Angélique Arnauld

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Sœur du grand Arnauld et troisième des vingt enfants d'Antoine Arnauld, Jacqueline Marie Arnauld (1591-6 août 1661), en religion Mère Angélique Arnauld, religieuse française, abbesse et réformatrice de Port-Royal, et figure majeure du jansénisme.

[modifier] Une enfance au monastère

Dès son enfance elle fit preuve d'une intelligence très fine et de beaucoup de volonté et de caractère. Pour plaire à son grand-père, l'avocat Marion, elle consentit à devenir religieuse, mais seulement à condition qu'elle fût abbesse. À l'âge de huit ans (1599) elle prit l'habit de novice bénédictine au monastère Saint-Antoine à Paris. Elle fut bientôt transférée (1600) à l'abbaye de Maubuisson, gouvernée par Angélique d'Estrées, sœur de la belle Gabrielle d'Estrées, la maîtresse d'Henri IV. L'enfant fut élevé dans la liberté, le luxe et l'ignorance et abandonnée entièrement à ses impulsions, impétueuses et fantastiques. À sa confirmation elle pris le nom d'Angélique, en hommage à l'abbesse, et renonça à celui de Jacqueline, qu'elle avait jusqu'alors porté. Une fraude de son père sur son âge lui fit obtenir de Rome les bulles nécessaires pour devenir abbesse, alors qu'elle n'avait que onze ans. C'était là une pratique courante à l'époque. On donnait une abbaye ou un monastère comme une source de revenus. Elle fut appelée comme coadjutrice de l'Abbesse de Port-Royal des Champs(1602), et continua à vivre là comme elle avait vécu auparavant, sans commettre de graves irrégularités, mais aussi sans ferveur religieuse. Ses journées étaient consacrées aux promenades, à la lecture profane et aux visites à l'extérieur du monastère, mais rien de tout cela ne pouvait écarter d'elle un ennui mortel que rien n'était capable de dissiper. « Au lieu de prier, nous dit-elle, je passais mon temps à lire des romans et de l'histoire romaine ». Elle ne se sentait attirée par rien. Trop fière pour revenir sur ses pas, à l'âge de dix-sept ans elle confirma la promesse qu'elle avait faite à huit et, « bouillante de dépit », elle signa un formulaire que son père avait placé devant elle, et entra véritablement dans la vie religieuse.

[modifier] L'abbesse réformatrice

Un sermon prêché lors de la visite d’un capucin (prêtre d'un ordre inspiré par saint François d'Assise) (1608) fut l'occasion de sa conversion. Elle résolut de changer immédiatement son mode de vie et de réaliser une réforme dans son monastère. Elle commença par elle même, décidée, en dépit de tous les obstacles, à suivre les règles de son ordre dans toute leur rigueur. Elle eut une difficulté énorme à faire accepter la réforme de Port-Royal et de sa vie à sa propre famille, mais elle y réussit et telle était la ténacité de la jeune abbesse qu'elle ferma un jour les portes du monastère à son propre père et à ses propres frères qui venaient la visiter comme à leur habitude, en dépit de leurs protestations indignées. Ce fut la « Journée du Guichet » qui devait rester célèbre dans les Annales du jansénisme. Après la réforme de Port-Royal, Mère Angélique entreprit de ramener à une vie régulière l'abbaye de Maubuisson, à six lieues de Paris, où les scandales étaient fréquents. Angélique d'Estrées, l'abbesse, menait une telle vie que sa sœur Gabrielle lui reprochait d’être « la honte de notre maison ». Mère Angélique était dirigée et soutenue à cette époque par saint François de Sales. Elle pensa même renoncer à la crosse pour entrer dans l'Ordre de la Visitation, que le saint venait de fonder. Elle était pourtant un de ces caractères qui cèdent devant ceux qu'ils considèrent comme supérieurs à eux, tout en restant devant d’autres fermes et inébranlables. Le saint, qui savait la prendre, sut la détourner avec douceur de ce projet.

Les années qui suivirent (1620-30) furent les meilleures pour Port-Royal, années de régularité, de prière et de vrai bonheur. Les novices accouraient ; la réputation de l'abbaye s'étendait au loin. En 1625, le climat de la vallée de Port-Royal étant malsain pour les religieuses, dont beaucoup mouraient de paludisme, Mère Angélique les établit toutes à Paris, dans le Faubourg Saint-Jacques. Elle fit transformer un ancien hôtel particulier pour installer ce qui devint l'abbaye de Port-Royal-de-Paris (actuel hôpital Port-Royal). C'est à cette époque que l'abbesse fit la connaissance de Zamet, évêque de Langres, qui avait réformé l'abbaye bénédictine de Tard, près de Dijon, et pensait à la fondation d'un ordre en l'honneur du Saint-Sacrement. Il voyait dans la fusion des deux monastères une chance envoyée par la Providence. Il en fit part à l'abbesse, qui approuva le projet et ensemble ils commencèrent l'érection d'un nouveau monastère près du Louvre. Le goût du luxe de l'évêque, pourtant, contrastait avec l'esprit de pauvreté et d'austérité de l'abbesse. Mère Angélique était entêtée au point de tomber malade quand on s'opposait à elle, et elle voulut faire construire selon ses idées et imposer sa volonté à son entourage. Elle fut remplacée comme abbesse, bien que ce fût sa sœur Agnès qu'on élut abbesse de Tard. Même au second rang, Angélique causait encore bien des problèmes, quand l'affaire du « Chapelet Secret » vint apporter un nouveau trouble. Le « Chapelet Secret » était un terme utilisé pour désigner un traité mystique de vingt pages composé par Mère Agnès, la sœur d'Angélique, et où le Sacrement de l'Amour était représenté comme terrible, formidable et inaccessible.

