Abdeljelil Zaouche
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Abdeljelil Zaouche, né le 15 décembre 1873 à La Marsa et mort le 3 janvier 1947 à Tunis, est un homme politique tunisien.
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[modifier] Jeunesse
Né au palais familial de La Marsa, il est issu de l'aristocratie tunisoise arrivée d'Andalousie au XVIIIe siècle via l'Algérie. Son père, Tahar Zaouche, et son oncle, Hassan Zaouche, occupent de hautes charges sous Ali III Bey : général de la garde du bey et général de brigade chargé de la levée des impôts.
Il effectue ses études secondaires au collège Saint-Charles puis au lycée Louis-le-Grand à Paris où il réussit son baccalauréat. En 1894, il s'inscrit à la faculté de droit de Paris tout en poursuivant des cours à l'Institut des sciences politiques et au Collège de France. Fortement influencé par les interventions de Jean Jaurès, il est aussi l'élève d'Émile Durkheim, Émile Boutroux, Henri Poincaré, Antoine Aulard et Ernest Lavisse[1]. Il se passionne, écrit Charles-André Julien, « pour les problèmes que pose la transformation de l'Orient moderne et de l'influence de la civilisation occidentale. » Licencié en droit, il rentre à Tunis en 1900 où il s'engage dans les affaires publiques.
[modifier] Industriel
En association avec les frères Ramella, il fonde en 1901 la minoterie du Belvédère, première industrie tunisienne dont les bureaux sont situés au 24, avenue de France (Tunis). Il dirige par ailleurs l'Union commerciale.
En 1903, il crée la première imprimerie scientifique : Al Matbâa Al Ilmiya. La première imprimerie arabe, fondée le 20 juillet 1860 par Sadok Bey, avait pour objectif l'impression du Raïd (journal officiel tunisien).
[modifier] Réformateur
Fondateur et grande figure du mouvement nationaliste des Jeunes Tunisiens, co-fondateur de l'Association des anciens du collège Sadiki et du Cercle tunisien (1904), club intellectuel où l'on suit l'actualité et où l'on prépare la défense des intérêts tunisiens, président de la Khaldounia, il est également actionnaire et membre des conseils d'administration de plusieurs journaux de la place tels la Dépêche tunisienne, le Progrès, la Poste tunisienne, l'Autonome et, à Paris, du Temps.
Zaouche rédige de nombreux articles pour le quotidien socialiste Le Libéral. Tout au long des cinq années de publication du journal Le Tunisien, il milite aux côtes d'Ali Bach Hamba (dont il épousera la cousine germaine Chérifa) ainsi que d'autres Jeunes Tunisiens. Il maintient la pression à coups d'articles indignés sur divers aspects de la politique du protectorat, appelant le gouvernement à améliorer les conditions socio-économiques et politiques des indigènes. En 1906, il publie La propriété indigène et la colonisation et, en septembre de la même année, il organise différentes coopératives (épiciers, cordonniers, etc.). Il publie également, dans la revue française du Monde musulman, son Essai de sociétés coopératives en Tunisie. Le 25 décembre de cette même année, Le Temps publie sa lettre intitulée Le Panislamisme et les musulmans du nord de l'Afrique.
En mai 1908, il publie dans La revue politique et parlementaire, Les indigènes et l'instruction affirmant que seule l'école franco-arabe peut offrir des opportunités équitables aux enfants tunisiens et appelant par la même occasion à réformer l'instruction arabe, ce qui lui vaut l'hostilité de nombreux Zitouniens.
Représentant de la Tunisie à la Conférence consultative tunisienne de 1907, son intervention brillante lui vaut le soutien de ses collègues du Tunisien dont Bach Hamba, qui ont pourtant, quelques mois auparavant, critiqué sa participation à la conférence. Il est choisi pour prononcer, le 22 février 1908, le discours de l'anniversaire du Tunisien.
Zaouche entretient des liens avec les Jeunes Turcs, les nationalistes réformateurs égyptiens et syriens, comme Mohamed Abduh, ainsi que des intellectuels sympathisants de la cause tunisienne et panarabe comme Pierre Loti et Charles Géniaux.
