acte fondateur fut le livre de Jacques Bergier et Louis Pauwels nommé Le Matin des Magiciens, sous-titré Introduction au réalisme fantastique et publié en octobre 1959 (ventes francophones cumulées : 2 000 000 d'exemplaires).
Jacques Bergier se posait en héritier intellectuel de Charles Hoy Fort. Louis Pauwels sera plus tard rédacteur en chef d'une revue d'esprit fort différent, à savoir le Figaro-magazine (ainsi que son quotidien).
Le succès inattendu et si rapide de ce livre incita ses auteurs à créer une revue consacrée entièrement à ce même thème : la revue Planète (slogan : « Rien de ce qui est étrange ne nous est étranger ! »). Après deux années passées dans les locaux exigus de l'éditeur Victor Michon, au 8 rue de Berri, Paris VIIIe), le siège de la revue s'installa dans un immeuble cossu des Champs-Élysées.
Sommaire |
[modifier] Diffusion
Le premier numéro fut initialement tiré à 5 000 exemplaires et eut cinq retirages. Le pic des ventes dépassa 100 000 exemplaires par numéro. Les ambitions de la revue étaient assez éclectiques, visant plus à un objectif de remue-méninges (voir brainstorming) qu'à empiéter sur les plates-bandes de revues classiques de vulgarisation scientifique (un sondage révéla cependant que 44 % des lecteurs de Planète étaient aussi lecteurs de Science & Vie).
[modifier] Effet social
Un succès incontestable de cette revue est d'avoir fait connaître au très grand public des auteurs comme Jorge Luis Borges, Robert Sheckley, Fredric Brown, Daniel Keyes, Howard Phillips Lovecraft alors que le premier n'était connu que dans un cercle de passionnés de littérature et que les suivants ne l'étaient que des habitués des magazines de science-fiction ou de fantastique.
[modifier] Anecdotes
Le snack « Elysée Quick » tout proche tenant très souvent lieu d'annexe à l'équipe rédactionnelle, sa cave servant de fourre-tout légendaire à la masse de documentation de Jacques Bergier ! Deux fois par an, les membres de l'équipe éditoriale se retrouvaient dans une petite auberge de la vallée de Chevreuse durant 48 heures pour un bilan prospectif.
La revue organisa des « Conférences Planètes » à travers la France, l'Italie, la Belgique, la Suisse, le Québec... jusqu'en Argentine (avec la participation de J.L. Borges) et au Mexique (les trois premières conférences eurent lieu au théâtre de l'Odéon -théâtre de France- de Jean-Louis Barrault à Paris devant 1250 personnes - entrée refusée à 500 autres lors de la première), des « Dîners - Débats Planète » hexagonaux et européens au travers des « Clubs - Ateliers Planète » (supervisés jusqu'en 1977 par Adrien Bourgeois au sein du « Mouvement Planète » associatif - 57 Ateliers en 1969), créa une revue d'humour et d'érotisme masculine elle aussi bimestrielle appelée « Plexus », et une revue féminine « Pénéla », des éditions à thèmes ("Présence Planète", « Planète Action », « Planète Plus », « Planète Histoire »...), édita la première édition oecuménique biblique en trois luxueux volumes au sein des « Trésors spirituels de l'humanité », et une épopée des civilisations humaines à travers la dizaine d'ouvrages soignés des « Métamorphoses de l'humanité ». Elle passa des accords culturels avec les Jeunesses musicales de France (disques et spectacles, plus une chronique culturelle régulière au sein de leur revue), le Club Méditerranée (séjours culturels -"Forum Planète"- en Sicile (Céfalù) durant deux étés puis un autre à Corfou (Grèce), en Inde en plein mouvement hippie à trois reprises (avec rencontre d'Indirah Gandhi dans sa résidence), au Mexique, en Egypte, au Guatémala, au Pérou, aux USA sur le thème « Le monde futur »...),... et devint même en 1967 productrice d'étonnants spectacles parisiens (sur le vaudou, les derviche tourneurs, le flamenco andalous, et avec la participation des ballets et orchestre de Maurice Béjart au palais des sports de Paris, grâce au Théâtre des Nations) ! En mai 1962, Louis Pauwels organisa aussi une exposition en galerie parisienne de quatre des peintres réalistes fantastique de la revue.
"Planète" (sous-titre : « La première revue de bibliothèque ») : 41 numéros de mars 1961 à mai 1968, avec un cahier supplément en couleurs aux derniers numéros; le « Nouveau Planète » : 23 numéros de septembre 1968 à août 1971; enfin l'éphémère Nouveau Nouveau Planète ("Planète grand format" de Marc de Smedt) : 3 numéros, fin 1971 à avril 1972. Rajoutons trente « Encyclopédies Planète » bimestrielles alternées avec la revue à partir de 1963 et éditées en concomitance avec « Plexus » six fois par an, et dix sept « Anthologies Planète » dirigées par Jacques Sternberg et Alex Grall. La revue connu aussi des déclinaisons, à travers toute l'Europe occidentale et l'Amérique du Sud (Pianeta, Horizonte, Planeta, Bres, Planet...), ainsi qu'une édition en langue arabe en 1969 (12 éditions internationales en tout). Les éditions néerlandaise et italienne sont toujours produites : http://www.pianeta.org/index.htm http://www.bres.org/
Comme l'avait placardé Bergier dans son bureau personnel étroit et tout en longueur, avec l'humour qui le caractérisait tant : « Il n'est pas indispensable d'être fou pour travailler ici... mais ça aide ! », avec surtout « Du calme, et de l'orthographe ! » (clin d'œil aux Pieds Nickelés).
