Franglais
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Le franglais (en anglais quelquefois frenglish), mot-valise créé à partir des mots français et anglais, désigne l'utilisation d'une langue française fortement anglicisée, dans l'expression écrite ou orale. Il est fréquemment évoqué comme repoussoir par les tenants de la pureté de la langue française, contre l'invasion des anglicismes.
L'influence de l'anglais se faisant sentir dans d'autres langues, on trouve dans certaines d’entre elles des constructions similaires : les Allemands connaissent le denglisch, les Espagnols le spanglish, etc.
Ce terme a été popularisé par Étiemble dans son célèbre pamphlet paru en 1964, Parlez-vous franglais ? Depuis cette date, le nombre d'anglicismes connus a augmenté : un dictionnaire franglais-français[1] en recense, en 1999, plus de 8 000, dont il donne des équivalents français.
Certains anglicismes lexicaux se transforment en emprunts, d'autres voient leur usage disparaître. Ainsi tramway est d'usage courant, alors que software est un anglicisme passé de mode, le mot « logiciel » s'étant répandu.
On inclut dans le franglais l'emploi fréquent d'anglicismes autres que lexicaux. Par exemple, on inclut l'anglicisme sémantique, à savoir l'utilisation de faux-amis avec le sens anglais. « Contrôler » serait un anglicisme si on l'emploie dans la signification anglaise de « commander » (to control). Un « contrôleur » de la RATP ou de la SNCF vérifie la validité du titre de transport (ticket qui est un emprunt).
Sommaire |
[modifier] Origine du franglais
[modifier] Régression du grec et du latin
Lorsque qu'un millier de racines gréco-latines étaient connues de chacun, il était très simple de créer des mots nouveaux qui étaient d'emblée compris de tous, comme sociologie (créé par Auguste Comte). L'usage de l'anglais marque parfois notre incapacité culturelle à créer le mot idoine, ou le populariser.
[modifier] Pression, monopole et prestige de l'anglais
Le poids économique et politique des États-Unis et des pays anglophones qui tendent à imposer leur langue tant dans les organisations internationales que dans les relations bilatérales se traduit en France par un quasi monopole de l'anglais dans des domaines de plus en plus nombreux : publications scientifiques, enseignement supérieur commercial, enseignement des langues étrangères dans le secondaire, publicité, cinéma, musique, brevets techniques, etc.
[modifier] Mimétisme culturel
- du snobisme (par exemple : « Faisons un break (pour une pause) et allons prendre un drink au lounge » ;
- du besoin d'être à la mode, de faire branché : best-seller, best-of (les meilleurs titres de), hit-parade (meilleures ventes), making of, serial killer, coming out pour aveu public, coach pour entraîneur ou conseiller alors que "cocher" ferait rétro en français, un black pour un noir. Un avion ou un crachat se crash au sol car on délaisse le mot "s'écraser".
- du milieu culturel multilingue dans lequel le français est pour certains une seconde langue, impliquant donc que même entre francophones il soit plus simple et aisé de glisser des mots anglais dans une phrase afin de s'épargner le besoin de chercher le vocabulaire dans sa propre langue maternelle.
[modifier] L'effet boomerang
Les langues s'enrichissent mutuellement (des mots comme bazar et choucroute sont des emprunts ; le paquebot fut un temps le packet-boat et la redingote le riding-coat, exemples cités par Étiemble !). Si la langue française emprunte actuellement beaucoup à l'anglais pour des raisons exposées ci-dessus, le contraire a longtemps été vrai (en particulier avec l'invasion de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant et la possession, durant le Moyen-Âge, par la couronne d'Angleterre de larges provinces sur le territoire de l'actuelle France) et la langue anglaise est truffée de gallicismes qui par un effet linguistique nous reviennent :
- E-mail (Electronic Mail) le mot Mail vient de la Malle-poste
- Flirt de conter fleurette
- Marketing, de Market, Marché
- Management est un terme de vieux français tombé en désuétude. Chistiane Collonge rappelle la similitude de manager avec ménagère, les qualités demandées (planifier, gérer un budget et des ressources...) étant bien les mêmes. On dit manager ses moyens, ses forces, et l'on ménage ainsi ses forces et ses moyens.
