Interjection
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Une interjection est une catégorie de mot généralement invariable, permettant au sujet parlant, l'énonciateur, d'exprimer une émotion spontanée (joie, colère, surprise, tristesse, admiration, douleur, etc.), d'adresser un message bref au destinataire (acquiescement, dénégation, salutation, ordre, etc.), ou encore de réaliser — approximativement — une image sonore d'un événement (cri d'animal, explosion, bruit quelconque, etc.)
L'interjection peut également consister en un syntagme ou en une phrase. Certains grammairiens la définissent parfois comme un mot-phrase, puisqu'à elle seule, elle équivaut à toute une phrase, de type exclamatif.
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[modifier] Les divers types d'interjections
Une interjection peut prendre la forme d'une onomatopée ; elle peut être aussi un mot emprunté, soit au français soit aux autres langues.
- Les onomatopées, qui, pour certains théoriciens, constituent en fait les seules vraies interjections, consistent en des imitations de bruits, de sons, de cris d'animaux, mais également, d'expressions humaines, plus ou moins spontanées (chant, rire, toux…) :
- Une autre catégorie d'interjections est constituée par un certain nombre d'emprunts. Elles sont parfois appelées fausses interjections. Quand l'emprunt est effectué à partir du français, on a affaire à un changement de catégorie et on parle de dérivation impropre. Au contraire, quand l'emprunt est effectué à partir d'une langue étrangère, on parle d'emprunt lexical :
- Bon ! Bonjour ! Bravo ! Ça, alors ! Ciao ! Courage ! En avant ! Go ! Hourrah ! Inch'Allah ! Malheur ! Merci ! Merde ! Mon Dieu ! Non ! Olé ! Oui ! Saperlipopette ! Si ! Zut ! Stop ! …
[modifier] Interjection et syntaxe
L'interjection est la plus archaïque des catégories de mots. Elle est indépendante des mots qui précèdent ou qui suivent : ne se rattachant jamais, ni directement ni indirectement, au couple constitué par le verbe et le sujet, elle doit être considérée comme étant hors syntaxe. En effet, se suffisant à elle seule, elle ne complète rien (étymologiquement, interjection signifie jeté au milieu).
- En revanche, lorsqu'elle consiste en une dérivation impropre (un emprunt aux autres espèces : nom, pronom, verbe, adjectif ou adverbe), une interjection peut alors avoir des satellites (des compléments, des expansions…) :
- Temps de cochon !
- Le nom commun « cochon » est complément du nom « temps », employé comme une interjection.
- Purée de nous autres !
- Le groupe nominal « de nous autres » (composé d'une préposition, d'un pronom personnel et d'un adjectif indéfini) a pour fonction : complément de l'interjection (c'est-à-dire, complément du nom) « purée ».
- On remarquera par ailleurs, que l'apostrophe (le fait de nommer la personne à qui s'adresse le discours) et la phrase nominale (ou phrase averbale, phrase privée de verbe) s'apparentent aux interjections :
- Jean, nous avons un problème ! Pas de panique !
-
- Le nom propre « Jean » est une apostrophe. La phrase « Pas de panique ! » est une phrase nominale, qui peut également être analysée comme une interjection.
[modifier] Interjections, un langage embryonnaire?
Chez l’australopithèque, il n’existait probablement pas encore de vrai langage, tout était cri, un cri biologique toujours associé à une émotion, apte à transmettre un message d'alarme ou de plaisir. La liaison neuronale de ce cri primitif (émission et perception) était cependant déjà établie avec le système limbique, le cerveau des émotions et de l'affectivité. Pendant des millions d’années se sont forgés des conditionnements entre cris, émotions, réactions végétatives (système nerveux autonome) et réactions neuroendocriniennes du stress. Chez certains de nos cousins simiesques, il existe une communication par cris différenciés pour avertir du type de danger comme nous l’avons entrevu avec les singes vervets.
S’il persiste dans notre langage actuel quelque vestige brut de ces cris primitifs, il faut le rechercher dans l’interjection, liée à l'expression spontanée. On peut regretter l’indigence des dictionnaires sur ces petits mots invariables, employés pour traduire une attitude affective du sujet parlant. Ces interjections ont en général plusieurs sens, mais il ne s’agit pas d’une réelle polysémie, car pour chaque sens la tonalité émotive est très différente.
"Ah!" est une interjection expressive marquant un sentiment vif (plaisir, douleur, admiration, impatience...), parfois une interjection d'insistance et de renforcement (ah ! que je souffre...). Il est évident qu’un ah de plaisir n’a pas la même tonalité qu’un ah de douleur ou d’impatience. Les langues orientales jouent beaucoup sur cette variation de hauteur de son pour différencier leurs mots. Doublée, l'interjection ah marque la surprise ou la perplexité : Ah ! Ah ! et redoublée "Ah ! Ah ! Ah !", elle sert à transcrire le rire. Les mimiques d'accompagnement permettent de reconnaître le juste sens. "Ha !" sert à donner plus de force à l'expression ou exprime la douleur, la surprise. "Hé !" ou "eh !" est une interjection qui sert à appeler ou à interpeller. Le double "hé !" selon le ton exprime l'approbation, l'appréciation, l'ironie ou la moquerie. "Oh !" est une interjection de surprise ou d'admiration, qui sert aussi à renforcer l'expression d'un sentiment quelconque. "Ohé !" est un cri d’appel ; "holà !" modère, arrête, comme un frein vocal ; "hue !" sert à faire avancer ou accélérer le cheval. "Hi ! hi !" marque le rire (sous cape).
Ces interjections ont des variantes et des utilisations différentes selon les régions de France. De même, d’une langue à l'autre, la transcription des bruits et cris varie. Leur expression accompagnée de la mimique adaptée permet de mimer l'ensemble des émotions humaines, alors que leur contenu sémantique non émotif est pauvre. Les écrivains font une utilisation littéraire des onomatopées et des interjections. Ces petits mots appartiennent au discours oral et apportent leur coloration spontanée affective aux textes artificiellement agencés, leur conférant l'apparence de la langue parlée.
Dans son Essai sur l’origine des connaissances humaines (1746) Condillac envisage que la langue primitive est faite d’interjections émotionnelles exprimant par le son une humeur ou un sentiment : ce type de théorie est qualifiée de théorie ‘‘peuh-peuh’’. Ces interjections émotionnelles, précurseurs des émotèmes (couple de lettres associés à une émotion tel tr avec la peur, ar avec la menace, aï avec le risque douloureux, etc), constituent un premier essai de liaison son-émotion, des sons brefs qui n’acquièrent de signification qu’en fonction de la hauteur du son et de la mimique d’accompagnement (grimace de douleur, sourire de plaisir). Les langues tonales, comme le chinois, utilisent systématiquement les possibilités polysémiques de la tonalité des sons permettant ainsi l’extension du lexique de cette langue.
(extrait d' Entendre les mots qui disent les maux, Dr Christian Dufour. Ed du Dauphin juin 06)