Des philosophes, sociologues et écrivains tels Mircea Eliade, Edgar Morin, Odile Passeron, Jean-Bruno Renard, Umberto Eco ou Jean d'Ormesson se penchèrent sur ce phénomène éditorial des années 60.
Quelques auteurs-phare : Aimé Michel, Rémy Chauvin, George Langelaan, Bernard Heuvelmans, Charles Noel Martin, Jean E. Charon, Raymond de Becker, Gabriel Véraldi, Jacques Mousseau (rédacteur en chef, et futur concepteur de l'émission télévisée Temps X), René Alleau, Henri Laborit, Jacques Lecomte, Guy Breton... Ajoutons que plusieurs dessinateurs et peintres de renom y firent leurs classes : Roland Topor, Jean Gourmelin, René Pétillon, Pierre Clayette, Pierre-Yves Trémois…). La secrétaire de rédaction était Arlette Peltant.
Au travers François Richaudeau, la mouvance éditoriale du groupe s'articulait autour de la maison Denoel, avec les déclinaisons des éditions Retz (devenues didactiques), du Club de la Femme, du Club des Amis du Livre, du CELT (Culture-Art-Loisirs)... perpétuant en quelque sorte l'ébauche culturelle tentée juste après guerre avec « Travail et Culture » puis « La Bibliothèque Mondiale » de Victor Michon, Louis Pauwels et ce même François Richaudeau. Aujourd'hui, certains ouvrages des éditions du Rocher peuvent être considérés dans l'esprit des thèmes abordés par les membres de l'épopée « Planète ».
[modifier] Domaines
- Épistémologie. La revue fit connaître du grand public, par exemple, des précurseurs méconnus comme Ruđer Josip Bošković.
- Science-fiction. Des écrivains comme Fredric Brown, Daniel Keyes, Isaac Asimov, Arthur C. Clarke, Ray Bradbury ou Robert Sheckley y furent publiés, et des discussions entamées autour de leurs écrits.
- Fantastique. La revue consacra plusieurs articles à Lovecraft et surtout à Jorge Luis Borges, dont elle publia aussi quelques nouvelles (parmi lesquelles La bibliothèque de Babel).
- Futurologie. Une interview d'Isaac Asimov en 1965 sur le thème « Comment je vois le monde en 1995 » révèle un quasi sans faute : la seule chose qu'Isaac Asimov n'avait pas vue venir (non plus que personne au milieu des années 1960) était le micro-ordinateur domestique.
- Sociologie, ethnologie, éthologie. Une fois son rôle rempli, après une dizaine années, Planète disparut tranquillement en 1972.
[modifier] Succession
Deux revues anglophones ont par la suite reflété une partie de l'Esprit Planète : Omni et Wired. Cependant il s'agissait de luxueux magazines en couleurs, alors que Planète était en noir et blanc de format moyen et carré, car « destiné aux masses les plus larges » dans l'esprit de son rédacteur en chef Louis Pauwels, qui en prolongea le sens à travers « Question de » immédiatement après (1972). Puis [Marc de Smedt] et Patrice van Eersel, deux autres anciens de Planète, firent de même à travers sa suite, la revue « Nouvelles Clés » (1980). À citer également : une revue cousine des précédentes, « Science Frontières », de Jean-Yves Casgha. Durant les années 60', Robert Laffont tenta d'imiter le style -et le succès !- de la formule « Planète » grâce à sa revue « Janus », avec des thèmes et un format proche,... mais rapidement ce fut un échec.
Autre différence : Planète contenait très peu de publicité, et celle-ci était souvent d'allure austère, noir et blanc oblige.
- Omni (anglais)
- Wired
- Question de
- Nouvelles Clés
- Science Frontières
- Réalisme fantastique en archéologie - Kadath
- Communication & Langages : la revue de François Richaudeau, fondateur, et Jacques Mousseau (également fondateurs de « Psychologie »).
[modifier] Liens externes
- Grégory Gutierez, Le discours du réalisme fantastique : la revue Planète Mémoire de Maîtrise de Lettres Modernes Spécialisées, Université Sorbonne - Paris IV, UFR de Langue Française, 1997-1998, 133 p
- La philosophie du « Nouveau Planète » de Louis Pauwels (+ Bergier), durant dix émissions de la série « Par 4 Chemins », Radio-Canada, du 09 au 21 juin 1989 : http://radio-canada.ca/par4/special/planete/planete1.html
- http://alphonselenormand.monsite.orange.fr/
- Revue Planète
[modifier] Bibliographie
Principale :
- Planète (bandeau : « Planète revient »), Gabriel Véraldi, éd. du Rocher, 1996. Livre commémoratif, 25 ans après la disparition de la revue. Morceaux choisis.