- rosbif vient de roasted beef, bœuf rôti (l'anglais utilise un mot français beef pour la viande servie sur la table, et un mot anglo-saxon ox pour l'animal sur pied accolé à un adjectif français roasted de rôti, rosté en ancien français au lieu de cooked plus idiomatique; cela vient du fait que les nouveaux maîtres de l'Angleterre après 1066 imposaient leur langage à table, et laissaient les paysans libres d'utiliser le leur dans leur travail).
La proximité étymologique de certains mots anglais avec le français peut faciliter l'adoption de calques de néologismes, que le locuteur ne ressent pas comme anglicisme, comme flexicurité.
[modifier] Typologie du franglais
On recense 6 catégories d'anglicismes : lexical, sémantique, syntaxique, morphologique, graphique, phonétique. À ceux-là s'ajoutent les faux anglicismes.
[modifier] Franglais lexical : domaine technique et monde des affaires
En informatique, le jargon anglais prédomine : « Je reboote (redémarre) pour que les drivers (pilotes) que je viens d'updater (de mettre à jour) soient loadés (chargés). »
De même en commerce booster les ventes pour pousser les ventes, alors que le Français dispose de : sommet, summum, apogée, cime, pinacle, plus haut de…, au mieux de…, le meilleur de…, la crème de...
Remarquons à cet égard qu'au XIXe siècle, où certains étaient portés à l'anglomanie, le français a utilisé ses mots pour désigner une construction pourtant inconnue alors en France et en Europe et a employé "gratte-ciel", traduction littérale en français de l'expression américaine sky-scraper. Il est fort probable qu'à l'heure actuelle, en pareil cas, c'est l'expression américaine qui serait imposée par les médias, sans réaction de traduction.
En revanche, des mots comme logiciel (sur le modèle de "matériel") ont été adoptés très rapidement par la population. Et plus personne ne dit computer pour « ordinateur », bien que le premier mot soit plus court.
Dans le commerce et la gestion d'entreprise : « Le reporting (rapport d'exploitation) mensuel du service marketing a accéléré la chute des stock-options (options d'achat ou actions optionnelles) du staff (personnel en fonction) ».
[modifier] Franglais sémantique
- L'influence anglaise sur la langue est sensible dans les traductions approximatives, notamment dans les médias, entre autres à cause des faux-amis et des expressions calquées sur l'anglais (en informatique, librairie pour bibliothèque, firewall traduit en « mur de feu » au lieu de pare-feu). On distingue parfois en linguistique le premier cas (anglicismes sémantiques) du second (calques phraséologiques). Le mot trivial qui, en français signifie grossier, vulgaire, est souvent employé au sens anglais de "banal", "futile".
- Au Québec, ce type de franglais est plus répandu, mais « acclimaté » linguistiquement en signe de dérision (« sac de pinottes » (sack of peanuts) = sachet d'arachides).
Graphie française du faux-ami | Graphie anglaise | Sens en anglais | Exemple (lu sur le Web) |
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agenda | agenda | programme, ordre du jour (d’une réunion) | L'examen et l'approbation du budget proposé sont inscrits à l'agenda de la réunion mensuelle |
agressive | aggressive | soutenue, énergique | la campagne « Mieux consommer c’est urgent » a été immédiatement suivie d’une nouvelle campagne agressive sur les prix. |
audience | audience | auditoire, public | Les chargés de budget anglais qui ont l'habitude de faire leur présentation commerciale devant une audience silencieuse |
confortable | comfortable | à l’aise | Avec des contrats de quelle ampleur êtes-vous confortable ? |
confus | confused | déconcerté, embrouillé | La méditation n'est pas du tout une technique. Vous pouvez être confus, car notre site vous propose de nombreuses techniques de méditation |
cotation | quotation | devis | Vous souhaitez connaître le prix d’un serveur, d’un PC […] ? Utilisez notre outil de demande de cotation en ligne |
définitivement | definitely | certainement, absolument, sans aucun doute | Si les pistes pakistanaise et afghane valent définitivement la peine d'être explorées, c'est pourtant en Grande-Bretagne qu'il convient de chercher les racines de ce terrorisme |
domestique | domestic | intérieur, national | le choix des boissons à bord peut varier selon la classe de service et le statut (international/ domestique) du vol. |
réaliser | realize | se rendre compte | Je n'avais sans doute pas réalisé tout le travail que représentaient les cours. |
transfert | transfer | correspondance | Avec la gare à l'intérieur du terminal de l'aéroport, le transfert train-avion se fait sans problème. |
versatile | versatile | polyvalent, multi-usages | [Produit] haute performance, léger et versatile. Vraiment maniable, compact et extra plat, il s'adapte automatiquement […] |
Mot de franglais | Mot anglais | Mot français | Exemple (lu sur le Web) |
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compétition | competition | concurrence | [Cet article] n'est pas un si bon achat, [car il] n'est pas à injection, tandis que la compétition est presque toute à injection ! |
consistant, consistent | consistent | constant, cohérent | Ce ruban encreur [… offre…] un contrôle du flux de l'encrage pour une qualité de sortie consistante dans le temps. Ses propos seraient plus consistents qu'ils n'y paraissent. |
encryption, encryptage | encryption | cryptage, chiffrement | L'algorithme d'encryption […] peut générer plusieurs valeurs différentes pour l'encryptage d'une même donnée |
extension | extension | (numéro de) poste | Les appelants peuvent toujours sortir d’une boîte vocale en choisissant un service ou un numéro d’extension particulier |
En italiques les mots inexistants en français.
