Albertine Sarrazin
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Albertine Sarrazin (17 septembre 1937, Alger – 10 juillet 1967, Montpellier) est un écrivain, première femme française à raconter sa vie de prostituée et de délinquante.
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[modifier] Vie
[modifier] L'enfance
Sa vie commence comme un (mauvais) roman : son père, médecin militaire à Alger, lieutenant-colonel, a mis enceinte la petite bonne. Sur ses ordres, la jeune mère dépose le bébé à l'Assistance publique. Dix-sept mois plus tard, il récupère l'enfant et le ramène (suite à une procédure d'adoption pleinière) à sa femme Thérèse (« Mother », dans les lettres d'Albertine) qui ignore tout de cette filiation ! À la retraite du médecin, la famille Sarrazin s'installe à Aix-en-Provence.
Albertine suit l'apprentissage rigoureux d'une enfant élevée dans un milieu bourgeois, mais elle est victime à dix ans d'un viol. Complètement indisciplinée aux yeux de son père, ce dernier la fait enfermer à quinze ans dans l'établissement d'éducation surveillée le Bon Pasteur à Marseille, où il est d'usage de « rebaptiser » les pensionnaires. Elle sera Annick, prénom qu'elle gardera toute sa vie, dans sa vie privée et sa correspondance.
[modifier] Le procès
Après avoir passé la première partie de son baccalauréat, qu'elle obtiendra avec mention bien, elle s'enfuit à Paris. Avec une camarade du Bon Pasteur retrouvée à Paris, elle a de nombreuses aventures, se prostitue, chaparde dans les voitures, les magasins et tente un hold-up où son amie blesse la vendeuse d'un coup de revolver à l'épaule. Elle nargue les juges et les jurés de la cour d'assises : « Je n'ai aucun remords. Quand j'en aurai, je vous préviendrai. » dit-elle au procès.
Son attitude est catastrophique pour elle. D'autant plus que ses parents, auxquels elle venait de demander un avocat, pour toute réponse se contentent de révoquer l'adoption plénière (procédure rarissime en France). Le président met en exergue sa vie tumultueuse et certaines de ses notes écrites auparavant. Tout cela la fait condamner à sept ans de prison (sa comparse « ne prend que cinq ans »), d'abord à Fresnes puis à la prison-école de Doullens dans le Nord de la France (aujourd'hui désaffectée).
Elle est mise au cachot pendant dix jours pour avoir embrassé une autre détenue sur la bouche. Le 19 avril 1957, elle s'évade en sautant d'une hauteur de dix mètres et se brise l'astragale (un petit os du pied), ce qui la fera extrêmement souffrir et l'empêchera même de marcher. En rampant, elle se traîne jusqu'à la nationale.
[modifier] Le premier amour
Là, Julien Sarrazin, petit malfrat au cœur tendre, la ramasse sur le bord de la route, la cache chez sa mère, la soigne, et l'aime d'un amour réciproque. Reprise sur un simple contrôle d'identité, elle retourne en prison mais en sortira pour épouser, Julien, le 7 février 1959, à la mairie du Xe arrondissement, entre deux gendarmes.
En 1964, ils s'installent dans une vieille maison aux Matelles (qu'elle appellera la « Tannière ») près de Montpellier. Ils y sont hébergés par Maurice, un ancien client d'Albertine qui vient d'y prendre sa retraite et la poursuit d'un amour tout platonique.
[modifier] Le dernier drame
En 1967, elle meurt des suites d'une opération du rein mal préparée, fatiguée par l'alcool, le tabac, deux autres opérations récentes et sa vie chaotique. L'anesthésiste (non diplômé) ne l'a jamais vue et ne connaît ni son groupe sanguin, ni son poids (le minimum pour opérer) ; de plus, elle n'est pas surveillée en salle de réveil. D'ailleurs, il n'y avait pas de sang de réserve dans cette clinique de Montpellier. La presse dira : « Albertine Sarrazin termine son étrange destin. »
Son mari ne l'entend pas de cette oreille. Il attaque l'équipe chirurgicale en justice : le parquet s'empresse d'abord de classer cette mort sans suite. Julien fait appel et gagne son procès : le chirurgien et l'anesthésiste sont condamnés à deux mois de prison avec sursis et 90 000 francs d'amende pour homicide involontaire. Peine légère, mais amende lourde pour l'époque. Cette affaire (ajoutée à d'autres semblables) incitera fortement les autorités sanitaires à modifier les règlements concernant l'anesthésie et les procédures pré et post-opératoires.
[modifier] Notes et anecdotes
- Élevée dans un monde irréel et falsifié, Albertine ne semble pas toujours avoir une pleine conscience de ses actes et des dangers subis ou qu'ils pourraient lui faire subir. Sa psychanalyste remarquera qu'elle semblait vivre tous ces instants graves : viol, vols, prostitution, bracage, procès, évasions, etc. comme s'ils étaient le fait d'une autre ou comme si cela ne la concernait pas. Bref comme si, en quelque sorte irréels, ils appartenaient à une autre fille qu'elle.
- Sa vie commencée comme un (mauvais) roman se terminera de même. En fait toute sa vie : les prisons, les évasions, la cavale,... n'est qu'un immense roman. Roman, bien trop court, qu'elle saura cependant retracer à merveille, se plaçant ainsi parmi les écrivains les plus accomplis de la littérature française.
[modifier] Œuvres
- L'Astragale (1965)
- La Cavale (adapté au cinéma par Michel Mitrani en 1971)
- La Traversière (1966)
- Poèmes (1969)
- Lettres à Julien (1971)
- Lettres de la vie littéraire
- Les Biftons de prison (1976)
- Journal de Fresne
L'ensemble de ces livres a été tiré à plus de 3 millions d'exemplaires.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens externes
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