Ce petit livre était inquiétant, à cause des tendances spirituelles erronées qu'il révélait et il fut condamné par la Sorbonne (18 juin 1633). Pour la première fois, Port-Royal était regardé avec soupçon, comme ayant altéré l'intégrité de sa doctrine. Néanmoins un défenseur anonyme avait publié une brochure faisant l'apologie du Chapelet, ce qui avait causé un énorme scandale. On sut bientôt que l'auteur était Jean Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran.

[modifier] Angélique Arnauld et le jansénisme

La Mère Angélique connaissait Saint-Cyran depuis dix ans, il était une sorte d'ami de la famille, mais elle ne se sentait pas la moindre sympathie pour ses enseignements. À partir de 1633, pourtant, elle prit son parti, l'introduisit dans sa communauté et fit de lui son directeur de conscience et l'oracle de la maison. L'évêque de Langres essaya en vain de le déplacer : Angélique se retrancha encore plus profondément dans son obstination. Cet épisode marque la séparation entre Tard et Port-Royal; à partir de ce moment également l'histoire de la Mère Angélique se confond avec celle du jansénisme. Saint-Cyran devint le maître spirituel de Port-Royal. Autour du monastère s'étaient groupés douze laïcs, dont la plupart appartenaient à la famille d'Arnauld, qui menaient une vie de pénitence et qu'on appelait « les Solitaires de Port-Royal ». En outre, Mère Angélique avait réuni sous sa crosse ses cinq sœurs et un grand nombre de ses nièces. On peut dire sans se tromper que le Port-Royal du dix-septième siècle était sa création. Avec Saint-Cyran, il devint le centre d'un nouveau mouvement, rapidement considéré par les pouvoirs laïcs et ecclésiastiques comme inquiétant. Richelieu le comprit et fit arrêter (15 mai 1638) cet abbé dangereux et le fit mettre en prison à Vincennes. Mère Angélique n'en devint que plus attachée à son directeur, qu'elle regarda comme un homme « persécuté pour la justice ». À sa mort (1643) elle se retrouva sans guide, mais sa perversion était complète. Elle se renferma dans une atmosphère d'impassibilité complète et obstinée, n'ayant pas d'autre pensée que d'assurer le triomphe des principes enseignés par celui qu'elle avait honoré comme un savant docteur et désormais vénérait presque comme un martyr.

Pendant les années qui suivirent, et aussi au moment de la bulle Cum occasione publiée par Innocent X pour condamner les propositions tirées de l'Augustinus de Cornelius Jansen, ami de Saint-Cyran, elle encouragea par sa parole et par ses lettres les défenseurs du jansénisme. Elle se comparait à sainte Paule persécutée par les Pélagiens. Loin de se renfermer dans les limites de son monastère, elle se lança à bras-le-corps dans la lutte. Pour propager ses idées elle ne cessait d'écrire des lettres, encourageant les uns et condamnant les autres, parmi lesquels on notera même saint Vincent de Paul.

[modifier] La fin de sa vie

Plus forte que tous les autres membres du "parti" janséniste par l'étendue de son intelligence et la fermeté de son caractère, Mère Angélique était un chef de parti, et un chef qui préférerait mourir plutôt que de capituler. En fait, elle finit par mourir le 6 août 1661, remplie d'inquiétude pour ses religieuses en raison de la signature du Formulaire et de peur pour elle-même d'une « éternité terrible ». Elle a laissé différentes écrits et une collection de lettres rassemblées dans les Mémoires pour servir à l'histoire de Port-Royal (Utrecht, 1742-44). Sa sœur Agnès lui survécut dix ans. Elle a écrit un ouvrage intitulé Image de la religieuse parfaite et imparfaite (1665). Elle résista et souffrit beaucoup au moment du Formulaire. C'est de Mère Agnès et de ses religieuses que l'Archevêque de Paris, Mgr de Péréfixe, a dit : « Ces religieuses sont pures comme des anges, mais orgueilleuses comme des démons ».

[modifier] Une opinion de Loisy

Alfred Loisy, qui fut pendant cinq ans aumônier dans un pensionnat de jeunes filles tenu par des dominicaines, porte ce jugement sur les religieuses qu'il avait côtoyées, et par ricochet sur Port-Royal ^[1] :

Il m'était évident que le dévouement des saintes filles que je voyais se donner tout entières à l'éducation des enfants qu'on leur confiait ne tenait point aux formules abstraites de la théologie. Elles se soutenaient par la joie du sacrifice dont Jésus leur offrait l'exemple. Des religieuses qui se mêlent de dogmatiser deviennent facilement hérétiques et, dans ce cas, elles le deviennent obstinément : témoin Port-Royal. Mes bonnes Dominicaines n'auraient jamais pu être hérétiques ; elles ne pensaient pas théologiquement ; et elles m'aidaient à comprendre que telle devait être la vraie manière de penser religieusement.