Expression de franglais | Expression anglaise | Equivalent français | Exemples (lus sur le Web) |
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en charge de | in charge of | chargé de, responsable de | …aussi bien vis à vis des établissements que du ministère en charge de la recherche et de l'enseignement supérieur. (sur www.recherche.gouv.fr !) |
N'y pense même pas | Don't even think about it | (ce n'est même) pas la peine d'y penser, oublie tout de suite | Sortir en amoureux ? N'y pense même pas !
Elle pince biiiiien les lèvres, et elle me regarde avec un air de “N’Y PENSE MÊME PAS” qui me fait un peu peur. |
[modifier] Franglais syntaxique
Reprise en français de la syntaxe anglaise, en particulier la place de l'adjectif (« Je vous recommande la positive attitude »).
[modifier] Les faux anglicismes
Il existe une forme particulière de franglais qui consiste en l'adoption de mots en apparence anglais qui n'existent pas dans cette langue.
Par exemple, pour désigner un costume de soirée, le mot « Smoking (vêtement) » est employé en autres par les francais mais aussi dans de nombreuses autres langue. Pourtant, les anglophones utilisent plutôt « tuxedo », car « smoking » n'existe pas en anglais autrement que comme une forme du verbe « to smoke » (« fumer »).
Ce sont soit des constructions françaises mimant des règles anglaises, soit des glissements de sens d'emprunts.
[modifier] Lutte contre le franglais
[modifier] En France
- Depuis les années 1970, le gouvernement a beaucoup fixé par voie réglementaire la terminologie officielle après consultation des commissions ministérielles de terminologie, en précisant le cas échéant les termes étrangers à éviter. C'est ainsi que le mot « logiciel» proposé à la commission de l'informatique [1] par Philippe Renard en 1970 a éliminé en moins de dix ans le terme anglais software et que « baladeur », conçu en 1983 par la commission de l'audiovisuel et de la publicité, a supplanté walkman. Il est à noter que le mot informatique lui-même est un néologisme créé en 1962 par Ph. Dreyfus, contraction des termes « information » et « automatique », qui ne possède pas d'équivalent exact en anglais (on trouve des concepts proches, comme information technology, computer science ou data processing, ainsi que le terme morphologiquement proche informatics).
- Jacques Toubon, ministre français de la Culture de mars 1993 à mai 1995, a en revanche échoué en proposant une liste complète de mots à utiliser à la place des mots anglais. Sa proposition fut même l'objet de moqueries en son temps - et l'est encore - et la loi Toubon (n° 94-88) pour la promotion de la francophonie fut ironiquement surnommée « loi AllGood » (exemple d'échec à l'usage : vacancelle n'a jamais pu rivaliser avec week-end, qui s'est fixé en franco-français pour désigner le samedi-dimanche, alors que le calque « fin de semaine », utilisé au Canada français, y désigne en Europe plutôt le jeudi-vendredi, c'est à dire la fin de la semaine de travail). Ce fut un échec cuisant pour la lutte contre le franglais, qui a démontré une certaine volonté de la population française à ne pas se laisser dicter l'usage de ses mots.