Au Congrès de l'Afrique du Nord, en mai 1908, Zaouche mène ses compatriotes à s'opposer à un plan pour un code pénal spécifique aux indigènes, insistant sur le fait que l'éducation est le meilleur antidote aux crimes et prévenant ainsi l'adoption de la résolution. Il propose par ailleurs d'admettre des juifs tunisiens à la magistrature et de réformer la justice tunisienne. Zaouche présente trois rapports au congrès : L'agriculture indigène, La condition des métayers et Les métiers des villes et les salaires.
A partir de janvier 1909, outre sa mission à la Conférence consultative et la présidence de la Khouldounia, Zaouche, est membre de la Ligue française d'éducation. Au mois de mars de la même année, il est le seul Tunisien au sein d'une commission chargée du renouvellement des industries artisanales.
En 1910, Zaouche effectue son troisième voyage à Istanbul en compagnie d'Ali Bouchoucha, éditeur d'Al Hadhira. Mais il regagne vite Tunis pour encadrer les étudiants de la Zitouna dans la réforme des programmes et sera leur avocat devant le résident général. Dans son discours du 6 mai, il encourage les Zitouniens à développer l'enseignement des sciences modernes. En juin, il est nommé pour examiner un code de procédure civile et, le mois suivant, il publie un autre article réitérant la question des reformes judiciaires et l'abolition des impôts de la mejba.
Durant l'année 1911, il devient conseiller municipal de Tunis, vice-président de la Société tunisienne de tuberculose et est réélu à la présidence de la Khaldounia. Il reçoit le président Armand Fallières qui lui attribue la Légion d'honneur. Cette décoration ne l'empêche pas d'aider Bach Hamba à collecter des fonds pour l'armée ottomane en Tripolitaine. Il perd alors la sympathie de l'administration qui le place sous surveillance et l'accuse de nourrir les impulsions extrémistes de Bach Hamba. Son action et son apport personnel se révélent au cours de l'année 1911, lors de deux évènements tragiques : les émeutes du Djellaz et le boycott des tramways tunisois.
[modifier] Bataille du Djellaz
Le Djellaz, cimetière tunisois où repose Sidi Belhassen, a fait l'objet d'un projet d'immatriculation par la municipalité. Cela entraîne implicitement la possibilité juridique de son aliénation et son affectation à des projets profanes. Dans son Action nationaliste en Tunisie, Roger Casemajor écrit que « le conseiller municipal Abdeljelil Zaouche saisit le conseil, au cours de la réunion du 2 novembre, du péril qui pourrait résulter pour l'ordre public si la demande formulée par la ville était satisfaite. Devant cette opposition de tous les conseillers tunisiens qui avaient fait bloc avec Abdeljelil Zaouche, la municipalité décida que le projet d'immatriculation serait abandonné. Supercherie, lourdeur administrative, volonté réelle et manœuvre de la part de la partie française ? Le fait est que les services de relevé topographique se trouvèrent tout de même sur les lieux. » Il s'en suit des heurts violents entre la population indigène et les militaires. Tâchant d'éviter l'affrontement, Zaouche se rend sur place et tente d'apaiser la foule qui le reconnaît et l'ovationne. « On lui demande des armes pour se libérer des Français et des Italiens. » La réaction brutale de l'autorité française provoque un bain de sang. Le journal Le Tunisien est suspendu.
[modifier] Affaire Zaouche-De Carnières
Au procès des 72 personnes arrêtées, le président du tribunal transforme le témoin en accusé : « M. De Carnières vous a accusé d'être l'organisateur véritable et le responsable des troubles (...) Des témoins vous ont vu invitant les Tunisiens à se rendre au cimetière et, le bâton à la main, donner l'ordre de l'attaque. » Victor de Carnières, chef des colons et propriétaire du Colon Français, écrit dans son journal du 10 décembre 1913 : « Je prouverai que partout les indigènes désignent M. Zaouche comme le chef de ce mouvement. J'ai dit et je répète qu'il a été l'un des principaux organisateurs de la réunion illégale et qu'il a encouru la responsabilité morale du sang versé. » Commence alors un procès retentissant à Tunis : l'affaire Zaouche-De Carnières. Avec ce procès, c'est tout le mouvement des Jeunes Tunisiens qui est remis en cause.