- Politica Hermética, n°10, 1996, p 152 à 174 (éd. L'Age de l'Homme). Article du Pr Jean-Bruno Renard, sociologue : « Le mouvement "Planète" : un épisode important de l'histoire culturelle française ».
- « L'étrange et très curieux phénomène "Planète" », émission radiophonique de France-Culture le 21/02/2000 à 15h (série « La fabrique de l'histoire »), avec François Richaudeau (éditeur de la revue), Jacques Mousseau (co-rédacteur), Pierre Chapelot (directeur artistique et maquetiste), François de Closets (journaliste en 1963 - Pl n° 9 et 13), le Pr Jean-Bruno Renard, Yves Galifret (Union Rationaliste, ouvrage anti-Planète dans les années 60), etc.).
- La revue Planète (1961 - 1968) - Une exploration insolite de l'expérience humaine dans les années soixante, Clotilde Cornut, éd. de l'Œil du Sphinx, coll. Les dossiers du Réalisme Fantastique n°1, sept. 2006.
- « La revue "Planète" », émission radiophonique de France-Culture le 09/09/2006 (série « Mauvais genres » de François Angelier), avec Clotilde Cornut, Jean-Luc Rivera, Michel Meurger et Joseph Altairac.
Secondaire :
- « Le Masque et la Plume », émission radiophonique du 21 février 1961: critique littéraire du « Matin des Magiciens » par Luc Estang (INA).
- Le Courrier Rationaliste, mars 1961. Article d'Evry Schatzmann : « Le Matin des Magiciens, ou le monde à l'envers ».
- Fiction n° 104, juillet 1962. Article de Sartene G. : « Réalisme fantastique ou fantastique idéalisme? » (à propos de « Planète »).
- France-observateur, 17 juillet 1962. Article de François Herbault : « Planète, une revue qui avance à reculons ».
- Arts - Spectacles, hebdomadaire du 27/02/1963. Article de Jean d'Ormesson : « Voici le temps des mystificateurs ».
- Arts - Spectacles, hebdomadaire du 24/04/1963. Article de la sociologue Odile Passeron : « Neuf »Planète" au microscope". Republié dans « Le crépuscule des Magiciens ».
- Arts - Spectacles, hebdomadaire du 24/04/1963. Article d'André Parinaud : « Qui est malhonnête ? » (id.).
- « La mystique de »Planète"". Article de Umberto Eco de 1963, repris dans « La guerre du faux », éd. Le Livre de Poche, 1985.
- Maintenant, n° XXIX, mai 1964, p165 (canada). Article d'Henri Dallaire : « Louis Pauwels et sa »Planète"".
- Le Petit Essayon n° 3, 1965. Article de José Pierre : « Les fausses cartes transparantes de "Planète" », ou l'Erotisme des laborantins qui chantent. Avec une petite contribution surréaliste au dossier de la confusion « planétaire ». Reprise : Le Terrain Vague, éd. Eric Losfeld, 1966.
- Arts - Spectacle, hebdomadaire du 24/04/1965. Article de Jean Servier : « Les faussaires de la science » (suite aux articles d'André Parinaud, Louis Pauwels et Jean Servier dans Arts - Spectacles du 10/03/1965).
- Le Monde. Articles d'Edgar Morin, « Planète et anti-Planète », 1er (« Le phénomène et sa critique »), 2 («Les thèmes de Planète») et 3 juin (« Le drapeau planétaire ») 1965.
- Fiction n° 142, septembre 1965. Article de Bruno Wauters : « Faut-il brûler les anthologies Planète ? ».
- « Le crépuscule des Magiciens. Le réalisme fantastique contre la culture », Yves Galifret et coll. (J.Cl. Pecker, E. Schatzmann...), éd. de l'Union Rationaliste, 1965.
- « Modes culturelles et histoire des religions », Mircea Eliade. Article de 1965, repris lors d'un cours à l'université de Chicago en 1967, et dans « Occultisme, sorcellerie et modes culturelles », éd. Gallimard, 1978.
- « Planète », n° 35, juillet-août 1967. Article de Jean Lignel : « Lecteurs de »Planète", qui êtes-vous ?".
- « Radioscopie » de Jacques Chancel, le 20 Févrer 1978, consacrée à Louis Pauwels, qui commente alors l'aventure « Planète ».
- Problèmes politiques et sociaux, n° 450-451, 1982. Article de Jean-Claude Pecker : « Le Débat sur les phénomènes paranormaux », avec extraits de textes de « Planète » : « La planète des Magiciens », p. 23-30.
- « Chronique des années soixante », Michel Winock, éd. du Seuil, 1987, p. 74 à 77: "Le phénomène Planète".
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