- Le décret du 3 juillet 1996 a profondément réformé le dispositif d'enrichissement du lexique de la langue française qui existait jusqu'alors. Ce dispositif s'appuie désormais sur la « Commission générale de terminologie et de néologie ». Placée auprès du Premier ministre, cette commission coordonne les travaux de terminologie, en liaison avec différents partenaires, comme l'Académie française, l'Académie des sciences, L'Association française de normalisation (Afnor), l'Institut national de la langue française (CNRS-INaLF) et d'autres commissions de terminologie de pays francophones, comme l'office de la langue française du Québec. Les listes de termes adoptés sont diffusées sous forme de brochures, publiées au Journal officiel (elles deviennent alors d'emploi obligatoire pour les services de l'État et les établissements publics, ainsi que dans les cas prévus par la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française - dite loi Toubon). On peut les consulter sur le site de la Délégation générale à la langue française (DGLF) à l'adresse suivante : http://www.culture.gouv.fr/culture/dglf/.
[modifier] Au Québec
Cet article est une ébauche à compléter concernant le Québec, vous pouvez partager vos connaissances en le modifiant. |
- L’Office de la langue française (OLF) et le Ministère des affaires culturelles du Québec sont créés le 24 mars 1961.
- La Loi sur la langue officielle (Québec) (Loi 22) est adoptée en 1974.
- Commission de protection de la langue française
- La Charte de la langue française (Loi 101) est adoptée le 26 août 1977.
- Le Conseil supérieur de la langue française (Québec) et la Commission de toponymie sont créés le 26 août 1977.
- Loi 104 est adoptée le 1 octobre 2002.
- L’Office québécois de la langue française (OQLF) est créé le 1 octobre 2002.
- Une aide très efficace pour les rédacteurs mérite d'être signalée : il s'agit du grand dictionnaire terminologique. Élaboré par l'Office de la langue française du Québec et d'un emploi très facile, il propose près de trois millions de termes anglais et français dans 200 domaines d'activité.
- Le même Office québécois de la langue française recense plus de 150 anglicismes assortis de conseils sur la façon de les éviter [2]
[modifier] Le franglais dans les chansons
- It is not because you are, chanson parodique de Renaud
- Rock'n'dollars, chanson parodique de William Sheller
- Rock and roll... mops, chanson chantée par Henri Salvador
- Plusieurs chansons récentes du R'n'B français (K-Maro, Tragédie, M. Pokora), avec par exemple les titres Femme like u
- La langue française, chanson parodique de Léo Ferré
- I want to pogne, chanson parodique sur l'anglicisation des médias de la chanson de RBO
- Québécois de souche, chanson parodique des Cowboys Fringants
- L'amour à la française, chanson des Fatals Picards représentant la France en 2007 à l'Eurovision
[modifier] Le franglais sur Internet
La plupart des sites proposent des menus en franglais :
- newsletter = lettre d'information, infolettre
- e-mail = courriel
- spam = pourriel, pollupostage
- messenger = messager, messagerie instantanée
- chatroom = salon, forum, bavardoire
- chat [tʃat] = tchatche, dialogue en ligne, clavardage
- chatter [tʃaˌte] = tchatcher, dialoguer, clavarder
- shopping = achats, magasinage (faire du shopping = faire les boutiques)
- news = nouvelles, infos, actualités
- webmaster = webmestre, administrateur de site,
- home = accueil, page d'accueil
- podcasting = diffusion pour baladeur, baladodiffusion
- podcast = balado
[modifier] Le franglais dans l'information
L'information télévisée, radiophonique et écrite utilise aussi souvent le franglais.
- prime time = début de soirée, heures de grande écoute
- access prime time = tout début de soirée
- timing = échéancier, calendrier, échelonnement
- pitch = bref résumé d'un film, d'un roman
- one man show = seul en scène
- jingle au lieu de musiquette, qui sonnerait trop français.
- senior, sénior = aîné, ancien.
On notera que senior a supplanté troisième âge qui a occulté personnes âgées, qui lui-même a évincé vieux.
[modifier] Voir aussi
- denglisch (traduit de l'anglais) ou en allemand
- spanglish
- Portuñol
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