Zaouche porte plainte contre De Carnières pour diffamation. Il est debouté à Tunis. Appuyé par le célèbre avocat parisien, maître Vincent de Moro-Giafferi, il fait appel devant la Cour d'Alger qui lui donne raison, le 26 juin 1913. Son avocat lui écrit : « Si je ne vous avais pas défendu, vous auriez été bon pour la guillotine. »
[modifier] Homme d'État
À partir d'avril 1917, Zaouche devient, pour 17 ans, caïd de Sousse. Il n'abandonne pas pour autant ses efforts en faveur du mouvement national. Il publie de nombreux rapports sur l'éducation et l'agriculture. Il crée des aides spéciales pour les agriculteurs du Sahel, encourage la plantation d'oliviers et renouvelle l'institution de la Kolla de Sousse.
Le 18 mai 1934, Zaouche devient Cheikh El Médina de Tunis et, le 7 octobre 1935, ministre de la plume. D'avril 1936 à 1942, date de l'incident avec le résident général Jean-Pierre Esteva, Zaouche est ministre de la justice. Il démissionne ainsi que tous les ministres du gouvernement d'Hédi Lakhoua à la demande de Moncef Bey.
Architecte des coopératives tunisiennes, réformateur, juriste, journaliste, industriel, ministre, Zaouche est aussi l'un des Jeunes Tunisiens les plus radicaux en matière de critique de la tradition religieuse, ainsi que le plus enthousiaste francophile. Il ne fréquente que de grands établissements français, ce qui l'isole souvent de la frange sadikienne des Jeunes Tunisiens. À son sujet, Victor de Carnières s'exclame : « Jeune Tunisien, fleur de serre ! Il a deux siècles d'avance sur ses coreligionnaires ! »
[modifier] Référence
- ↑ Sadok Zmerli, Figures tunisiennes. Les successeurs, éd. Maison tunisienne de l'édition, Tunis, 1967, p. 207
[modifier] Bibliographie
[modifier] Biographies
- Tawfik Ayadi, Mouvement réformiste et mouvements populaires à Tunis, éd. Université de Tunis, Tunis, 1986
- Djilani Ben Haj Yahya et Mohamed Marzouki, La bataille du Djellaz, éd. Société tunisienne de diffusion, Tunis, 1974
- Nazli Hafsia, Les premiers modernistes tunisiens. Abdeljelil Zaouche. 1873-1947, éd. MIM, Tunis, 2007 (ISBN 9789973736017)
- Charles-André Julien, Colons français et Jeunes Tunisiens, éd. Julliard, Paris, 1972
- Sadok Zmerli, Figures tunisiennes. Les successeurs, éd. Maison tunisienne de l'édition, Tunis, 1967, pp. 205-231
[modifier] Écrits personnels
- A. Zaouche, L'enseignement des Indigènes, éd. Société anonyme de l'imprimerie rapide de Tunis, Tunis, 1900
- A. Zaouche (en collaboration avec Hassan Guellaty et Ali Bach Hamba), Les Israélites et la justice tunisienne, éd. Société anonyme de l'imprimerie rapide de Tunis, Tunis, 1906
- A. Zaouche, « Les aspirations des musulmans de Tunis », La Revue indigène, Paris, 1907
- A. Zaouche, La condition des métayers indigènes en Tunisie. Moyens d'améliorer cette condition, éd. Congrès de l'Afrique du Nord, Paris, 1908
- A. Zaouche, Les métiers des villes et les salaires en Tunisie, éd. Congrès de l'Afrique du Nord, Paris, 1908
- A. Zaouche, L'enseignement arabe en Tunisie, tome XX, éd. Société d'éditions maritimes et coloniales, Paris, 1932
- A. Zaouche, La question des terres et l'agriculture indigène, éd. Société anonyme de l'imprimerie rapide de Tunis, Tunis, 1919
- A. Zaouche, Fiscalité et impôts de la medjba. Représentativité des indigènes, éd. Conférence consultative tunisienne, Tunis, 1909
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